
De : Brandon Espy
Avec Jerrika Hinton, Elvis Nolasco, Alex Alomar Akpobome, Akim Black
Année : 2024
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Une mère risque tout afin de récupérer son fils kidnappé par un animateur d’une émission pour enfants.
Avis :
Il se passe des choses étranges sur Disney+ ces derniers temps. Outre le fait que la plateforme essaye de se diversifier en proposant des séries policières françaises relativement intéressantes (Les Enfants sont Rois), on trouve de plus en plus de films ou séries d’horreur qui n’hésitent pas à partir dans le gore, quitte à un peu ronger l’image lisse de Disney. Et parmi toutes ces productions qui ont leur place aux States sur Hulu, il y a Mr. Crocket, un film d’horreur déroutant signé Brandon Espy, qui signe ici son premier long-métrage.

Déroutant car son pitch est original. Même s’il emprunte un petit peu à Ring, film d’horreur japonais complètement dingue, il s’en détache de par son imagerie grotesque, son envie de mettre en avant des décors enfantins en version dérangeante et son boogeyman complètement taré. En gros, un homme, ancienne star d’émissions pour enfants dans les années 70, revient à la vie à travers une cassette et kidnappe des enfants malheureux, tout en punissant les parents qui font mal leur rôle. Sauf qu’il s’en prend à une maman qui en réchappe, et va tout faire pour retrouver son fils, seule attache qu’il lui reste après le décès brutal de son mari. Oui, le scénario demeure assez prévisible, et ce n’est pas là-dessus que le film gagne ses galons.
« Il faut vraiment s’accrocher pour adhérer au délire. »
Comme tout bon film d’horreur, on commence avec la présentation du méchant, qui va s’en prendre à une famille. Ici, un père de famille force son fils à manger son plat de façon violente, et notre méchant va sortir du magnétoscope pour infliger une bonne correction au père, lui ouvrant le ventre et mettant dans le contenu d’une assiette à l’intérieur. Dès le départ, les bases sont données sur ce boogeyman fantomatique, qui tente de faire de l’humour à la Freddy, allant franchement dans le grand-guignol (pourquoi foutre un fer à repasser dans le ventre du mec ?), mais aussi sur ses intentions, kidnappant le gosse qui se réjouit de ce spectacle. Bien sûr, cette introduction permet de montrer le décalage qu’il va y avoir entre l’aspect horreur et une imagerie enfantine naïve.
Il faut vraiment s’accrocher pour adhérer au délire. En effet, dans ce démarrage, le vilain père est attaché à une chaise qui est en fait un monstre en latex, qui le retient avec ses bras en forme de mâchoire. Le délire est poussé à l’extrême, et le choix de prendre du latex au lieu de CGI numériques est à la fois payant, mais donne aussi un côté cheap qui peut en rebuter plus d’un. Cela se confirmera par la suite avec les mascottes du boogeyman qui aborderont des têtes horribles, mais qui resteront figées alors même qu’elles attaquent les pauvres victimes. De plus, on aura tout de même droit à des images de synthèse qui seront tout bonnement dégueulasses, et on comprend pourquoi le réalisateur a préféré un aspect artisanal à ses monstres.
« Il y a presque un côté Hellraiser rose bonbon »
Néanmoins, ce côté naïf et relativement mal foutu a un avantage certain, il crée un malaise chez le spectateur. On navigue en eaux troubles, entre un délire pleinement assumé et une image cauchemardesque de ce que pourrait être un plateau pour enfants, mais en enfer. De ce fait, cela donne une profonde singularité au long-métrage, qui n’a pas son pareil, et trouve alors une identité qui lui est propre. En figeant cela entre les années 70 (date de l’émission et du méchant) et les années 90 (décennie dans laquelle se passe l’histoire), on a vraiment une patine qui est intéressante et qui renoue avec un cinéma qui ne s’impose pas vraiment de limite. Il y a presque un côté Hellraiser rose bonbon qui se dégage de l’ensemble, avec en prime des images en dessin-animé pour expliquer le background du vilain.
Il est dommage que le film baigne dans une mise en scène très plate, qui n’arrive jamais à prendre de la hauteur quant à ce qu’elle raconte. Il n’y a pas de travail autour de la lumière, il n’y a pas de plan marquant, et hormis le côté carton-pâte, rien n’est vraiment mis en avant. Il y a bien quelques passages gores qui sautent aux yeux (un crâne qui explose, un corps coupé en deux, etc…) mais on ne peut pas dire que le film se démarque par les idées de mise en scène. Il semblerait que le réalisateur ait tout misé sur son imagerie, et pas suffisamment sur son ambiance pour créer une atmosphère vraiment délétère et dérangeante. En gros, on assiste à un train fantôme de luna park, et pas d’un grand parc d’attractions.
« il y a aussi de gros défauts d’écriture. »
Et puis il y a aussi de gros défauts d’écriture. Le scénario veut mettre en avant ces parents qui n’assument pas leur rôle et rendent malheureux leurs enfants, mais on ne va jamais très loin dans cet aspect dramatique. On a bien le père maltraitant, ou encore celui qui se drogue en présence de sa fille, mais ça reste trop léger, et il n’y a pas de réflexion faite autour de l’enfant tyran ou encore des limites qu’il faut savoir poser pour ne pas se faire marcher dessus et assurer un épanouissement serein chez l’enfant. Le scénario ne veut pas aller au bout des choses et reste en surface sur un aspect pourtant intéressant et rarement vu dans le cinéma horrifique.
Et puis il faut aussi noter des errances dans le scénario, comme cette technologie que développe cette femme pour savoir où va attaquer le méchant. Le fait tombe comme un cheveu sur la soupe, et le spectateur doit accepter cela sans trop se poser de question. Il en va de même pour le final, qui laisse présager une suite, ou tout du moins qui laisse une porte ouverte pour une hypothétique suite, et c’est très mal amené, avec un changement radical pour l’un des personnages, que l’on pensait justement mort. Le film est perclus de petites imperfections qui, mises bout à bout, montre les faiblesses de la production et donc son sort à se retrouver sur une plateforme de streaming.

Au final, Mr. Crocket n’est pas un film déplaisant, et il est presque réjouissant de le retrouver sur la plateforme Disney+, car il met en avant un déviant qui présentait une émission de jeunesse, la faisant devenir un show malaisant et infernal. Si on peut se réjouir de cet univers malsain et de l’imagerie macabre et naïve qui en découle, on ne peut qu’être déçu par le scénario qui baigne dans les incohérences et les coups prévisibles, ainsi que par sa mise en scène qui se révèle être plate au possible. Bref, un film curieux, imparfait, mais qui possède tout de même quelques qualités osées de nos jours.
Note : 12/20
Par AqME