Auteur : Michel Montheillet
Editeur : Jungle Thriller
Genre : Thriller
Résumé :
Pas plus que sa jeune acolyte, l’inspecteur profileur Brolin ne pense que les sérial killers reviennent d’outre-tombe. Fût-il le monstrueux bourreau de Portland qui étouffait et vitriolait ses victimes avant de les découper avec précision. Mais le bourreau est mort et le carnage se poursuit, identique : un même rituel horrible. Le nouveau tueur agit-il seul ou fait-il partie d’une secte ? Pure sauvagerie ou magie noire ? Brolin a peur. Cette affaire dépasse tout ce qu’on lui a enseigné. S’immerger complètement dans la psychologie d’un monstre, le comprendre afin de le cerner et de prévoir ses crimes, devenir un monstre soi-même, tels sont les moindres risques de son métier. On dit au FBI qu’il s’en faudrait d’un rien pour qu’un bon profileur aille rejoindre la galerie de ses pires clients. Peut-on impunément prêter son âme au mal ?
Avis :
Paru en 2001, L’âme du mal est un roman particulier dans le sens où il marque le début de carrière de Maxime Chattam et le commencement d’une œuvre aussi dense que fascinante. Cette plongée dans les ténèbres de la nature humaine se fait par le prisme d’une enquête qui, dans ses fondamentaux, n’est pas sans rappeler les livres de Thomas Harris. Il existe un téléfilm peu respectueux de l’histoire qui a fait l’objet de diffusions sporadiques à la télévision. Toutefois, au vu de ce qui a pu être commis sur le matériau original, il est préférable qu’elle demeure peu connue. Contrairement à ce que peut laisser présager le titre, la présente adaptation en bande dessinée ne s’attaque pas à la Trilogie du mal, mais bel et bien à son premier opus.
Il est toujours délicat de s’approprier l’œuvre d’un autre auteur, a fortiori quand il s’agit d’un best-seller ou d’un classique. Afin que l’initiative soit réussie, il est nécessaire de respecter le récit original, la vision de son créateur, ainsi que celles des lecteurs. À cela s’ajoutent quelques aménagements pour transposer l’histoire dans les années 2010. Au vu de la densité de l’ouvrage et de la complexité d’un tel projet, trois bandes dessinées (en parution initiale) ne semblent pas superflues. Tant au niveau de l’ambiance, de la trame principale que de la caractérisation, cela permet de développer correctement les nombreux aspects de l’intrigue.
Force est de reconnaître que cette dernière réussit la transition entre une structure sous forme de chapitres et les présentes planches. La progression de l’enquête, les flashbacks et l’alternance des points de vue ne souffrent d’aucun ralentissement ni écueil. L’ensemble reste fluide et bien amené pour assimiler tous les tenants des faits et des investigations qui en découlent. Les lecteurs du roman retrouveront aisément leur repère, tandis que les autres découvriront une atmosphère pesante où la gravité des thématiques ne prête à aucun second degré. En matière de références, on peut également évoquer Seven ou, plus récemment, Heavy Rain.
D’ailleurs, le trait de dessin réaliste (pas de schématisation ou d’un quelconque style décalé) s’accorde particulièrement bien au récit. Les environnements urbains prédominent. Leur échelle démesurée sort souvent des limites de la simple vignette pour mieux développer le contexte. De fait, lorsque l’on passe dans un cadre naturel, comme les forêts de l’Oregon, le contraste est d’autant plus saisissant. Le sentiment de vulnérabilité tient autant à la présence du prédateur qu’à un lieu où l’homme n’a pas vraiment sa place. En cela, le travail de Michel Montheillet est particulièrement subtil pour alterner les scènes sous différents horizons tout en nuançant le ressenti ou une émotion spécifique chez le lecteur.
Quant aux lignes de dialogue, elles sont suffisamment fournies pour retrouver les principales séquences du roman. La trame lui reste fidèle en tout point. De même, sa rigueur permet de développer avec force et détail la personnalité des protagonistes et secondaires, sans oublier les antagonistes. Bien que la plupart des pans de l’enquête soient méticuleux sous bien des aspects, l’évolution est assez dynamique et immersive sans lésiner sur le suspense. Celui-ci peut s’avérer de façade lorsqu’on connaît tous les tenants de l’histoire. Il n’en demeure pas moins que le plaisir de la (re)découverte reste présent au fil des pages.
Au final, cette adaptation de L’âme du mal est une réussite. Non satisfait de permettre à un plus large public de se pencher sur l’œuvre de Maxime Chattam, Michel Montheillet offre une vision tout à la fois personnelle et universelle du roman. Malgré les nombreuses contraintes liées au processus créatif, la transition entre les deux médias se fait naturellement. Des sujets évoqués à l’ambiance si sombre qui émane de Portland, la présente bande dessinée s’impose comme le pendant graphique de son modèle littéraire. Une enquête âpre qui, par certains aspects, peut se révéler éprouvante, notamment ce qui a trait à la mutilation et la découverte des cadavres. Il en ressort une intrigue maîtrisée qui reste encore aujourd’hui une référence en matière de thriller.
Note : 16/20
Par Dante