avril 18, 2024
BD

Barracuda

Auteurs : Jean Dufaux et Jérémy

Editeur : Dargaud

Genre : Aventure

Résumé :

A bord du Barracuda, les hommes de Blackdog affûtent lames et grappins en vue d’un abordage juteux ! La routine pour Raffy, le fils de Blackdog, qui a déjà fait couler beaucoup de son sang pour son jeune âge. Pour Emilio et Maria, jeunes nobles espagnols, le choc est plus brutal. Vendus comme esclaves à Puerto Blanco, ils se font en outre dérober la carte qui mène au diamant du Kashar, le plus gros du monde, connu pour n’avoir jamais entraîné que mort et désolation dans son sillage ! Il en faut plus pour décourager les pirates du Barracuda, qui savent que butin rime souvent avec destin…

Avis :

Dans le domaine de l’aventure, les histoires de pirates représentent parfaitement les fondamentaux du genre. Entre dépaysements, esprit romanesque, sans oublier un soupçon d’humour, voire de fantastique, le sujet se décline sur de nombreux supports. En littérature, il est difficile de le dissocier de L’Île au trésor, Les Chemins de fortune ou, plus excentrique, Sur des mers plus ignorées. En parallèle des productions des années 1940 et 1950, le septième art a dépoussiéré le thème avec la saga Pirates des Caraïbes. Développé en six volumes (trois était prévu, à l’origine), Barracuda s’insinue dans un style très codifié et bien fourni, même si les itérations sous forme de bande dessinée ne sont pas les plus courantes.

Au vu de la préface et de l’approche choisie, on sent les deux auteurs passionnés par le sujet. Cela peut paraître normal, mais cette simple considération permet de s’écarter de commandes commerciales pour proposer une incursion entraînante et crédible. Par ailleurs, cet intérêt se confirme par un aspect ultra-référentiel. Ce n’est pas forcément les productions les plus récentes qui retiennent l’attention, mais plutôt d’anciens films. On songe avant tout à La Fille des boucaniers, Le Cygne noir, Les Flibustiers, Le Vagabond des mers, sans oublier les multiples versions du roman de Robert Louis Stevenson. On retrouve aussi l’homonyme d’Errol Flynn dans un rôle secondaire.

De par son atmosphère, ses enjeux et ses personnages, Barracuda s’avance comme un formidable hommage aux références précitées et bien d’autres. Hormis de furtives notes de légèreté, l’œuvre de Jean Dufaux et Jérémy Petiqueux prône le réalisme à travers un contexte historique particulièrement délétère. Cela passe par les ruelles crasseuses et malfamées de Puerto Blanco, petite île miteuse et fictive des Caraïbes, qui fait du concept de non-droit une véritable philosophie de vie. Si l’on y distingue un ordre social quelconque, il s’agit du plus apte à imposer sa loi. Le sens de l’honneur reste à l’appréciation de tout un chacun, tandis que les trafics et les crimes en tout genre demeurent le quotidien des insulaires.

Certaines joutes sont particulièrement âpres, comme les duels à l’épée ou les attaques groupées. Il est difficile de retranscrire la fluidité et les mouvements des combats à travers des images figées, mais l’enchaînement des cases supplée à la seule limite visuelle. De même, on ne lésine guère sur les gerbes de sang, les corps martyrisés et autres séquences guère ragoûtantes. Sans sombrer dans le scabreux ou la gratuité, le propos est clairement mature. Cela vaut aussi pour dépeindre la nudité avec le minimum de pudeur qui s’impose pour masquer les parties intimes avec une cuisse bien placée ou un angle suggestif.

On notera que la majeure partie du récit, surtout dans les premiers tomes, se déroule sur terre et non en mer. Pour une œuvre sur la piraterie, cela peut relever du non-sens, mais l’approche demeure assumée et bien amenée afin que le lecteur s’y accoutume rapidement. L’aspect nomade de la piraterie est donc ici relégué au second plan, tout comme les éléments propres à la navigation ou à la vie en mer. Sur fond de vengeance non consommée, l’intrigue s’axe davantage sur les précédents points évoqués à travers un panel fourni de protagonistes. À partir d’un background progressif, leur caractérisation s’étoffe au fil des tomes et démontre une réelle cohérence dans leurs comportements et leurs aspirations.

Au final, Barracuda est une bande dessinée qui exploite le thème de la piraterie de fort belle manière. En dépit de quelques facilités narratives et de poncifs indissociables du genre, cette saga en six volumes fait preuve de constance et de continuité dans le développement de son histoire. Mêlant romance et violence, le présent ouvrage respire l’aventure et l’exotisme des Caraïbes. La période du XVIIe siècle est bien retranscrite, privilégiant le réalisme au fantasme. Esclavagisme, prostitution, contrebande, assassinat… Rien ne manque pour contenter l’amateur. En fin de parcours, on dénote même une touche de fantastique qui renvoie aux croyances mystiques des ethnies locales. En somme, une incursion des plus recommandables qui bénéficient d’une véritable conclusion pour son intrigue et chacun de ses intervenants.

Note : 15/20

Par Dante

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