
De : Jessica Hausner
Avec Franziska Weisz, Birgit Minichmayr, Marlene Streeruwitz, Rosa Waissnix
Année : 2004
Pays : Autriche
Genre : Thriller
Résumé :
Irène débute comme réceptionniste dans un grand hôtel des Alpes autrichiennes. Lorsqu’elle apprend que celle qui la précédait à ce poste a disparu dans d’étranges circonstances, elle commence à enquêter. Elle se heurte à l’indifférence puis à l’hostilité de ses collègues jusqu’à se convaincre qu’une menace pèse sur elle.
Avis :
Faut-il se méfier des films qui sont sélectionnés dans diverses catégories pour le festival de Cannes ? C’est une question assez légitime, car on voit peu de films de genre dans ce genre de festivités, et on se demande toujours comment est faite la sélection. Et si aujourd’hui, les mœurs tendent à changer, avec des films surprises et des récompenses qui aiment faire jaser, auparavant, le festival de cannes avait toujours cette tendance à présenter des films pour bobos, avec une sorte d’élitisme proche du snobisme. C’est en 2004 que sort le film autrichien Hôtel, réalisé par Jessica Hausner, et intégré dans la sélection Un Certain Regard, permettant alors de voir des films étrangers qui n’ont pas forcément une grosse visibilité. Promis comme un thriller horrifique dans les Alpes autrichiennes, Hôtel semble prendre les chemins d’un Shining dépressif, mais il n’en aura jamais l’aura.

D’entrée de jeu, on va suivre Irène, une jeune femme qui commence à travailler comme réceptionniste dans un grand hôtel. Le gérant lui montre les sous-sols avec toutes les réserves, et les quelques règles strictes concernant le personnel. Le film s’octroie dès le début d’une ambiance très froide. Les couleurs sont ternes, le sous-sol n’est guère engageant, et surtout, tous les personnages tirent la tronche. Jessica Hausner, dans son approche, souhaite nous plonger dans une atmosphère morbide, dérangeante et peu amène. Et histoire de consolider cela, elle balance une légende urbaine autour d’une femme dans les montagnes, qui vivrait dans une grotte. Bref, de suite, on sent une envie de mettre le spectateur mal à l’aise, entre ambiance froide, folklore local et disparition étrange, puisque Irène remplace une femme qui a mystérieusement disparue sans laisser de traces.
« Le problème avec ce film, c’est qu’il reste froid et distant »
On pourrait croire alors, que le film démarre sous les meilleurs auspices, mais on va vie se rendre compte que le reste de l’histoire brasse du vent, et suit une narration simple et linéaire. Irène se fait bien voir par sa hiérarchie, elle prend son métier très à cœur, et tisse même des relations amicales avec sa collègue, au point de sortir en boîte avec elle. Bien évidemment, il ne faudra pas grand-chose pour que le tout se dérègle. Irène mène l’enquête sur la disparition, dérange plusieurs membres du personnel et refuse de prêter son collier à sa collègue, déclenchant alors la colère de cette dernière. Petit à petit, on comprend que le monde autour d’Irène s’écroule, et que cette dernière va être perdue dans cet hôtel dans lequel elle ne se sent plus à sa place.
Le problème avec ce film, c’est qu’il reste froid et distant avec son public du début à la fin. Les personnages sont antipathiques, peu travaillés, et ne donnent pas envie de se mettre à la place de cette pauvre Irène. On reste sur des suppositions, sur des non-dits, et l’ambiance est tellement lourde qu’elle en est peu probable. Il suffit d’assister au repas de l’équipe dans les sous-sols, dans un mutisme presque religieux, pour se rendre compte que quelque chose ne va pas. Seulement, Jessica Hausner reste dans le flou, se refusant à expliquer cette ambiance mortifère, et pourquoi les gens restent à travailler dans cet hôtel. Il faut aussi ajouter à cette atmosphère délétère une musique techno insupportable, comme si les personnes se saoulent avec le bruit, ou encore des titres ringards où de vieilles personnes dansent dessus, dans un ballet dépressif.
« la réalisation de Jessica Hausner est tout aussi froide que son scénario. »
Histoire de bien plomber un peu plus une histoire qui n’a ni queue ni tête, la réalisation de Jessica Hausner est tout aussi froide que son scénario. La mise en scène est clinique, et s’octroie même le délire d’une photographie terne, avec un éclairage aux teintes grisâtres pour bien appuyer le côté psychologiquement lourd. A plusieurs reprises, la cinéaste filme son actrice s’enfoncer dans les ténèbres d’un couloir ou d’une grotte, appuyant de façon exagérée la métaphore autour d’une femme qui s’enfonce petit à petit dans une dépression, jusqu’à disparaître aux yeux des autres. En fait, la réalisatrice veut faire quelque chose de malin et de supposément intelligent, mais c’est lourd et immédiatement compréhensible. On peut aussi dire que la mise en scène demeure classique, avec des plans qui ne recherchent jamais le beau, ou qui essayent de nous surprendre.
Et puis il y a les acteurs. L’actrice principale fait amplement le taf. Franziska Weisz joue parfaitement les ingénues qui veulent bien faire, et qui sombre petit à petit dans la dépression. Cependant, son mutisme demeure pénible, et les acteurs autour d’elle ne l’aident pas forcément à devenir plus forte. Comme dit auparavant, tout le monde tire la tronche, et certains acteurs en font des caisses dans ce domaine, comme la gérante du personnel, ou encore le co-gérant, qui botte constamment en touche lorsqu’il y a des problèmes. Au-delà des prestations, il est compliqué de ressentir la moindre empathie pour qui que ce soit, tant tout ce petit monde est désagréable, et ne fait aucun effort pour paraître un tantinet sympathique. Alors oui, c’est le scénario qui veut ça, mais on aurait pu s’accrocher à un personnage…

Au final, Hôtel n’est clairement pas un film d’horreur, ni même un thriller, mais plutôt un drame lourdaud et pataud. Sous couvert d’une enquête qui passe au second plan, l’histoire nous plonge dans la psyché d’une femme qui sombre dans une dépression irréversible. Le côté Folk Horror est à peine évoqué, les recherches de l’héroïne sont balayées d’un revers de la main, et on assiste, impuissant, à un déroulement mortifère dans un endroit gris et terne, où rien ne viendra éveiller notre curiosité. Bref, le film d’auteur « boboisant » dans toute sa splendeur, qui veut se faire plus malin qu’il ne l’est, alors qu’il est d’une bêtise crasse…
Note : 05/20
Par AqME