Titre Original : Kamera o Tomeru Na !
De : Shinichiro Ueda
Avec Takayuki Hamatsu, Yuzuki Akiyama, Harumi Shuhama, Kazuaki Nagaya
Année : 2017
Pays : Japon
Genre : Comédie
Résumé :
Le tournage d’un DTV horrifique bat son plein dans une usine désaffectée. Techniciens blasés, acteurs pas vraiment concernés, seul le réalisateur semble investi de l’énergie nécessaire pour donner vie à un énième film de zombies à petit budget. Pendant la préparation d’un plan particulièrement ingrat, le tournage est perturbé par l’irruption d’authentiques morts-vivants…
Avis :
On a souvent tendance à dire que dans le film de zombies, on a tout fait, et qu’il ne reste plus de place pour l’originalité. Il faut dire que du mort-vivant, on en a bouffé à toutes les sauces, pour le pire comme pour le meilleur, que ce soit à la télé ou sur grand écran. Pour autant, s’il y a bien un pays sur lequel on pouvait faire confiance pour sa créativité, c’est le Japon. Car même si c’est parfois tiré par les cheveux (Zombie Ass : The Toilet of the Dead), il y a toujours une idée un peu saugrenue qui vient sortir le film du tout-venant. C’est le cas avec Ne Coupez Pas!, qui n’est pas un film de zombie à proprement parlé. Premier long-métrage de Shinichiro Ueda, il va être très compliqué de parler de ce film sans en spoiler une partie.
En effet, le démarrage est assez déconcertant, car il prend des atours de film amateur dans lequel des zombies attaquent des comédiens qui tournent un film de… zombie. En fait, on se retrouve face à un film dans le film qui ne sera qu’un long plan-séquence d’une grosse demi-heure. Un plan-séquence mené de main de maître, qui a tous les défauts que l’on peut attendre d’une telle production, et qui met toujours en doute ce que pense le spectateur. C’est là le gros point fort du film avec cette première partie, qui joue constamment avec notre ressenti, à un tel point que l’on se demande ce que l’on est en train de regarder. Pour autant, il se dégage un humour savoureux, et on est dans l’attente d’une réelle explication sur ce que l’on est en train de voir. Non seulement c’est malin, mais cela va donner du poids à la suite du film.
« Ne Coupez Pas ! n’est pas un film de zombie, mais une comédie sur le cinéma. »
Après ce plan-séquence de 37 minutes exactement (qui aura demandé deux jours de tournage et six prises), le film s’amuse avec le spectateur d’une autre manière. En effet, on a droit à une séquence de fin, puis à un retour en arrière d’un mois, pour expliquer la genèse du projet. Shinichiro Ueda va alors montrer que ce que l’on vient de voir n’est qu’un court-métrage en direct pour une nouvelle chaîne télévisuelle, et on va avoir droit à tout ce qui s’est passé en coulisse. En faisant cela, le réalisateur propose alors une mise en abîme zinzin, un film dans le film dans le film, qui va sentir l’amour du cinéma de genre à plein nez. Ici, on commence avec le casting et les desideratas des comédiens ou des techniciens, puis de la réécriture du script. Un travail de fourmi qui n’est fait que de concessions.
Des concessions qui deviendront des contraintes, mais qui vont aussi permettre de pointer du doigt les incohérences que l’on voit dans la première demi-heure. Car après quelques répétitions, on assiste au tournage, mais d’un point de vue extérieur. A partir de là, on va voir toutes les petites scènes de débrouille, les arrangements du scénario pour faire avancer le direct sans l’arrêter, ou encore les contraintes liées à des acteurs qui ne sont pas forcément dans leur rôle. Ainsi, Ne Coupez Pas ! n’est pas un film de zombie, mais une comédie sur le cinéma, sur la mise en scène, et sur l’inventivité dont il faut faire preuve pour se sortir de situations compliquées. C’est encore une fois très malin, et on sent que c’est fait avec le cœur et l’envie. Notamment parce qu’en plus de cela, il y a de vrais personnages et de vraies relations.
« Il y a une réelle finesse dans l’écriture et dans les thèmes abordés. »
Le réalisateur japonais ne se contente pas de mettre en avant toutes les problématiques d’un tournage, qu’elles soient techniques ou humaines. Il va, en plus de cela, écrire des personnages attachants, qui vont se battre pour eux et leurs proches. A titre d’exemple, le réalisateur dans le film, joué par Takayuki Hamatsu, va comprendre qu’il doit accepter ce tournage et se battre pour réussir afin de briller à nouveau dans les yeux de sa fille, qui se rêve cinéaste. Un message dont il prend conscience en discutant avec l’un de ses acteurs, qui picole à cause de la perte de l’amour de sa fille, dont il a un peu honte. De même, certains acteurs, un peu trop gâtés, vont découvrir une certaine humilité à travers ce tournage fait de bric et de brocs. Il y a une réelle finesse dans l’écriture et dans les thèmes abordés.
Au final, Ne Coupez Pas ! est une comédie totalement dingue qui va beaucoup plus loin que son concept de mise en abîme. A la fois drôle, intelligent, évoquant un superbe message d’amour au cinéma et à la débrouille, mais dressant aussi un joli portrait d’une famille qui va se serrer les coudes pour la réussite du mari, on peut dire que Shinichiro Ueda a fait un beau coup de maître pour sa première réalisation. Un film qui va d’ailleurs avoir un succès monstre, rapportant plus de 25 millions de dollars de recette, et inspirant un remake pour Michel Hazanavicius.
Note : 17/20
Par AqME