avril 16, 2024
BD

Junkwraith

Auteure : Ellinor Richey

Editeur : Ankama

Genre : Aventure

Résumé :

Florence Sato, jeune prodige du patin à glace, se retrouve un jour submergée par la pression qu’elle subit. De colère, elle jette ses patins, invoquant accidentellement un Junkwraith, une sorte d’esprit vengeur qui efface les souvenirs de ceux qu’il touche. Pour ne pas disparaître avec sa mémoire, Florence s’embarque dans un voyage initiatique à travers les Terres Désertées.

Mais arrivera-t-elle à se débarrasser du monstre qu’elle a elle-même créé ?

Avis :

Quand on a un univers très marqué, il est parfois difficile d’embarquer du monde avec soi. Parfois, cela fonctionne à merveille, et une connexion s’établit entre le lecteur et l’auteur. Et quelques fois, c’est un échec, soit parce que les univers sont trop éloignés, soit parce qu’il y a un blocage au niveau graphique ou scénaristique. C’est un peu ce qui arrive avec Junkwraith d’Ellinor Richey. Illustratrice et scénariste suédoise, la jeune femme a roulé sa bosse dans l’industrie du jeu vidéo en tant de concept artist. Attirée par la bande dessinée et sa narration séquentielle, elle s’inscrit dans une école pour pratiquer cet art. Après Thriftwood en 2014, dans lequel elle commence déjà à aborder les objets et leur possession, elle propose alors Junkwraith, qui attire l’œil de par son graphisme si particulier, mais aussi par ses couleurs pastel et sa proposition de partir en voyage.

Et il est vrai que l’on ne peut faire plus doux au niveau des couleurs. Junkwraith possède un côté apaisant dans ses teintes, alors même que l’histoire commence un peu dans la douleur. Néanmoins, pour rester sur les graphismes, il faut vraiment s’accrocher pour apprécier le trait si particulier, si vif d’Ellinor Richey. Non pas que ce soit laid, car cela est un sentiment personnel et subjectif, mais il y a des moments où c’est très brouillon, où l’on ne comprend pas bien ce qui se passe dans les cases. C’est tellement riche au niveau de son univers que l’on peut se perdre et ne plus savoir qui fait quoi dans ce bazar. De plus, les lignes longues et courbes des personnages sont assez étranges, et on est loin d’un graphisme réaliste, ni même purement utopique comme pour Hammerdam. On se situe entre deux, et parfois, ça ne marche pas.

D’un point de vue purement scénaristique, on retrouve des thématiques très intéressantes. On va faire la connaissance de Florence Sato, une jeune patineuse qui est très exigeante envers elle-même, mais qui crée la discorde avec son groupe d’amies à cause de son perfectionnisme. La jalousie des autres, la pression de ses parents et sa recherche d’identité font que Florence craque et décide de jeter ses patins, qui vont se transformer en un fantôme de colère, et maudire la jeune femme. De là, elle décide de retrouver ses patins, mais elle doit partir dans les terres désertées, là où les souvenirs s’effacent. Bref, on voit que des thèmes comme la recherche de soi, le passage à l’âge adulte, le fait de voyager pour se forger un caractère, sont autant de sujets qui traversent cette histoire. Et c’est assez riche, notamment lorsque l’écologie pointe aussi le bout de son nez.

Mais malgré toute cette richesse narrative, on se retrouve face à une histoire qui va nous laisser de marbre. En premier lieu, cela vient des personnages, et surtout celui de Florence. La gamine est capricieuse, elle se pose tout le temps des questions, elle n’a pas confiance en elle, et elle rejette même son seul ami, un petit ordinateur qui se nomme Frank. Les présentations sont assez sommaires, et on aura un mal fou à ressentir de l’empathie pour elle. Et même son Juju (l’ordinateur) qui ne joue que sur des mimiques mignonnes dans l’espoir de susciter de l’amour. Il manque un approfondissement des personnages et de leurs enjeux. Il en va de même avec les personnages secondaires, comme le policier ou la « meilleure » amie, qui n’ont aucune consistance, à un tel point que l’on se demande ce qu’ils viennent faire là.

Autre mauvais point pour Junkwraith, l’univers. L’autrice va droit au but et commence d’emblée avec Florence qui jette ses patins et qui fuit sa ville pour se retrouver dans des terres désertées. Là, on ne comprend pas dans quel univers on évolue, avec la forêt des papiers coupants, la groupe de la guérison, etc… On pourrait s’attendre à une belle épopée, mais finalement, au bout de deux chapitres, l’héroïne arrive à bon port, et elle va essayer de comprendre la formule magique pour combattre les junkwraith. C’est un peu léger et aucun travail de background n’est fourni sur cet univers. En fait, on a la sensation d’être balancé dans un monde particulier, et on doit se laisser porter sans poser de questions. Et là aussi, le monde n’est pas exploité. Les papiers n’ont pas l’air si coupant. Le grand arbre n’est qu’un endroit comme un autre pour faire la sieste…

Ce constat-là est dommage, car s’il y a de bonnes choses là-dedans, c’est parasité par une multitude de petites choses qui ne vont pas et prennent le dessus sur le reste. Et là où ça coince encore plus, c’est l’absence de véritables dialogues. Pour le coup, les personnages parlent peu, et il y a beaucoup de place pour les dessins et les décors. Mais le problème, c’est que ça ne fait pas avancer l’intrigue, et on tâtonne autant que l’héroïne. Il aurait été plus pertinent de faire une voix-off, ou de faire parler le Juju pour donner des informations sur ce que l’on voit. Là c’est relativement brouillon et on se retrouve à explorer un univers nouveau dont on a aucun code. On sent quelques inspirations, comme du Miyazaki sur la fin, avec cette maison qui se déplace, mais on aurait apprécié être un peu plus guidé.

Au final, Junkwraith est une œuvre qui n’est pas inintéressante mais qui s’avère assez maladroite. Si on peut être charmer par son graphisme si particulier et par les couleurs pastel qui apportent une belle douceur, il n’en va pas de même avec l’histoire et l’univers. Les thèmes brassés sont importants et intelligents, mais il manque une réelle implication de la part du lecteur pour vraiment ressentir des choses. C’est la même chose concernant l’univers, qui n’est jamais présenté, et qui va très loin dans le délire, mais pour lequel on n’a aucune information. C’est dommage, on aurait pu avoir une belle aventure, et finalement une pointe d’incompréhension est venue gâcher notre lecture…

Note : 10/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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