
De : Nadia Latif
Avec Corey Hawkins, Willem Dafoe, Anna Diop, Jonathan Ajayi
Année : 2025
Pays : Etats-Unis, Angleterre
Genre : Thriller
Résumé :
Charles Blakey est un afro-américain vivant à Sag Harbor sur le point de perdre sa maison lorsqu’un étrange homme d’affaires, blanc, lui propose de louer son sous-sol pour l’été. Il est prêt à payer 50 000 dollars. Cette proposition lucrative entraîne Charles sur un chemin terrifiant…
Avis :
Il est étrange de voir le nombre de films qui passent sous les radars du public et des médias à partir du moment où ils font un flop aux States, proviennent de la scène indépendante ou n’ont pas forcément le succès escompté et se retrouvent rapidement sur les plateformes de streaming. Et étrangement, on retrouve souvent cela sur Disney+ via la chaîne Hulu. Nouvellement arrivé, The Man in my Basement est ce que l’on pourrait appeler un thriller horrifique, qui essaye en plus d’avoir une réflexion sur le racisme et les préjugés. Réalisé par Nadia Latif, qui est aussi scénariste et travaille beaucoup pour le théâtre, le long-métrage n’a pas fait grand bruit, on peut même dire qu’il s’est fait très discret, malgré un casting attrayant, avec Corey Hawkins et Willem Dafoe. Pour autant, après visionnage, on peut comprendre son anonymat, ou tout du moins sa discrétion.

L’histoire est plutôt tirée par les cheveux. Le début nous présente Charles, un black qui vient de perdre ses parents, qui veut garder sa maison familiale, mais comme il se noie dans l’alcool et dans la dépression, il est sur le point de tout perdre. Dès le départ, le portrait est peu élogieux. L’homme joue aux cartes avec ses amis, mais ils s’embrouillent avec eux. Puis il va chercher à manger mais n’a plus de quoi payer quoi que ce soit. Enfin, il passe un coup de fil à quelqu’un de sa famille pour lui demander de l’argent, mais les choses ne se passent pas comme prévu. Bref, on suit un homme qui fout sa vie en l’air, et qui va alors accéder à la demande d’un inconnu qui lui demande de louer sa cave pour vivre à l’intérieur pendant quelques mois.
« Au lieu de faire simple, la réalisatrice complexifie tout »
On se doute bien qu’à partir de là, les choses vont s’envenimer, et qu’il va se passer des choses bizarres. Il faut rajouter à cette intrigue un lourd héritage, avec des reliques africaines qui semblent valoir un paquet d’argent, mais qui ont un côté envoûtant pour notre personnage central, même s’il semble peu amène en rapport avec ses racines. Racines qui sont évoquées via des flashs infos autour du génocide au Rwanda, ou encore une mise en scène subliminale qui nous balance des symboliques dont on ignore la signification. Le film va alors partir un petit peu en eau de boudin, essayant de tirer dans tous les sens, mais en oubliant la cohérence et la puissance du récit. Au lieu de faire simple, la réalisatrice complexifie tout, mélangeant drame amoureux, message sociétal et confrontation psychologique, rendant quasi illisible les messages qu’elle veut faire passer.
Et c’est bien là tout le problème du film, qui s’enlise dans des longueurs pénibles, et dans un mystère qui piétine. La majorité du long-métrage prend sa source dans la confrontation entre Corey Hawkins, complètement paumé, et Willem Dafoe, bizarre, et qui va se construire une prison dans la cave de ce jeune homme. Si c’est surprenant au début, et carrément intriguant, on va vite voir que le concept tourne en rond, n’arrivant jamais à vraiment nous intéresser. Certes, il y a des discussions malines, avec notamment le fait que ce soit un noir qui garde un blanc prisonnier dans sa cave, à son insu, et que cela risque de lui coûter cher, mais on reste en surface avec cela. De même, la nature de ce blanc dans sa cage reste un mystère de Polichinelle, dont la découverte sera un feu de paille. Tout cela manque d’implication et de limpidité.
« Nadia Latif veut trop faire dans la démonstration technique. »
De plus, le film joue la carte du cinéma d’horreur. On aura droit à une mise en scène assez classique là-dessus. Les longs plans larges avec la caméra qui avance doucement vers le personnage qui entend des bruits chez lui, le coup des mains qui sortent de l’ombre et grattent le sol, ou encore un éclairage dans la semi-obscurité, tout cela reste convenu, et n’apporte malheureusement rien à l’intrigue. Tout comme la pléthore de symboles que l’on se prend dans la tronche, et pour lesquels on restera dubitatif. On a bien compris que le point central du film parle de l’importance de nos origines et de nos racines, mais avait-on besoin de passer par toutes ces symboliques maniérées pour évoquer le sujet ? En fait, The Man in my Basement manque cruellement de simplicité, et Nadia Latif veut trop faire dans la démonstration technique.
Heureusement que le film tient sur les épaules de deux acteurs assez solides, et qui sont investis dans leur prestation. Corey Hawkins joue très bien le jeune homme paumé qui ne sait plus quoi faire de sa vie. Si on pourrait lui reprocher un jeu un peu monolithique, il transmet bien ses émotions et sa perte de repères suite au décès de ses parents. Au début détestable, il arrive à prendre conscience qu’il perd le fil de sa vie, et qu’il lui faut reprendre pied. Quant à Willem Dafoe, il est toujours aussi dérangeant, avec son faciès si particulier. L’homme joue de son physique, dérange, questionne, et il est presque dommage que sa révélation finale soit si décevante. Tout comme il est triste de voir que les personnages secondaires soient si peu intéressants, de la jeune femme antiquaire, crush du héros, aux amis qui ont finalement peu d’impact sur l’intrigue.

Au final, The Man in my Basement est un long-métrage assez étrange, qui souffle le chaud et le froid, et qui n’arrive jamais vraiment à se poser pour nous intriguer. Le message de fond aurait dû être intéressant et malin, mais il est brouillé par une mise en scène qui se veut maniérée et trop percluse de symboliques qui ne servent à rien. Nadia Latif se complait dans une mise en scène qui se veut artistique, mais qui loupe l’efficacité et la percussion de son message. Bref, il en résulte un film moyen, pas inintéressant, mais dont on comprend l’anonymat suite à ses nombreux défauts.
Note : 11/20
Par AqME
