
Titre Original : Dangerous Minds
De : John N. Smith
Avec Michelle Pfeiffer, George Dzundza, Courtney B. Vance, Robin Bartlett
Année : 1995
Pays : Etats-Unis
Genre : Biopic
Résumé :
Ex-membre des marines, Louanne Johnson accepte d’enseigner à la East Palo Alto Highschool, un établissement à la réputation sulfureuse. Réalisant que ses élèves possèdent de grandes capacités intellectuelles, elle décide de se battre pour les aider à apprendre.
Avis :
L’éducation est un sujet qui revient assez souvent au cinéma, et sous différentes formes. Si de nombreux films français aiment à regarder dans les classes les différentes pédagogies ou raconter des faits divers autour du silence de l’Education Nationale sur la laïcité, aux Etats-Unis, on aime plutôt faire des biopics sur des enseignants extraordinaires. Des biopics ou des histoires qui mettent en scène des gens incroyables qui ont tenté de révolutionner le système éducatif afin de permettre l’accès à des études supérieures pour des élèves plus ou moins défavorisés. On peut citer Le Cercle des Poètes Disparus de Peter Weir, chef-d’œuvre absolu, mais aussi Esprits Rebelles, qui a connu un énorme au milieu des années 90. Et c’est de ce film dont il va être question entre ces lignes, qui, aujourd’hui, a plutôt mal vieilli, non pas sur sa réalisation, mais plutôt sur la percussion de son message.

Porté par une BO qui va faire un carton et permettre à Coolio de percer à l’international, s’adjugeant les faveurs de Michelle Pfeiffer qui va cartonner à cette époque, Esprits Rebelles sonnent comme un film référence pour de nombreux quarantenaires, qui ont découvert ce film soit au cinéma, soit en salle de classe, sur une télévision minuscule, et via une VHS qui aura connu des jours meilleurs. Mais les souvenirs sont souvent idéalisés, et quand on revoit le même film une fois adulte, les choses ne seront pas les mêmes. C’est le cas ici, avec un long-métrage plaisant, qui ne perd pas vraiment de temps, mais qui reste relativement cliché et ne se fait pas assez fort d’un point de vue émotionnel.
« un long-métrage plaisant mais qui reste relativement cliché »
Le film débute donc avec une jeune femme, ex marine, qui veut se lancer dans l’enseignement. Elle est recrutée dans l’urgence, sans formation, et se voit attribuer une classe de lycéens turbulents, qui sont constamment rejetés par la société et l’école. En faisant quelques recherches, en donnant beaucoup de soi et en jouant sur les sujets qu’elle aborde, cette nouvelle enseignante va donc toucher ce public difficile, et leur montrer qu’ils sont autant capables que n’importe qui de réussir leurs études. Tiré d’une autobiographie, on sent que le film va faire quelques coupes afin d’aller à l’essentiel et de ne pas trop tirer sur le larmoyant. En effet, cette prof réussit dès le deuxième cours à s’accaparer l’attention des élèves, et elle va rapidement trouver des astuces en dehors des clous pour créer un attachement. C’est un portrait assez idyllique.
Si le film demeure bien rythmé et ne perd pas trop de temps en tergiversations, il loupe aussi le coche de se faire plus touchant. L’axe se focalise surtout sur quelques jeunes de la classe, qui ont plus de profondeur que les autres, et il est dommage que le scénario n’arrive à donner vie à tout le groupe. Ici, on se focalise sur l’élève douée mais enceinte, ou encore sur un jeune immigré mexicain qui manque de confiance en lui, et aux autres, et qui voit cette prof lui confier une réussite qu’il croit être incapable d’atteindre. Difficile aussi de croire en l’histoire de ce pauvre Emilio, perdu dans son cycle violent et dans son amour-propre, ce qui jouera sur l’émotion finale, un peu trop attendue et qui manque de sincérité. Cela sent le passage obligé.
« Il y a un double discours qui donne de la crédibilité à l’ensemble »
Mais on peut aussi y voir l’envie de montrer que parfois, on ne peut pas tout faire pour tout le monde. Cette professeure courage se déplace chez les familles, donne du temps et de son argent pour ces gamins, et parfois, ce n’est pas bien vu ou récompensé. On pense à ces deux frères noirs qui commencent à bien travailler, mais dont la mère les enlève de l’école, voyant en cette professeure blanche un danger pervers. Ou comment le déterminisme social impose des règles dans les pensées des gens, refusant alors de prendre le risque d’en sortir. Ce qui fait que malgré les années qui passent, et son côté un peu hagiographique, Esprits Rebelles a de bons passages, et ne se fait pas seulement encourageant. Il y a un double discours qui donne de la crédibilité à l’ensemble, et c’est tant mieux.
L’autre point scénaristique assez intéressant réside dans la rigidité des méthodes d’apprentissage. Cette professeure va se faire rappeler à l’ordre plusieurs fois par son supérieur car elle utilise des méthodes qui ne rentrent pas dans les codes imposés. Seulement, c’est la seule façon d’éduquer certains élèves qui ne rentrent pas dans le moule. Cela ne veut pas dire qu’ils sont incapables, ou moins intelligents qu’un autre, mais simplement que le cadre imposé ne convient pas, et il faut trouver des astuces pour accrocher ces gens-là. Si le film reste assez timide sur les remontrances du chef d’établissement, c’est tout de même à cause de sa rigidité qu’un drame survient sur la fin du long-métrage. Même si c’est un peu too much, cela pointe du doigt qu’à trop respecter les codes, on peut finir par enterrer des vies, que ce soit de façon propre ou figurée.

Au final, Esprits Rebelles est un bon film, qu’on se le dise. Il bénéficie d’un joli message, présente une professeure qui est obligée de sortir des sentiers battus pour permettre à quelques gamins de réussir leurs études, ou tout du moins de leur montrer qu’ils sont capables de faire de belles choses, et a le mérite de ne pas faire dans l’hagiographie, avec des élèves qui, malgré tout, ratent. Il est juste dommage que le film se sente obligé de passer par des passages obligés qui tombent un peu dans le cliché, dans le pathos des années 90, quitte à se faire moins touchant et moins percutant que recherché. On préfèrera le film de Peter Weir avec Robin Williams pour évoquer un prof en dehors des codes imposés, mais ça reste tout de même un film recommandable.
Note : 14/20
Par AqME