avril 19, 2024

The Privilege

Titre Original : Das Privileg – Die Auserwahlten

De : Felix Fuchssteiner et Katharina Schöde

Avec Max Schimmelpfennig, Lea Van Acken, Tijan Marei, Milena Tscharntke

Année : 2022

Pays : Allemagne

Genre : Horreur

Résumé :

Dans une école privée d’élite, un riche ado et ses amies découvrent un sinistre complot en essayant de faire la lumière sur une série d’événements surnaturels.

Avis :

L’Allemagne n’est pas forcément le premier pays auquel on pense quand on évoque le cinéma d’horreur. Si quelques réalisateurs ont eu des résonances dans le genre, le pays reste très timide quant à ses récentes itérations. Souvent trop sage ou sans intérêt, il manque au pays teuton un cinéaste qui a envie de bousculer les codes et de renouer avec un style gothique qui fut la marque de fabrique dans les années 20 (Nosferatu par exemple). Connus pour leur travail autour de la trilogie des pierres précieuses (Rouge Rubis, Bleu Saphir et Vert Emeraude), Felix Fuchssteiner et Katharina Schöde ont décidé de revisiter le mythe des Body Snatchers dans un style ado, en plaçant un grand remplacement dans le milieu bourgeois par des entités parasites. Sans intérêt de prime abord, le film tente pourtant des choses intéressantes.

Parasite Eve

Le début du film tente de placer un contexte assez étrange. On y suit un petit garçon et sa sœur qui vont fuir une entité maléfique. S’arrêtant sur un barrage, la grande sœur tombe alors que le petit frère reste sur la route. Des années plus tard, le grand frère fait des tests dans une clinique pour un check-up et la médecin lui prescrit des cachets pour se maintenir en forme. Mais le jeune homme se sent malade et tout se décante lorsqu’il voit une sorte de rituel dans son salon, où sa sœur jumelle se fait toucher par une vieille à poil. Dès lors, il découvre une sorte de ver dans ses pilules et décide de mener l’enquête, jusqu’à trouver que ce ver est un parasite qui prend le contrôle des humains.

Le pitch est assez simpliste et on le retrouve dans de nombreux films d’horreur. Outre les nombreuses itérations des Profanateurs de Sépultures, on pourrait aussi citer Horribilis et consorts, dans des genres plus dévergondés. Ici, les deux réalisateurs allemands reprennent le scénario à leur compte pour le placer dans un contexte particulier, celui de la bourgeoisie allemande. Ainsi, notre héros évolue dans des hautes sphères déconnectées du réel, où le culte du corps a une grande importance. On voit constamment ses parents faire du sport et se maintenir à un haut niveau. Il en va de même avec sa sœur ou ses amis du bahut, qui ont tous un statut particulier et se doivent de maintenir une certaine étiquette. Le fait de placer l’intrigue dans ce monde est assez intéressant, car il va être perçu comme quelque chose de malhonnête, de tricheur.

Le ver élitiste

En effet, le « héros » de l’histoire va se rendre compte de la supercherie lorsqu’il voit le comportement de sa sœur changer. Très amoureuse d’un roturier, après le rite découvert par son frère, elle va se séparer et devenir très étrange. Lui-même étant amoureux d’une jeune fille de famille moyenne, il ne veut pas se plier à cet exercice. Ainsi donc, il va mener l’enquête avec sa meilleure amie, elle aussi assez pauvre, et ils vont découvrir le pot aux roses. De ce fait, derrière son côté stéréotypé et sans envergure, The Privilege aborde la lutte des classes en montrant les riches comme une sorte de secte privilégiée où les choix se font en fonction du statut et du physique. A quelque part, on n’est pas si loin de la vérité.

De plus, le film peut se voir comme une critique du monde capitaliste. Le père de famille est le PDG de l’entreprise pharmaceutique qui fabrique les pilules avec le ver à l’intérieur, et là encore, il a une étiquette à tenir. Il semble se foutre royalement des conséquences de ses actes et ne souhaite qu’une chose, que le monde devienne comme lui. Une uniformisation de la société qui ferait pâlir d’envie certains partis politiques d’extrême-droite. The Privilege cache donc bien son jeu et aborde des sujets assez intéressants, même s’ils sont amenés en filigrane et se délitent pour laisser place à des scènes d’action fatigué, des effets spéciaux datés et une narration simpliste. Et c’est là que le film perd de son intérêt, n’arrivant jamais à maintenir une certaine tension et à fournir des éléments effrayants.

Brouillon

Si le scénario se veut plus malin dans son fond et dans sa critique de la société bourgeoise, il contient aussi quelques moments qui peuvent laisser circonspect. En effet, on ne trouvera pas forcément le lien entre l’entité maléfique du début, le coup d’un exorcisme abrogé ou encore les vers qui contrôlent les corps. Le film tentera bien de nous dire qu’à la base, cette bestiole est utilisée pour créer un portail entre le monde des esprits et le nôtre, mais ça s’arrêtera là et on n’aura pas d’autres explications. On sent que cela a été rajouté pour mettre un peu d’ésotérisme et une scène de spiritisme, mais ça ne sert strictement à rien dans l’intrigue et au sein même du film. Bien au contraire, cela embrouille plus qu’autre et offre au film un aspect brouillon.

Enfin, le film loupe un peu le coche sur deux points, les personnages et la réalisation. Les protagonistes ne sont guère attachants. Le héros fait le job, et le trio qu’il forme avec ses deux amies est plutôt plaisant, mais tout cela manque d’épaisseur et de liant. Il ne suffit pas de présenter une courte scène de sexe à trois pour créer une empathie. Ensuite, les seconds rôles sont anecdotiques, si ce n’est détestables. Pour ce qui est de la mise en scène, elle manque cruellement de personnalité. Il y a bien quelques moments intéressants, comme la fête du début ou encore la séquence d’exorcisme, mais on reste un peu sur notre faim. La seule vraie bonne séquence marquante est lorsque l’on visite les locaux pharmaceutiques, avec une salle remplie de cadavres avec des champignons sur eux. Là, il y a un effort sur la colorimétrie et l’enchainement des plans.

Au final, The Privilege est un film qui n’est pas si mauvais que ça. S’il détient son lot de faiblesses, comme une histoire cousue de fils blancs ou encore des effets spéciaux à la ramasse, certains points de fond méritent qu’on s’y attarde un petit peu. Critiquant la société bourgeoise qui refuse de se mêler à la plèbe sous couvert d’un parasite élitiste, le film tente aussi quelques saillies bis intéressantes, tout en arpentant le chemin du teen movie sans trop intérêt. Soufflant constamment le chaud et le froid, on reste pourtant accroché aux bons côtés du métrage, qui essaye, sans jamais vraiment conclure. Ce n’est déjà pas si mal.

Note : 13/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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