
Avis :
Il arrive que la littérature se percute avec la musique Métal, et bien souvent, on retrouve les écrits de H.P. Lovecraft, qui semble être un auteur propice à ce genre musical. On ne compte plus les groupes qui reprennent son imagerie, ses histoires et dont le nom fait référence à l’univers des grands anciens. D’ailleurs, c’est le nom choisi par les bordelais au moment de former The Great Old Ones, en 2009. Evoluant dans un Post-Black qui s’appuie sur les récits de Lovecraft, ou s’amusant à imaginer des suites à certaines nouvelles, le groupe signe tout d’abord chez Les Acteurs de l’Ombre avant de partir vers Season of Mist pour devenir plus « grand ». Et si le line-up va changer de nombreuses fois suite à des projets personnels ou à des vies nomades qui ne conviennent guère, The Great Old Ones continue son petit bonhomme de chemin.
Composant des titres très longs, et des albums concepts qui le sont tout autant, il faut du temps pour le groupe entre chaque album. De ce fait, nous avions laissé The Great Old Ones en 2019 avec Cosmicism, un excellent album dans la continuité des précédents efforts. Outre une composition qui demande du temps, le line-up a beaucoup changé entre temps, avec un nouveau bassiste, un nouveau batteur, et un guitariste qui va quitter le groupe après l’écriture de cet opus. Forcément, Kadath attisait donc la curiosité, et lorsque l’on regarde la tracklist, il n’y a guère de surprise, à savoir peu de titres, (seulement sept, et il faut compter un interlude) mais plus d’une heure d’écoute pour un résultat qui oscille entre Post-Black, Death et une pointe de Prog. De quoi nous rassasier et démontrer que le groupe est bien en forme.
L’album débute alors avec Me, the Dreamer, et il s’agit d’une très long titre-fleuve vraiment passionnant. On retrouve tous les éléments du groupe, qui continue à osciller entre les genres pour mieux nous percuter, et ne jamais nous ennuyer. On a droit à un chant growlé puissant, mais qui intervient surtout quasiment en fond, se faisant comme avaler par les guitares et la mélodie. Une mélodie qui pourrait paraître brouillonne, mais qui bénéficie de plusieurs couches pour sillonner entre les effets de style. On aura droit à des moments éthérés et cauchemardesques, puis les guitares lourdes reviendront donner un bon coup de reins pour mieux nous assommer. Bref, c’est très bien fichu, c’est cohérent du début à la fin, et bien évidemment, ça reste dans un esprit parfaitement lovecraftien, comme si nous errions à travers les limbes d’un monde inconnu et effrayant.

Avec Those From Ulthar, le groupe va plus loin dans l’expression de sa violence. Le morceau est plus lourd et plus vigoureux que le précédent, avec un aspect « horrifique » plus prononcé. Ici, on a la sensation d’être au sein même de l’enfer, et la formation joue moins sur les textures et les nuances. Si on aura droit à un joli break et à des moments plus aériens au sein du titre, on retombera vite sur quelque chose de plus dense. Une sensation que l’on retrouvera aussi avec In the Mouth of Madness, même si d’un point de vue musical, on sera sur quelque chose de plus « doux ». Le titre est plus tortueux, plus mélodique aussi, et même s’il garde tous les atours du Post-Black, avec du blast et des passages plus aériens au niveau des guitares, on a droit à un titre complet et complexe.
Lorsque l’on aborde Under the Sign of Koth, on sait déjà à quoi s’attendre, et le titre est cohérent avec le reste de l’album. On a de gros riffs, une construction qui permet de raconter une longue histoire, et une violence qui s’exprime du début à la fin, tout en jouant sur les nuances et les rythmiques. C’est fort, c’est puissant, et il faut bien l’interlude The Gathering pour s’en remettre. Après cela, Leng va nous prendre un peu par surprise. Déjà parce qu’il dure quinze minutes, mais aussi parce qu’il est entièrement instrumental, avec quelques paroles en français. C’est avec ce titre que l’on mesure toute la force technique du groupe, qui peut se passer de mots pour raconter quelque chose. Enfin, Astral Void (End of the Dream) clôture de façon percutante l’album, avec un côté Black plus assumé et plus prégnant.
Au final, Kadath, le dernier album des français de chez The Great Old Ones, est une réussite du début à la fin. Si on peut dire que c’est à réserver aux initiés et aux amateurs de longs morceaux qui dépassent allègrement les dix minutes, il n’en demeure pas moins que le groupe frappe fort et offre une galette d’une rare densité et d’une puissance indéniable. Bref, on peut pester contre le manque de mise en avant du métal en France, car il existe des groupes qui valent vraiment la peine d’être écoutés, et The Great Old Ones en fait largement partie !
- Me, the Dreamer
- Those From Ulthar
- In the Mouth of Madness
- Under the Sign of Koth
- The Gathering
- Leng
- Astral Void (End of the Dream)
Note : 17/20
Par AqME