Titre Original : No Entres
De : Hugo Cardozo
Avec Lucas Caballero, Pablo Martinez, Rafael Alfaro, Andy Romero
Année : 2024
Pays : Paraguay, Argentine
Genre : Horreur
Résumé :
Après avoir fait grand bruit avec de fausses captures d’images paranormales dans un manoir abandonné, deux YouTubers retournent sur les lieux pour approfondir leur enquête et découvrir le passé terrifiant de ses anciens propriétaires.
Avis :
Pour des cinéastes débutants ou sans le sou, le concept du found-footage demeure intéressant à bien des égards. Ce genre permet d’étayer une histoire avec des moyens modestes, de concrétiser une production épurée à l’extrême. Il est ainsi possible d’instaurer une ambiance lugubre, de travailler le sentiment d’immersion ou de flouer les frontières entre fiction et réalité avec un matériel basique. Cependant, il ne faut pas confondre cette approche artisanale avec un amateurisme opportuniste. Autre que des velléités pécuniaires, l’absence d’intentions louables peut très vite trahir la vacuité de bobines exécrables, voire vomitives. Preuve en est avec de pénibles itérations telles que Obayifo Project ou encore Fear Challenge.
Pourtant, No Entres part d’un postulat similaire à ce dernier métrage. En l’occurrence, il est question de dénoncer la recherche de la notoriété et du sensationnalisme à travers le métier de vidéaste. Le nombre de partages sur les réseaux sociaux ou les vues d’une vidéo prévalent sur toute autre considération. Certes, le propos n’est pas nouveau, mais il permet d’étayer le contexte et d’apporter un fond. Auparavant, Hugo Cardozo avait déjà évoqué cette problématique sociale dans son premier film, Morgue. Toutefois, il s’agissait surtout de dépeindre le tempérament nombriliste de son personnage principal. Ici, le présent métrage aborde cette thématique de manière frontale. Ce qui se prête bien au style du found-footage.
« Bien que rares, les effets spéciaux restent corrects. »
S’il est attendu, le prétexte est également bien amené pour justifier l’irruption des deux protagonistes au sein de la demeure. La première partie s’axe sur l’exploration des lieux, façon urbex. On notera aussi une première intention où les intervenants restent dans une optique pragmatique, privilégiant la comédie au réalisme. La diffusion en différé et l’évocation de trucages au montage démontrent la nature de leur entreprise. Cela permet de crédibiliser leur volonté de poursuivre leur périple nocturne, en dépit des phénomènes paranormaux qui ont tendance à se multiplier et à prendre de l’ampleur.
La seconde partie de l’histoire s’oriente vers des manifestations beaucoup plus tangibles et explicites. Bien que rares, les effets spéciaux restent corrects. On songe à ce spectre dont la moitié de la tête est arrachée par un tir de fusil ou à l’apparition de cette figure démoniaque au détour d’un couloir. Cela ne constitue pas un précédent en la matière, mais ces éléments viennent dynamiser l’exploration, tout en variant les dangers auxquels les deux vidéastes se confrontent. En cela, le film a le mérite de maintenir l’attention de son public, tout en proposant une découverte progressive des lieux.
« cette sensation rappelle l’atmosphère sinistre de The Grudge. »
Seulement, cette diversité des phénomènes est à double tranchant, a fortiori sans repère scénaristique probant. En effet, il est difficile de distinguer une cohérence entre une potentielle hantise, des cérémonies satanistes ou un psychopathe à la hache. En d’autres circonstances, on pourrait tisser un fil directeur pour mieux appréhender le passé de la demeure. Ici, on se contente de ces évocations sans expliquer leur résurgence ou leur origine. Pour caricaturer ce constat, on a davantage l’impression d’assister à une visite de maison fantôme dans un parc d’attractions que de découvrir une propriété au passé tourmenté. Et pourtant, il est aisé d’éprouver la colère qui suinte de ces murs. Dans une certaine mesure, cette sensation rappelle l’atmosphère sinistre de The Grudge.
Au final, No Entres se révèle un found-footage intéressant dans ce qu’il véhicule et ses ambitions. Sous couvert d’une vidéo sensationnaliste dédiée au web, l’exploration de la demeure est immersive avec une mise en condition soignée. On distingue aussi une évolution dans les intentions initiales, passant d’un postulat suggestif à des manifestations plus tangibles. Il est parfois difficile d’amalgamer ces deux aspects, mais la transition reste maîtrisée. On peut toutefois regretter une intrigue trop évasive sur le passif de la maison qui renvoie à une incohérence manifeste entre les différents phénomènes paranormaux. On déplore aussi une caractérisation trop en retrait pour développer l’empathie à l’égard des protagonistes. S’il pâtit d’imperfections et de maladresses évidentes, No Entres s’avance néanmoins comme une incursion honnête dans le paysage du found-footage.
Note : 13/20
Par Dante