avril 26, 2024
BD

The Magic Fish – Ou Comment Faire son Coming Out

Auteur : Trung Le Nguyen

Editeur : Ankama

Genre : Tranche de Vie

Résumé :

Hiền et son fils, Tiến, aiment se lire des contes de fées. Une façon pour la mère de perfectionner son anglais et de transmettre son héritage au jeune garçon qui n’est jamais allé au Vietnam. Pourtant, si le vietnamien de Tiến s’améliore au fur et à mesure de leurs lectures, une conversation lui échappe toujours : comment dévoiler à ses parents qu’il aime les garçons ? 

Avis :

Très souvent, la BD permet d’aborder de nombreux sujets en leur donnant non seulement un fond, mais aussi une forme particulière. Que ce soit dans l’historique, le fantastique ou encore la tranche de vie, la BD permet d’utiliser à la fois le texte et le dessin pour parler de thèmes importants et universels. C’et aussi un moyen de parler de soi à travers une histoire, et de lui donner des contours romancés pour apporter un peu de poésie. C’est ce qu’a fait Trung Le Nguyen avec The Magic Fish. Voulant parler du coming out lorsque l’on est adolescent, avec cette bande-dessinée, c’est un peu de l’auteur dont il est question, lui qui a eu tant de mal à annoncer à ses parents son homosexualité. Sorte de catharsis maquillé à travers divers contes, The Magic Fish est aussi un texte plein d’humanité et de bienveillance.

Tien est un jeune adolescent assez banal, si ce n’est qu’il est d’origine vietnamienne et qu’il vit aux Etats-Unis avec ses parents. Homosexuel, il ne sait comment le dire à ses parents sans leur faire du mal. En effet, entre sa grand-mère malade au Vietnam qui préoccupe sa mère et son père souvent absent pour le travail, Tien ne sait pas trop comment s’y prendre. Il va alors trouver la solution en lisant des contes à ses parents le soir, changeant le propos pour évoquer sa propre vie. The Magic Fish est donc en premier lieu le portrait d’un jeune adolescent qui se découvre, et qui aimerait bien faire son coming out, mais plusieurs choses le tracassent. Comme tous les jeunes gens de son âge, il a ses problèmes et ses questionnements qui ne trouvent pas toujours de réponse. La seule chose dont il est sûr, c’est son homosexualité.

Une homosexualité qui est parfaitement comprise et assumée, même s’il n’en parle qu’à sa meilleure amie. Pour autant, son meilleur ami, footballeur, et crush de Tien, va vite comprendre les attirances son ami et il va l’accepter tel quel. En effet, aimer quelqu’un du même sexe ne semble pas être un problème pour le jeune garçon, même si lui-même est hétéro. Et c’est peu ça The Magic Fish, accepter l’autre sans se soucier de son orientation sexuelle. La volonté de l’auteur est clairement de fournir une image bienveillante, avec des personnages simples et attachants, et surtout compréhensifs et humains. Ainsi, Tien est plutôt bien accompagné, avec des amis qui le comprennent et l’acceptent. Même dans sa famille, tout roule pour Tien, avec des parents aimants et voulant mieux s’intégrer dans la société en apprenant la langue anglaise.

Cette douceur de vivre va prendre un peu de plomb de l’aile lorsqu’il va falloir aborder deux problèmes : le passé des parents de Tien et la maladie de la grand-mère qui va décéder et forcer la maman à retourner dans son pays d’origine. Cela tracasse Tien qui va se renfermer, occultant alors l’aide de ses amis, qui vont tout faire pour le remettre dans le droit chemin. A partir de ce moment, dans la BD, on va croiser plusieurs histoires. Tout d’abord le parcours scolaire de Tien qui va déclinant, et où la directrice va découvrir le secret de Tien. Elle va alors faire appel à un prêtre, ce qui posera problème. Puis on va aussi suivre la mère au Vietnam, qui va devoir faire son deuil et renouer avec un passé à la fois heureux et malheureux.

The Magic Fish dévoile alors toute la richesse de son scénario, qui brasse plein de thèmes intelligents, retraçant, peut-être, la vie de l’auteur. Afin de rendre plus clair son récit, Trung Le Nguyen va utiliser une palette réduite de couleurs, n’utilisant finalement que le rouge, le bleu et le jaune afin d’évoquer différentes temporalités. Ici, le rouge représente le présent de l’adolescent, le jaune est le passé de la mère et du père qui fuient un pays en guerre, et le bleu est le monde du conte, histoires que se racontent Tien et ses parents. Cela apporte beaucoup de clarté à l’ensemble, et permet de ne pas se perdre dans l’entrelacement des histoires. Cependant, la simplicité des dessins peut décontenancer, car ils sont presque à l’opposé de la complexité des thèmes et de la façon de les dire.

Les graphismes les plus travaillés restent ceux du conte, milieu magique et éthéré, dans lequel Tien se retrouve pleinement et s’amuse même à changer quelques petites choses pour assimiler deux cultures. Le conte va être un moyen de montrer que rien n’est figé dans le temps et que les histoires peuvent changer en fonction du narrateur et du pays. Ainsi donc, Tien va comprendre certaines choses par le conte, tout en apprenant la langue anglaise à ses parents. Le conte sera un moyen d’avouer son homosexualité, même si c’est la mère qui le comprend assez vite, changeant alors La Petite Sirène en quelque chose d’autre, de plus subtil et inattendu. Certes, c’est un peu facile, mais l’ensemble fonctionne bien. D’autant plus que les dessins sont superbes lorsqu’il faut mettre en scène des sirènes ou des princesses.

Au final, The Magic Fish est un récit très intéressant qui aborde un thème principal très important, le coming out et sa difficulté de le faire. Bourré d’humanité et de bienveillance, la BD va certainement permettre à certains jeunes lecteurs de se lancer sans pour autant craindre une volée de bois vert de la part de ses parents. Utilisant le chemin du conte pour affronter cette épreuve (qui ne devrait pas en être une), Trung Le Nguyen offre un récit touchant et plein de bonne humeur, qui va alors tenter de parler d’autres thèmes en filigrane. Relativement dense pour le public touché, The Magic Fish pêche un peu par des graphismes parfois simplistes et des planches un peu vides. Il n’en demeure pas moins une lecture agréable, voire nécessaire.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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