avril 26, 2024

Le Tigre du Bengale/Le Tombeau Hindou

Titre Original : Der Tiger von Eschnapur/Das Indische Grabmal

De : Fritz Lang

Avec Debra Paget, Paul Hubschmid, Walter Reyer, Claus Holm

Année : 1959

Pays : Allemagne, France, Italie

Genre : Aventure

Résumé :

L’architecte Harald Mercier se rend à Eschnapur, en Inde, où le souverain le charge de la construction d’un nouvel hôpital. Au cours de son voyage, Mercier croise Seetha, une jeune et jolie danseuse qu’il sauve des griffes acérées d’un redoutable tigre. Bientôt, une tendre idylle se lie entre Mercier et la belle. Mais le maharadjah s’est lui-même épris de Seetha, et Mercier devient ainsi son principal rival…

En fuite du palais de Chandra, la belle Seetha et Mercier sont recueillis, épuisés, par une caravane. Poursuivis par Ramigani, le frère du maharadjah, ils doivent se réfugier dans la montagne, où ils sont finalement capturés. Ils sont ramenés à Eschnapur, où Seetha est soumise au jugement des dieux, la danse du cobra…

Avis :

Fritz Lang est un monument du septième art. Né en 1890 dans une famille bourgeoise autrichienne, il se destine à devenir architecte, suivant les volontés de son père, lui-même architecte. Mais très rapidement, l’homme se voue une passion pour le cinéma et il va commencer à réaliser en Allemagne, avec des films muets, dont son chef-d’œuvre ultime, Metropolis. A cette époque, il épouse la romancière Théa Von Harbou dont il va adapter tous les récits (dont les deux films qui nous préoccupent dans ce papier). Lorsque les nazis débarquent, Goebbels propose à Fritz Lang de devenir réalisateur pour les studios de propagande. Ce dernier fuit alors à Paris, où il va réaliser un seul film, puis il part à Hollywood, signant un contrat avec Selznick pour la MGM. C’est l’aventure américaine pour le cinéaste autrichien, où il va explorer une multitude de genres.

Lassé par le manque d’engouement et de succès de ses films outre-Atlantique, il décide de revenir en Allemagne à la fin des années 50, où il va réaliser ses trois derniers films, dont le diptyque Le Tigre du Bengale/Le Tombeau Hindou, d’après les écrits de son ex-femme (décédée) et les films de Richard Eichberg. Tourné en allemand, avec la présence de Debra Paget, seule actrice américaine, Fritz Lang va continuer son exploration de la femme fatale et il va aussi opposer les faibles humains face à l’inéluctabilité des Dieux, le tout dans une Inde fantasmée. Accueilli de façon mitigée lors de sa sortie, notamment à cause de son manque de sous-texte politique, le cinéaste autrichien propose un diptyque d’une grande beauté, démontrant qu’il n’a rien perdu de sa superbe, avec notamment une mise en scène inspirée, où les décors gigantesques nous font voyager.

« Le Tigre du Bengale entame donc cette épopée et il sera un film contemplatif. »

Destiné à n’être qu’un seul film de plus de trois heures, Fritz lang a préféré couper son film en deux parties distinctes, rendant l’ensemble plus digeste (pire pour le public américain qui ont eu un mélange des deux films dans un montage d’1h35). Le Tigre du Bengale entame donc cette épopée et il sera un film contemplatif, où les décors seront plantés et les personnages présentés. On y découvre alors Harald Mercier, un architecte, qui est convié en Inde pour construire des hôpitaux. Il fait la rencontre du maharadja, mais aussi d’une danseuse, Seetha, dont il tombe éperdument amoureux. Tout comme le maharadja, qui va alors devenir jaloux de Harald, qu’il considérait comme son ami, jusque-là. En parallèle, un complot se met en branle dans le temple pour faire un coup d’état. C’est le pitch de cette première partie, qui va être un régal pour les yeux.

