De : Varante Soudjian
Avec Alban Ivanov, Lucien Jean-Baptiste, Audrey Pirault, Moncef Farfar
Année : 2022
Pays : France
Genre : Comédie
Résumé :
Éducateurs de quartier, Alex et Stéphanie emmènent cinq ados déscolarisés pour faire une traversée de la Méditerranée et les réinsérer par les valeurs de la mer. Mais arrivés au port, ils tombent sur Riton, leur skippeur, un ancien flic de la BAC, qui a tout quitté pour fuir la banlieue. Ces jeunes, c’est son pire cauchemar. Contraints, ils se retrouvent tous embarqués sur le même bateau pour une virée en mer de quinze jours. Une chose est sûre, après cette Traversée, ils n’auront plus tout à fait la même vision du monde…
Avis :
Réalisateur français, Varante Soudjian a commencé à filmer au début des années 2000. Âgé de la vingtaine, avec un pote, il s’achète une caméra et commence à imaginer de petites histoires. Très vite, il se fait remarquer et commence à bosser pour la télévision, notamment pour Canal +, chaîne pour laquelle il va pas mal travailler sur la décennie suivante. 2019 pour Varante Soudjian, c’est une année qui n’est pas comme les autres, puisque cette année-là, le réalisateur, à quelques mois d’intervalle, sort ses deux premier films film, les comédies « Walter » et « Inséparables« .
A la vue du CV de Varante Soudjian, je dois dire que je me suis lancé dans cette « … traversée » avec un sentiment partagé entre crainte et curiosité. Crainte parce que les deux précédents films du cinéaste ont eu bien du mal à convaincre, et en même temps, j’avais de la curiosité pour celui-ci, car « La traversée » s’annonçait aussi différent de ce que Varante Soudjian avait fait jusqu’à maintenant.
« Le nouveau film de Varante Soudjian se pose comme une bonne découverte, doublée d’une belle bouffée d’oxygène. »
Naviguant toujours dans la comédie, « La traversée » est un film qui dirige le réalisateur vers quelque chose de plus sobre, et avec des sujets plus dramatiques. « La traversée » est un film qui s’intéresse à la différence, aux préjugés, et qui se fait original dans ce qu’il va nous raconter, et lorsqu’on fait l’attention à tout cela, le nouveau film de Varante Soudjian se pose comme une bonne découverte, doublée d’une belle bouffée d’oxygène. Bref, une bonne surprise.
Alex et Stéphanie sont éducateurs à l’haÿ-les-Roses en banlieue parisienne. Pendant plus d’un an, ils ont organisé un voyage en Méditerranée pour cinq jeunes dont ils s’occupent. Après avoir rencontré beaucoup d’épreuves, le voyage peut enfin se faire, mais ce qu’il n’avait pas prévu en revanche, c’est qu’une fois arrivée sur place, le groupe allait tomber sur Riton, leur skippeur, qui est un ancien flic de la BAC qui a fui la banlieue et s’est reconverti. Pour Riton, ces jeunes, c’est son pire cauchemar. Tout comme pour ces jeunes, Riton le flic l’est tout autant. Contraint et forcé, tout ce petit monde embarque et se voit obligé de passer quinze jours en mer et ensemble…
Troisième film de Varante Soudjian, « La traversée » se pose comme une comédie dramatique qui sait se faire aussi intéressante que drôle et touchante. Un constat et un ressenti qui étaient loin d’être gagné en début de film, car dès son ouverture, cette « … traversée » a un trait bien gras, et le film a une tendance à se faire lourd. Cette ouverture, loin de toute nuance, va petit à petit se faire oublier, une fois arrivée sur le bateau, et surtout une fois fait la rencontre du personnage de Riton, skippeur désagréable, bourré de préjugés, un brin raciste sur les bords, et surtout qui ne va faire aucun effort pour faciliter le dialogue et les relations, enfin, au début du film.
« Le film se permet parfois de belles envolées qui l’entraînent un peu plus dans l’émotion. »
Si « La traversée » est un film qui se fait attachant au fur et mesure de cette sortie en mer, il faut toutefois dire que le film, dans son écriture, demeure assez prévisible. Évidemment, on sait bien comme cela va se passer entre ce skippeur et ces jeunes, entre cet ex-flic cabossé et ces jeunes cassos, qui une fois qu’on gratte un peu, se révèlent pas si terribles que cela. À travers cette histoire, Varante Soudjian aborde des sujets intéressants et logiques en même temps. La différence, les préjugés, le manque de culture, le manque de chance, dans le sens où l’on accorde peu de chance à ces jeunes qu’on juge de suite, le film de Varante Soudjian arrive à nous tenir jusqu’à son final. De plus, le film se permet parfois de belles envolées qui l’entraînent un peu plus dans l’émotion, comme par exemple, une soirée de détente sur le pont du bateau, ou encore la scène des dauphins.
Toujours du côté de l’écriture, le réalisateur, qui est aussi l’un des scénaristes, nous balance quelques punchlines qui font sourire, et derrière ça, il arrive à capturer une bonne alchimie entre tout ce petit monde. Après, il faut quand même souligner que même si l’écriture arrive à faire mouche, et nous tenir, l’ensemble est politiquement correct et si les sujets sont bel et bien là, le film ne prend pas vraiment de risque et reste droit dans ses bottes, d’où aussi ce que j’évoquais plus haut, c’est-à-dire le côté prévisible de l’intrigue.
Du côté de la mise en scène, le film arrive là aussi à se poser comme une bonne surprise, car Varante Soudjian nous tient sur son bateau. Le film a un bon rythme, et jamais il ne se fait ennuyant. Même dans les moments parfois lourds et grossis, le film tient bien sa barre, et arrive toujours à se rattraper. Naviguant sur les eaux de la comédie dramatique, « La traversée » arrive à se faire aussi drôle et touchant, le réalisateur conjuguant bien ces deux sentiments, au sein d’un film qui se laisse regarder avec sourire et intérêt.
« Varante Soudjian nous entraîne dans une comédie dramatique qui, après une ouverture qui annonçait le pire, trouve joliment sa voie. »
Du côté de ses comédiens, on retrouve l’acteur fétiche de Varante Soudjian, Alban Ivanov, qui dans le rôle de Riton, ce skippeur infâme et abîmé, va se révéler touchant, et derrière ça, l’acteur est excellent, trouvant un bon rôle, ce qui fut loin d’être facile cette année. Parmi les autres acteurs, entre un Lucien Jean-Baptiste sympathique et une Audrey Pirault pétillante, c’est surtout ces jeunes acteurs et actrices qui se font remarquer et notamment Lucie Charles-Alfred qu’on avait déjà remarqué dans « Placés« , et qui fait encore une fois des merveilles.
« La traversée » se pose donc comme un chouette moment de cinéma. Varante Soudjian nous entraîne dans une comédie dramatique qui, après une ouverture qui annonçait le pire, trouve joliment sa voie, et même si parfois, c’est facile et prévisible, au bout du compte, on se laisse gentiment prendre dans ses filets. Entre sourire et émotion, ce huis clos en haute mer, entre Marseille et le Maroc, fait son chemin et l’on apprécie « La traversée » qui nous est offerte.
Note : 14/20
Par Cinéted