avril 26, 2024

Thy Catafalque – Geometria

Avis :

L’avant-garde métal. Voilà un terme étrange et qui, pourtant, fait partie de tous les sous-genres de musique extrême, avec pour but de dérouter l’auditeur, lui proposant un voyage à la limite de l’expérimentation. Certains s’en sont faits une spécialité, à l’image de Thy Catafalque. Derrière ce nom se cache un one man band porté par le hongrois Tamas Katai, qui commence sa carrière à la fin des années 90. Se voulant comme un « groupe » uniquement de studio, ce n’est qu’en 2021 que l’artiste décide de s’accompagner d’autres personnes pour faire des prestations scéniques. Bref, on s’éloigne du sujet qui a pour but Geometria, le huitième album du sire, qui semble être une belle synthèse de ce que peut être l’avant-garde métal. Mélangeant des morceaux bien nerveux avec des passages jazzy, voire des moments aériens étranges, cet effort ne peut laisser indifférent, même s’il reste difficile d’accès.

Il faut dire que dès le premier titre, le type nous met à l’épreuve. Hajnali Csillag est un long morceau de plus de huit minutes dont l’aspect métal n’apparait qu’à la toute fin. Montant crescendo, le titre est complexe dans sa structure, ne voulant pas fournir un modèle simple de couplet/refrain. Ajoutant à cela des éléments perturbants avec des percussions jazz (batterie avec des balais) et la langue hongroise qui peut étonner, Thy Catafalque annonce la couleur et se veut, à quelque part, élitiste. Notamment dans la profusion de sonorités et la construction peu commune du titre. Au sein même de l’album, on retrouve des titres qui sont vraiment surprenants, et qui ne sont absolument pas « métal ». Par exemple, Töltés ressemble plus à un morceau électro avec du chant féminin hongrois. C’est bien fichu, mais ça reste étrange et peu commun.

Gote est aussi un titre hybride qui mélange des sonorités électro, encore, avec des éléments plus métal, notamment dans la rapidité de la rythmique. Hajo peut faire office d’interlude avec son beat redondant. Néanmoins, on retrouve des éléments bizarres, comme cette voix lancinante qui scande quelque chose, un peu comme une prière occulte. Si musicalement, on est loin du métal, l’ambiance sombre qui en ressort reste dans un domaine qui parle aux métalleux. On retrouve cela avec Tenger, Tenger et son violon qui joue du crin-crin, rappelant les pays de l’Est et la musique tzigane. C’est intéressant, mais réellement déroutant dans un album qui manie autant de sonorités différentes. Même Balra a Nap est surprenant, se rapprochant presque d’un Eurodance décomplexé. Pour autant, le frontman nous ramène toujours vers des sentiers confortables, poussant l’écoute vers une certaine curiosité. Et il ponctue cela avec de vrais titres métal.

Le premier de tous est Szamojed Fresko, qui envoie la purée. On est à la lisière du Black et du Thrash, avec une rythmique survoltée et des riffs d’une rare lourdeur. L’apport du violon de l’Est donne une vraie aura au morceau qui donne réellement envie de se décrocher la nuque. Quasiment instrumental, on sent que les paroles sont superflues, laissant énormément de place aux mélodies qui s’entremêlent. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le chant flirte avec la voix robotique, comme quelque chose de factice. Sarember viendra aussi mettre son grain de sel, avec une montée progressive vers une agressivité de plus en plus prégnante. C’est dans ces titres que Thy Catafalque gagne en puissance et en intérêt. Notamment parce qu’il y a toujours ce côté expérimental et des mélanges qui étonnent de par leur incongruité, alors que ça fonctionne.

Lagyresz viendra aussi faire parler la poudre, tout en s’octroyant quelques envolées plus lyriques. On retiendra une double pédale qui fait des ravages, et un break tout calme, avec un joli solo de gratte, qui s’adjoindra d’une petite nappe de clavier pas désagréable. Sik sera plus « conventionnel » dans son approche, mais reste un titre qui ne volerait pas sa place dans un album de métal progressif à tendance expérience lugubre. Enfin, difficile de passer outre le dernier titre, Enek a Buzamezokröl, et ses huit minutes, où un riff bien lourd va nous accompagner tout du long, lorgnant du côté du Drone Métal sans jamais vraiment y tomber. Encore une fois, Thy Catafalque ne se refuse rien, tente, expérimente, quitte à laisser sur le bas-côté l’auditeur, habitué à des zones plus calibrées. Mais n’est-ce pas bon de sortir un peu de sa zone de confort ?

Au final, Geometria, le huitième album de Thy Catafalque, est d’un côté un album réellement brillant de par ses aspects techniques et son culot de mélanger autant de style différent. Mais d’un autre côté, il est aussi difficile d’accès, avec une ligne éditoriale pas toujours claire et des morceaux qui sont loin du métal auquel on s’attend. Si, par moments, on flirte avec l’expérimentation de trop, le musicien arrive à retomber sur ses pattes, grâce à une combinaison maline de ces pistes, alternant toujours un titre étrange avec quelque chose de plus lourd. Bref, un Avant-Garde Métal surprenant, saugrenu, mais qui permet de découvrir autre chose.

  • Hajnali Csillag
  • Szamojed Fresko
  • Töltés
  • Gote
  • Sarember
  • Hajo
  • Lagyresz
  • Sik
  • Balra a Nap
  • Tenger, Tenger
  • Enek a Buzamezokröl

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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