En effet, plus que l’intrigue, qui reste assez simple (même si elle rentre parfaitement dans les thématiques fétiches du réalisateur), c’est la mise en scène qui va nous frapper. Utilisant une pléthore de décors naturels, Fritz Lang va proposer des plans larges d’une grande beauté pour mieux nous plonger dans cette Inde fantasmée, peuplée de tigres affamés et de courtisans qui veulent la place du maharadja. C’est maîtrisé à la perfection, et malgré quelques défauts de montage, ou des effets « spéciaux » qui ont mal vieilli, on ne peut que succomber aux charmes de ce premier film. Tout comme il est difficile de résister au charme de Debra Paget, d’une grande beauté, et qui va être filmée comme une déesse, lors d’une séquence de danse somptueuse, où elle va nous hypnotiser.

« Fritz Lang joue encore avec l’épure, notamment sur son plan final. »

Cependant, même si on a tendance à rester bloqué sur la mise en scène épique du cinéaste, il faut aussi noter que ce premier film pose tous les personnages et démontre des thèmes récurrents dans le cinéma de Lang. En premier lieu, il y a toujours la présence d’une femme fatale, qui va faire tourner les têtes, et qui sera à l’origine d’une discorde entre les hommes. On peut aussi y voir une sorte de fatalité dans l’opposition entre les hommes et les Dieux, ces derniers étant intouchables, simple témoin d’un combat perdu d’avance. Fritz Lang joue encore avec l’épure, notamment sur son plan final, lorsque Harald, assoiffé et épuisé, tire vers le soleil, démontrant son incapacité à se sortir d’une situation qui semble voulue par les dieux. Ainsi, malgré des critiques de l’époque qui montrent l’absence de contexte politique (de l’époque), Fritz Lang n’offre pas qu’un simple beau film.

Et cela se confirmera avec Le Tombeau Hindou. Dans ce second volet, le réalisateur va être moins patient, et sa mise en scène sera moins éclatante. Par contre, on aura beaucoup plus d’action et tout ce qui a été mis en place dans le premier film, prend ici forme, avec ce qu’il faut de coup d’état et de conflits. Le contexte politique prend alors plus d’importance, avec notamment un maharadja qui va se faire piéger par son propre frère, mais qui va être aidé par ceux qu’il a ardemment chassé par jalousie. De ce fait, le cinéaste joue sur le rapport amour/haine, et fait prendre conscience au chef d’état que sa haine n’est qu’une histoire d’amour contrariée, et qu’il est injuste dans ce qu’il veut faire construire. On trouvera aussi en sous-texte un message cinglant sur la gestion des malades, avec ce camp de lépreux dans les soubassements du temple.

« Même si Le Tombeau Hindou est moins puissant visuellement que Le Tigre du Bengale, on reste dans une recherche esthétique permanente. »

Malgré le fait que ce second film soit moins marquant dans sa réalisation, il y a tout de même des moments de grâce, qui font honneur au cinéma de Fritz Lang. Bien évidemment, on aura droit à une deuxième scène de danse de la part de Debra Paget, qui est cette fois dans une tenue très sensuelle, faisant écho au côté épuré du film. La séquence, malgré un serpent en carton, est d’une grande beauté, montrant qu’une femme peut rendre fou les hommes, quitte à défier les dieux, annonçant alors le déclin du maharadja. Même si Le Tombeau Hindou est moins puissant visuellement que Le Tigre du Bengale, on reste dans une recherche esthétique permanente, et une volonté de rendre beau un film d’aventure, avec un final explosif. Final qui démontre que finalement, l’amour est au-dessus de tout, allant jusqu’à rendre fou.

Au final, Le Tigre du Bengale et Le Tombeau Hindou ne forment qu’un seul et même film découpé en deux parties distinctes. Fritz Lang explore ses thèmes de prédilection dans une Inde sublimée, et prend son temps pour poser son intrigue politique avant de tout faire bouger dans son second volet. Beau, parfois même hypnotique, le cinéaste n’en oublie pas de parler de l’amour, du pouvoir et des rouages politiques qui peuvent se jouer de la beauté d’une femme envers un homme puissant. Avant de rendre un dernier film sur le docteur Mabuse, Lang enrichit sa filmographie d’un diptyque superbe, qui démontre encore son aujourd’hui son talent de metteur de scène et sa vision esthétique.

Note : 18/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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