Titre Original : Ringu
De : Hideo Nakata
Avec Nanako Matsushima, Miki Nakatani, Hiroyuki Sanada, Yuko Takeuchi
Année : 1997
Pays : Japon
Genre : Horreur
Résumé :
Un soir, seules à la maison, deux lycéennes se font peur en se racontant une mauvaise blague. Une étrange rumeur circule à propos d’une cassette vidéo qui, une fois visionnée, déclenche une terrible malédiction : une mort annoncée sept jours plus tard. Après le décès de sa cousine Tomoko Oishi, Reiko Asakawa, une jeune journaliste, enquête, mais très vite le maléfice la rattrape.
Avis :
De plus en plus souvent, les films sortant au cinéma qui semblent avoir une pointe d’originalité ne sont en fait que des adaptations de romans. Bien loin de moi de dire que l’originalité est morte dans le septième art, mais il est dommage que certains films cachent leur paternité, comme ce fut le cas pour Ring. Œuvre littéraire à la base, la campagne de pub de l’époque ne fait quasiment jamais mention de son adaptation du livre de Kôji Suzuki, un écrivain qui est considéré comme le Stephen King japonais. Mais finalement, qu’importe lorsque le film marche et que les fans découvrent sur le tard l’œuvre papier si cela tend à augmenter les ventes de livres, comme ce fut le cas pour Ring, qui a gonflé les ventes de plus de 3 millions d’exemplaire suite au succès du film.
Un film qui tombera comme un cheveu sur la soupe dans les années 90. Il faut dire que le genre horrifique au Japon est un peu en berne et que le Yurei Eiga (qui signifie film de fantômes) a connu ses heures de gloire durant les années 50/60. Inattendu, Ring est le premier gros succès de Hideo Nakata qui va se voir propulser comme nouvelle étoile montante du cinéma horrifique, qu’il prouvera par la suite avec la séquelle dudit film et Dark Water. Cependant, la mode est au reboot et au remake à la sauce américaine, et Ring ne fut pas épargné durant les années 2000. Tout d’abord par Gore Verbinski qui réussit l’improbable en réalisant un bon remake, puis par Nakata himself qui va faire une suite américaine moins bonne. Près de vingt ans après l’original, voici que déboule un nouvel opus américain, qui donne forcément envie de se replonger dans cet univers glauque et glaçant.
Ring démarre comme un teen movie américain à ceci près qu’il brouille d’entrée de jeu les pistes en occultant rapidement le meurtrier masqué et en présentant son film comme quelque chose de suggéré. Plutôt que d’afficher du gore pour du gore, Hideo Nakata va tout mettre en œuvre pour susciter l’angoisse en quelques plans minutieux et surtout en tissant des liens étranges avec ses personnages principaux. Ayant parfaitement compris que l’on ne peut faire peur qu’en touchant le spectateur avec des protagonistes attachants, le réalisateur va s’évertuer avec succès à montrer un faux couple et un jeune enfant en proie à une malédiction étrange et revancharde. En transformant son film d’horreur en enquête journalistique, le metteur en scène s’accorde le droit d’approfondir ses personnages et de nouer des relations complexes dans un schéma qui correspond bien aux codes nippons et son puritanisme. Loin de toute démonstration grandiloquente, Hideo Nakata peaufine ses personnages, les rend crédibles et touchants, tout en y apportant une réflexion sur l’éducation et la notion de travail et de famille. En effet, personne ne s’occupe du jeune garçon de six ans qui se débrouille tout seul, sa mère se tuant à la tâche, qui risque fort de venir à bout d’elle. Avec cela, il dresse un portrait social intéressant d’un Japon qui se mure dans les non-dits et dans des traditions qui peuvent porter préjudice.
Car ne nous y trompons pas, Sadako, que l’on voit à peine dans le film, n’est qu’une victime de plus qui garde en elle une colère sourde à cause de l’intolérance des hommes. Jouant constamment sur quelques hallucinations et sur l’extra-lucidité de l’ex-mari, Hideo Nakata va traiter la partie fantastique comme la partie enquête, tout en nuances et en suggestion, prenant ainsi le spectateur à la gorge, le forçant à scruter chaque détail de son œuvre. Ainsi, les apparitions sont toujours inattendues et les symboliques propres au folklore japonais apparaissent comme évidentes, à l’image de ces photos prises qui déforment les visages. Dérangeant dans son fond, Hideo Nakata arrive à faire peur avec trois fois rien. S’accrochant à son concept d’apparitions furtives, le réalisateur profite aussi pour imposer une ambiance glaçante et malsaine. En premier lieu, on pourrait croire que la cassette n’est qu’un gadget, mais son contenu est réellement hypnotique et dérangeant. Le noir et blanc granuleux, les personnages étranges et souriants, ces êtres rampant au sol, tout s’accorde pour mettre nos sens à mal. Mais ce n’est pas tout, puisque Ring bénéficie surtout d’un travail phénoménal sur le son. Puisque tout, ou presque, est suggéré, le réalisateur a peaufiné la sonorité de son film qui est tout bonnement angoissante. Certaines choses simples deviennent alors des moments de suspicion et on craint un évènement étrange ou une apparition soudaine.
Le seul petit point noir que l’on peut soulever avec ce film, c’est qu’il est parfois très lent. Non pas que l’on s’ennuie, bien au contraire, c’est juste que la chronique sociale et l’enquête prennent largement le dessus sur l’aspect horrifique et parfois, on sent que ça traine un peu en longueur. Notamment la fin du film, lorsque le couple trouve le puit, on sent un petit relâchement et c’est bien dommage, et cela malgré l’ultimatum sur la vie de l’héroïne. Néanmoins, la fin va mettre en avant une Sadako plus vindicative, en full frontal, qui va enfin sortir de l’écran de la télé. Ce cliffhanger, maintenant culte, va être aussi dérangeant que les moments suggérés, tout simplement parce qu’il est inattendu et très bien fait, donnant un aspect effrayant à la jeune fille dans sa mouvance et sa façon d’approcher sa victime.
Au final, Ring n’a pas usurpé son statut de film d’horreur culte. Monument du cinéma horrifique japonais, le métrage de Hideo Nakata tient toutes ses promesses et plus encore aujourd’hui, où l’on retrouve des films d’horreur vide de sens qui oublient les personnages et l’ambiance. Bravant fièrement ses vingt ans d’existence, Ring ne vieillit pas et demeure toujours aussi efficace aujourd’hui. Pourra-t-on en dire autant du prochain, seul l’avenir nous le dira.
Note : 18/20
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Par AqME