
De : Céline Rouzet
Avec Mathias Legoût-Hammond, Elodie Bouchez, Jean-Charles Clichet, Céleste Brunnquell
Année : 2024
Pays : Belgique, France
Genre : Drame, Fantastique
Résumé :
Philémon est un adolescent pas comme les autres : pour survivre, il a besoin de sang humain. Dans la banlieue pavillonnaire un peu trop tranquille où il emménage avec sa famille, il fait tout pour se fondre dans le décor. Jusqu’au jour où il tombe amoureux de sa voisine Camila et attire l’attention sur eux…
Avis :
Le vampire est une figure du cinéma fantastique qui est constamment adaptée au cinéma. C’est bien simple, dans n’importe quel genre, on retrouve le vampire dans des positions plus ou moins avantageuses. S’il existe de nombreux chefs-d’œuvre, on a aussi droit à de terribles navets, à l’image de Twilight, une franchise qui a fait les beaux jours des adolescents en manque d’amourette entre une humaine et un vampire qui brille au soleil. Forcément, un tel succès amène à des comparaisons qui peuvent paraître douteuse, et lorsqu’on lit que En Attendant la Nuit est un Twilight à la française, on ne peut que frémir. D’autant plus lorsque le pitch se réduit à une jeune fille tombe amoureuse de son nouveau voisin qui souffre de vampirisme. Mais il y a des taglines qui marquent plus que d’autres, surtout lorsqu’elles abordent Morse et Le Règne Animal.

Premier film de fiction pour Céline Rouzet, En Attendant la Nuit raconte l’histoire de Philémon, un adolescent de dix-sept ans qui a besoin de sang pour survivre, et qui tombe amoureux de sa voisine après avoir déménagé. Malheureusement pour lui, sa différence avec les autres ados va lui jouer des tours, et il va devenir la risée des jeunes de son quartier pourtant calme, jusqu’à ce qu’il dévoile sa vraie nature. Très clairement, si on lit le synopsis de manière plus complète, on sait que l’on va tendre à autre chose que les romances caduques de Stephenie Meyer. Et l’introduction du film ne va pas nous tromper non plus. On y voit un bébé qui refuse le sein de sa mère, à moins que celui-ci saigne abondamment. De là, on aura droit à une fuite en avant, puis un bond dans le temps, nous retrouvant au milieu des années 90.
« les acteurs sont très bons »
Le film dévoile rapidement ses cartes, nous présentant une famille qui peut paraître normale, mais qui vit un petit peu en cachette, à cause de son fils aîné, qui doit se nourrir de sang dans la cave. Rapidement, le scénario tisse de belles relations au sein de la famille, notamment le grand frère avec sa petite sœur, ou encore les parents qui sont aimants et compréhensifs, essayant de tout faire pour avoir une vie normale. On sent tout de même une certaine tension. C’est-à-dire que cette famille veut s’intégrer dans le quartier pour paraître normale et intégrée, mais elle sait qu’elle doit toujours être sur le qui-vive pour ne pas trop attirer les regards. En ce sens, les acteurs sont très bons, essayant de jouer la normalité, tout en cachant un double-jeu. Franchement, pour son premier rôle, Mathias Legoût-Hammond est impressionnant de justesse.
Après un début quasi solaire, ce qui est un comble pour un film de vampire, les choses vont se déliter avec les émotions de cet adolescent qui va se découvrir des sentiments amoureux très forts. Il essaye de s’intégrer, mais il ne peut trop aller au soleil, et on sent que les autres adolescents ne vont rien laisser passer. On va retrouver tous les atours du harcèlement, de la moquerie, et de la difficulté d’être différent dans une société qui tend à vouloir mettre tout le monde dans des cases. Les codes du film de monstre sont scrupuleusement respectés, et c’est très intéressant de découvrir cela. Tout comme la bestialité qui commence à prendre le dessus, en même temps que des émotions vives font surface. Bien entendu, il faut y faire un parallèle avec les changements qui s’opèrent dans notre corps lors du passage à l’âge adulte.
« Petit à petit, le film se fait plus obscur, plus tendu »
Petit à petit, le film se fait plus obscur, plus tendu, notamment avec un quartier qui commence à s’affoler, des sentiments qui se renforcent, et un harcèlement qui devient de plus en plus pervers. Tout cela marche car on ressent une profonde empathie pour ce pauvre garçon qui subit son vampirisme. C’est pour lui une malédiction et non pas un pouvoir. Cette vision est d’autant plus intéressante qu’elle prend place dans un quotidien anodin, en proie au jugement des voisins et autres personnes qui veulent une tranquillité dans la normalité. Il est dommage, néanmoins, que le film sombre assez rapidement dans un immobilisme crasse. L’une des dernières scènes, qui pourrait se résumer à une bagarre de rue entre Philémon et les autres ados, baigne dans une stoïcité qui manque cruellement de véracité. Pourquoi personne ne bouge ? Ou n’appelle les secours ?
Cela ternit un petit peu le film, ou tout du moins sa crédibilité. On a la sensation que Céline Rouzet veut éviter tout spectaculaire, à un tel point que la stupeur prend le pas sur la réactivité. C’est dommage, il y avait peut-être matière à faire quelque chose de plus vivant, de plus fantastique, plutôt que de sombrer dans un aspect arty qui manque de mouvement. Heureusement, la toute fin est poignante, même si là encore, on nous laisse sur une impression presque fade dans son effet anti-spectaculaire. Tout le cheminement du film prend une fin presque attendue, mais l’empathie que l’on ressent pour les personnages est forte, symbolisant un combat perdu d’avance devant la peur de l’inconnu, et le refus de comprendre les autres, ceux qui peuvent être différents de nous. C’est beau, bien pensé, et on est presque pris aux tripes par cette fatalité.

Au final, En Attendant la Nuit est une réelle surprise. Vendu comme un Twilight français, il n’est rien de cela. On plonge en plein drame fantastique où la bête est une victime et le monstre n’est rien d’autre que notre société du paraître. Céline Rouzet arrive à ne pas tomber dans un cinéma d’auteur pénible et lénifiant, nous offrant alors une romance adolescente troublante, ainsi qu’un regard dur sur le passage à l’âge adulte et la tolérance. Bref, il s’agit-là d’un bon film, loin de ce que l’on s’était mis en tête.
Note : 15/20
Par AqME
