mars 19, 2024

Tenet – Nolan se Caricature

De : Christopher Nolan

Avec John David Washington, Robert Pattinson, Elizabeth Debicki, Kenneth Branagh

Année: 2020

Pays: Etats-Unis

Genre: Science-Fiction, Action

Résumé:

Muni d’un seul mot – Tenet – et décidé à se battre pour sauver le monde, notre protagoniste sillonne l’univers crépusculaire de l’espionnage international. Sa mission le projettera dans une dimension qui dépasse le temps. Pourtant, il ne s’agit pas d’un voyage dans le temps, mais d’un renversement temporel…

Avis :

S’il y a bien une chose que l’on ne peut imputer à Nolan, c’est que chacun de ses films est reconnaissable. Comme tout grand réalisateur qui se respecte, il a ses propres codes, ses propres tics et ses propres obsessions qu’il transmet au public. Si Guillermo Del Toro aime l’humanité des monstres. Si Steven Spielberg a un rapport très fort à l’enfance. Si John Carpenter sera plus dans une sorte de nihilisme de l’humanité. Christopher Nolan est un addict à la temporalité. Que ce soit des sauts dans le temps, des boucles temporelles, des voyages à travers les âges, cela l’obsède au point que chacun de ses films possède un jeu avec le temps. Même Dunkerque, film de guerre qui aurait pu être très terre à terre, il a fallu qu’il y colle trois lignes temporelles différentes. Bref, le temps, c’est son truc. A un tel point qu’il aime s’acoquiner avec des « experts » scientifiques pour être le plus proche possible d’une éventuelle réalité. Mais est-ce bien là le but du cinéma ?

En effet, on peut se poser la question sur le fait de faire de la « hard science » au cinéma. C’est-à-dire qu’à force de vouloir surexpliquer son film avec des théories complexes que seuls des experts peuvent comprendre, on a toujours cette sensation d’être pris pour des imbéciles. C’est le principal reproche que l’on peut faire à Interstellar par exemple. Avec Tenet, Christopher Nolan continue son exploration de la temporalité, mais avec un détail précis, on ne parle pas de voyage dans le temps, mais de renversement temporel. En gros, les choses se passent à l’envers. Au lieu de tirer une balle, ladite balle va rentrer dans le pistolet. A partir de là, le réalisateur va tisser une intrigue où des objets du futur se retrouvent dans notre époque et un homme va avoir comme mission d’arrêter un marchand d’armes qui veut faire exploser la planète. Un scénario assez simple mais qui va trouver une complexité… inutile.

Comme à son habitude depuis maintenant trois ou quatre films, Christopher Nolan va s’amuser à perdre le spectateur, lui infligeant un script mindfuck pour faire croire que lui est intelligent et que nous, spectateurs, sommes des abrutis finis. C’est assez malin puisque cela permet au film d’exister après la séance, voire même de demander plusieurs visionnages pour capter toutes les subtilités que le film peut avoir. Sauf qu’ici, ça ne marche pas vraiment. La finalité du film est très sommaire, le résultat peut-être très vite anticipé t des incohérences parcourent constamment le film, comme ce marchand d’armes qui achète la copie d’un tableau plusieurs millions d’euros pour faire chanter sa femme dans un hypothétique passé. Bref, comme on peut le voir, c’est compliqué pour des raisons qui nous échappent. De même, le principe de faire marche arrière, d’inverser les temporalités dans une seule et même ligne du temps peut se voir comme une bonne idée, mais globalement, le résultat n’est pas à la hauteur de nos espérances.

Le problème, c’est que le film se perd lui-même dans les façons de raconter cette histoire. On revient sur plusieurs plans qui vont nous faire voir les mêmes scènes mais sous des angles différents. On va se rendre compte que parfois, le futur a un petit train d’avance sur le passé. Et puis la bataille finale ne s’inspire que visuellement de ces deux temporalités. Entre des immeubles qui éclatent ou se reconstruisent, on n’a pas d’impact réel sur le scénario ou même sur les personnages. Encore une fois, Nolan veut faire compliqué quand il peut faire simple et efficace. Son obsession pour le temps devient un peu redondante, mais surtout, cela devient une sorte de gimmick presque arrogant de sa part, voulant à chaque fois se montrer plus intelligent que le reste. Ici, on comprend bien le coup du palindrome, comme sur le titre et dans la trame narrative. Et si visuellement le film a quelques bonnes idées, c’est noyé dans une maîtrise trop clinique.

