avril 26, 2024

Je Verrai Toujours vos Visages

De : Jeanne Herry

Avec Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti, Elodie Bouchez

Année : 2023

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel.

Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l’arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative.

Sur leur parcours, il y a de la colère et de l’espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée… Et au bout du chemin, parfois, la réparation…

Avis :

En deux films, Jeanne Herry s’est joliment imposée dans le paysage du cinéma français. Après une comédie noire titrée « Elle l’adore« , la réalisatrice était revenue avec un très beau drame, « Pupille« . Ce deuxième film abordait les difficiles sujets de l’adoption et peignait toute une galerie de personnages, avec d’un côté ceux qui gèrent les adoptions, et de l’autre, des gens qui ont un désir d’enfant, et à travers eux, la metteuse en scène avait évoqué les parcours, les remises en question, les douleurs et les joies.

Après « Pupille« , Jeanne Herry cherchait un nouveau sujet à explorer. Deux particulièrement l’intéressaient, avec d’un côté le cerveau humain, et de l’autre la justice. Un jour, elle tombe sur un podcast qui abordait la justice restaurative. Intriguée au début, la réalisatrice s’est peu à peu trouvée captivée par ce sujet, d’autant plus que la justice restaurative mélangeait les deux sujets que Jeanne Herry voulait aborder.

On dit souvent que le troisième film est le plus difficile, car c’est celui qui donne, entre guillemets, ses lettres de noblesse à son réalisateur, et encore plus lorsque ce dernier a déjà signé deux excellents métrages avant, et autant le dire de suite, « Je verrai toujours vos visages » fait bien plus que de donner des lettres de noblesse. Non, ce troisième film l’impose et confirme une grande cinéaste !

« Son film nous entraîne en cœur d’un processus, au cœur d’un métier complexe et important. »

Judith, Fanny et Michel travaillent tous les trois au sein de la justice restaurative. Leur mission est de mettre en contact des victimes et des agresseurs, afin d’ouvrir un débat, de comprendre des motivations, et peut-être même panser des blessures.

Grégoire, Nawelle et Sabine ont tous les trois été victimes de vol avec violence, et depuis leur agression, ils ne sont plus les mêmes. Nassim, Thomas et Issa, eux, ont tous les trois commis des vols avec agression. Tous ont exprimé l’envie de dialogues et sont entrés en contact avec les membres de la justice restaurative. Pendant cinq mois, une fois par semaine pendant trois heures, ces six hommes et femmes sont se rencontrés pour parler tous ensemble.

Chloé, elle, a été victime, petite, de son frère qui a abusé d’elle. Aujourd’hui adulte, elle apprend que son frère a été libéré. La jeune femme va alors faire appel à la justice restaurative pour entrer en contact avec lui, et poser des règles.

Bouleversant ! Oui, bouleversant, c’est bien le premier mot qui me vient en tête à la sortie de cette séance de cinéma qui m’a littéralement sciée les jambes et serrée le cœur. Pour le coup, je n’avais jamais entendu parler de la justice restaurative et ne serait-ce qu’avec ce sujet, Jeanne Herry m’a vraiment passionnée, car comme elle l’avait fait avec « Pupille« , Jeanne Herry a potassé son sujet et son film nous entraîne en cœur d’un processus, au cœur d’un métier complexe et important, et derrière ça, tout en relief. Écouter, faire attention, ne pas juger, aider, respecter, s’effacer tout en étant présent, autant d’éléments de grandes importances que la réalisatrice décrit si bien au travers du portrait de quatre membres de la justice restaurative, qui sont parfaitement tenus par Élodie Bouchez, Jean-Pierre Darroussin, Suliane Brahim, et plus loin par Denis Podalydès.

« Jeanne Herry arrive à nous entraîner dans quelque chose de très intime, et l’on est bousculé par ce qui est dit. »

À travers ces hommes et ces femmes, la réalisatrice décrit un parcours d’engagement, et un métier méconnu qui a sa grande importance. Ce qui est excellent dans le scénario de Jeanne Herry, c’est l’idée que chaque personnage a son importance, et que tous apportent plus d’une pierre à l’édifice.

Pour explorer aussi d’autres facettes de ce métier, évidemment, « Je verrai toujours vos visages » s’intéresse aux victimes et à leurs agresseurs. Ne faisant aucun jugement, petit à petit, le film nous entraîne (grâce à un montage brillant) vers des rencontres qui amènent à des discussions passionnantes. Des discussions pleines de douleurs, de rage, de rancœur, mais aussi d’écoute, et de compréhension. S’appuyant sur le texte (du texte et encore du texte) et ses comédiens, Jeanne Herry arrive à nous entraîner dans quelque chose de très intime, et l’on est bousculé par ce qui est dit. Il est même difficile de ne pas être ému, tant l’ensemble est criant de vérité et de sincérité.

De plus, avec ce texte et ces personnages, Jeanne Herry a écrit une sorte de ping-pong, un effet miroir avec chaque personnage, qui finit par se renvoyer une balle. Bref, c’est superbe. Et ça l’est encore plus avec ces acteurs ô combien merveilleux, notamment Leila Bekhti et Gilles Lellouche qui sont extraordinaires et renversants.

«  »Je verrai toujours vos visages » est un film de cinéma qui a compris son sujet et ses personnages. »

Comme je le disais, « Je verrai toujours vos visages » tient un montage magique. Un montage qui nous fait passer d’une intimité à l’autre, et avec ça, on peut aussi s’arrêter sur la délicatesse de la réalisation de Jeanne Herry, qui sait parfaitement ce qu’elle veut, et comment raconter son sujet sans tomber dans le documentaire. « Je verrai toujours vos visages » est un film de cinéma qui a compris son sujet et ses personnages, et qui sait le rendre puissant et percutant auprès de son spectateur. « Pupille » avait déjà de cela, mais avec ce film, Jeanne Herry fait plus fort, plus beau et plus juste encore.

Ainsi, ce troisième film pour Jeanne Herry est une merveille qui aura su me tenir en alerte et en émotion pendant ses deux heures. Passionnant dans ce qu’il raconte, passionnant, voire inoubliable, dans ses rencontres (la rencontre entre Adèle Exarchopoulos et Raphaël Quenard est incroyable d’émotions !), parfaitement tenues et maîtrisées… Bref, assurément, « Je verrai toujours vos visages » est un grand Jeanne Herry, et le film l’installe définitivement.

Note : 18/20

Par Cinéted

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.