De : David Gordon Green
Avec Ben Stiller, Homer Janson, Ulysses Janson, Arlo Janson, Atlas Janson
Année : 2024
Pays : Etats-Unis
Genre : Comédie, Drame
Résumé :
Mike, obsédé par le travail, doit à contrecœur se rendre dans l’Ohio pour s’occuper de ses quatre neveux turbulents après le décès de leurs parents dans un accident de voiture.
Avis :
Producteur, scénariste, réalisateur et acteur à ses heures perdues, David Gordon Green aime diriger tous ses projets, et on peut dire que c’est un touche-à-tout. Il commence sa carrière dans le drame et le thriller indépendant (avec de jolis castings malgré tout), mais il connait un certain succès avec la comédie, comme par exemple Délire Express ou encore Votre Majesté. En 2013, il permet à Nicolas Cage de redorer son image avec le drame poignant Joe. C’est à ce moment-là que David Gordon Green est dragué par les grands studios, et on lui propose alors de réaliser une nouvelle trilogie Halloween, lui permettant d’apporter son côté « arty » à une franchise d’horreur plutôt mainstream. Et si le premier fut assez réjouissant, on ne peut pas dire que les suites furent une réussite. Néanmoins, on lui file les clés d’un nouvel Exorciste, et c’est la douche froide.
Dorénavant plus connu du grand public, mais surtout pour ses échecs dans le cinéma d’horreur, il semblerait que le metteur en scène ait pris la décision de retourner à ses premiers amours, à savoir le cinéma dramatique indépendant avec une pointe d’humour. Nutcrackers est sorti directement sur Disney+ chez nous, et tente de se vendre comme le film de Noël de l’année, mais on va vite déchanter. Car si l’intrigue se passe en effet durant les fêtes de fin d’année, on est loin, très loin, d’un film grand public avec la magie de Noël qui s’opère sous nos yeux. Ou tout du moins, David Gordon Green livre un film très terre à terre, très attendu, qui veut nous montrer que la magie de Noël peut s’ancrer dans le réel, sans faste, paillettes et autres guirlandes dorées. Et on peut voir ça comme un semi-échec.
« David Gordon Green épouse tous les tics de réalisation du cinéma d’auteur indépendant »
L’histoire est d’une simplicité crasse. On va suivre Mike, un self-made man égoïste qui ne jure que par son boulot, qui se retrouve à devoir s’occuper de ses quatre neveux, suite au décès brutal de sa sœur et de son mari lors d’un accident de la route. En arrivant sur place, il découvre une ferme dans un état déplorable, et quatre garçons qui vivent au jour le jour, faisant l’école à la maison, déconnectés et accumulant les bêtises. Mike va bien entendu tout faire pour trouver une famille d’accueil, jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux sur sa vie et s’attache fortement à ces quatre têtes blondes. Pas besoin de faire un dessin, ni même d’avoir peur d’un quelconque spoiler, vous avez déjà compris comment tout ça va finir, et rien ne viendra nous surprendre.
La première chose qui frappe vraiment au sein de ce film, c’est sa mise en scène. David Gordon Green épouse tous les tics de réalisation du cinéma d’auteur indépendant, avec une lumière peu travaillée, quelques éléments fixes qui zooment sur un point, ou encore une absence de plans compliqués. Ici, on veut coller au plus proche de la réalité, et surtout de cette ruralité américaine, qui s’éloigne des rednecks pour montrer une population normale, mais qui vit loin de toutes vicissitudes. Le problème, c’est que pour un film de Noël, on reste sur un choix audacieux, loin de toute magie, jusqu’à la neige qui est aux abonnées absentes. De plus, l’aspect comédie n’arrive jamais à s’imposer, soit parce que les personnages sont mal écrits, soit parce que les gamins sont tout simplement insupportables, enchainant les bêtises comme de petits sauvages sans éducation.
« Vaine tentative de faire son Captain Fantastic de Noël »
Et l’écriture est vraiment le point faible de ce film, qui ne trouve de résonnance que dans son titre. Ben Stiller joue le rôle de cet oncle détestable au départ et qui va pourtant s’imposer comme un bon père de substitution, mais rien ne viendra nous surprendre dans son cheminement réflexif. Les quatre garçons demeurent pénibles et ne font rien pour devenir des enfants « normaux ». Ils vivent comme bon leurs semble, mangent ce qu’ils veulent, et cassent les pieds au moindre quidam. Ce n’est vraiment pas intéressant, et le seul moment où l’on assiste à un cours, c’est pour une théorie sur le sexe et l’amour. Bref, ils sont le côté drôle de l’histoire, ils ne sont pas attachants, et surtout, aucun ne se démarque, pas même l’aîné qui éprouve plus de ressentiment quant à la mort de ses parents.
En plus de tous ces défauts, il faut rajouter que Nutcrackers fait évidemment penser à Captain Fantastic, lui piquant même certaines scènes (comme celle des funérailles de la maman), mais n’arrive jamais à recréer le choc émotionnel. Là encore, on peut pointer du doigt l’écriture pénible, mais aussi une relation à laquelle on ne croit pas un seul instant. Comment cet homme égoïste et ne pensant qu’à son boulot arrive pourtant à se faire cool et à mettre ces enfants dans sa poche, au point de devenir une évidence pour eux ? Le cheminement est laborieux, et ce n’est pas le dernier tiers qui va nous rassurer, avec un spectacle de casse-noisette monté en deux jours, où des parents acceptent de laisser leurs enfants à ce type inconnu et qui ne se fait pas forcément bien voir. Et même ce spectacle de fin ne fait pas Noël…
Au final, Nutcrackers est une légère déception, car on n’en attendait rien. Mettant au pluriel le titre de casse-noisette en référence au spectacle de fin, mais aussi au fait que les enfants sont pénibles (casse-noisettes) et que Ben Stiller s’approche de la folie en s’occupant d’eux, David Gordon Green multiplie les tentatives auteurisantes pour sortir son film de la masse, mais il n’arrive jamais à en extraire la moindre émotion. Vaine tentative de faire son Captain Fantastic de Noël, le réalisateur américain tombe dans des travers que l’on aurait aimé aimer, mais seulement avec une belle écriture, des personnages empathiques et une émotion à fleur de peau, ce que l’on ne retrouve pas ici.
Note : 10/20
Par AqME