Encore une fois, le cinéma de Christopher Nolan manque de vie, manque de naturel, manque d’émotions. Notamment dans sa mise en scène. Si on ne peut lui retirer quelques séquences percutantes et plutôt bien fichues comme celle de l’avion. Si on ne peut lui retirer son amour pour les effets spéciaux traditionnels comme sur la scène de l’avion. Il manque à son film une certaine sensibilité. C’est beau, c’est bien shooté, c’est bien cadré, mais ça manque de mouvements, de quelque chose d’humain presque. Comme pour Interstellar, comme pour Dunkerque, tout cela est trop maîtrisé pour faire ressentir des émotions aux spectateurs. Certes, c’est parfois spectaculaire, mais la magie du cinéma s’efface souvent au profit d’une rigueur trop dirigiste.

Et cette rigueur, on la trouve dans les personnages et les dialogues. C’est un fait récurrent chez ce cinéaste, le manque d’émotions entraine un énorme manque d’empathie pour les protagonistes. Ici, on commence directement le film avec une prise d’otages plutôt spectaculaire et un sauvetage express qui va se terminer dans une gare de change. Sans aucune présentation, on nous lâche le personnage principal, qui n’aura pas de nom et on va devoir faire avec. On ne sait pas son métier, on ne connait pas son background, on ne sait rien de lui et de sa vie et il va falloir tout de même le suivre. Et c’est très difficile de ressentir quelque chose pour un personnage dont on ne sait rien et qui ne nous est pas particulièrement sympathique. On retrouve cela avec tous les autres personnages. Neil arrive comme un cheveu sur la soupe pour aider notre héros (un buddy movie qui ne marchera jamais), Kat sera la touche féminine mais restera un personnage torturé à cause de son mari (et la pseudo romance avec le héros ne marchera jamais) et les autres personnages ne seront que des seconds couteaux avec une fonction précise. Dès lors que les personnages nous sont lâchés comme ça et que le film ne se concentre pas cinq minutes sur eux, on ne peut ressentir de l’empathie pour eux. Et sans empathie, il n’y a pas d’émotions et donc pas de sentiments particuliers envers le métrage.

Fort heureusement, en plus de quelques plans sympathiques, le film offre des acteurs qui sont tous relativement bons. John David Washington (le fils de Denzel Washington) est excellent dans ce rôle d’agent secret qui fait des bonds dans les lignes temporelles. Il faut ce qu’il peut avec ce qu’il a et il demeure sympathique. Mais pas attachant. Il pourrait crever que l’on s’en foutrait pas mal. Robert Pattinson est très bon lui aussi dans ce rôle d’acolyte, même si lui aussi manque d’épaisseur. Elizabeth Debicki confirme son talent pour jouer les femmes fragiles, mais finalement fortes. Kenneth Branagh s’éclate comme un cochon à faire le trafiquant d’armes russe. Et Aaron Taylor-Johnson compose un tout petit rôle de militaire, anecdotique, mais il est présent. Et bien évidemment, difficile de passer outre les prestations éclairs de Clémence Poésy et de Michael Caine, au détour de scènes… subsidiaires.

Enfin, difficile aussi de ne pas parler de la musique du film. Beaucoup avaient reproché l’omniprésence de celle-ci dans Dunkerque. Christopher Nolan ne s’est pas payé les services d’Hans Zimmer cette fois-ci, ce dernier étant pris sur Dune de Denis Villeneuve. Il a donc fait appel à Ludwig Göransson, qui était en charge de la bande originale de Black Panther. Et cela se sent fortement. Omniprésence d’une sorte de musique électro tambourinante, cela ne colle pas du tout avec le propos, et surtout, elle nous laisse encore une fois en dehors du métrage. Cette musique se veut moderne, mais elle est bien trop forte et dessert le propos. On savait que la finesse n’était pas le propre de Zimmer, mais on a trouvé plus bourrin que lui.

Au final, Tenet est un film qui va forcément plaire aux fans de Christopher Nolan. Ce dernier fait encore joujou avec le temps et propose une intrigue soi-disant complexe mais qui se donne bien trop de mal pour aller dans le mindfuck, quitte à créer des incohérences. Si certaines trouvailles visuelles sont plaisantes et que c’est relativement bien shooté, l’ensemble manque tellement de vie et d’émotions que l’on se sent simplement spectateur d’un métrage qui pète plus haut que son cul. Si on ajoute à cela des personnages qui déclament des phrases comme des punchlines et où rien n’est naturel ou touchant, on obtient un film symptomatique de Nolan. En bref, un film que les amateurs vont constamment sur-interpréter, pour pas grand-chose, malheureusement…

Note : 08/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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2 réflexions sur « Tenet – Nolan se Caricature »

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