De : Emma Benestan
Avec Oulaya Amamra, Damien Rebattel, Vivien Rodriguez, Claude Chaballier
Année : 2024
Pays : France
Genre : Drame, Fantastique
Résumé :
Nejma s’entraine dur pour réaliser son rêve et remporter la prochaine course camarguaise, un concours où l’on défie les taureaux dans l’arène. Mais alors que la saison bat son plein, des disparitions suspectes inquiètent les habitants. Très vite la rumeur se propage : une bête sauvage rôde…
Avis :
Native de Montpellier, après un cursus à la Fémis au début des années 2010, Emma Benestan a passé le reste de la décennie à toucher à pas mal de choses. Assistante monteuse, puis monteuse, elle passe aussi par la case de l’écriture, et évidemment de la mise en scène avec plusieurs courts-métrages à la clef. Puis arrive 2021 et son premier long, « Fragile« , une petite comédie légère et ensoleillée qui s’était placée comme l’un des plus jolis coups de cœur de cette année-là.
Après trois ans de silence, voici qu’Emma Benestan refait surface et elle nous revient avec un film qui sera toujours ensoleillé, mais qui sera bien différent de « Fragile« . Cette fois-ci, c’est en Camargue que la réalisatrice pose sa caméra, pour un film qui s’aventure dans le cinéma de genre. Puissant, aussi bien dans son histoire que dans sa mise en scène, beau et fascinant, voire même inquiétant de par la façon dont Emma Benestan filme ses taureaux, « Animale » est un film hors du commun, qui arrive parfaitement à osciller entre un cinéma réaliste et un cinéma de genre, qui ne va cesser de surprendre, car derrière tout cela, le film a en plus de ça l’idée de se faire politique. Bref, avec ce deuxième film, Emma Benestan offre une deuxième réussite et pique encore plus notre curiosité.
« Oulaya Amamra est incroyable dans la peau de son personnage »
Nejma a un rêve, remporter la course Camarguaise et pour cela, elle s’entraîne dure. La jeune femme est fascinée et passionnée par les taureaux. Mais alors que la saison est à son maximum, un jeune homme est retrouvé mort, et il se dit qu’il a été encorné et presque déchiqueté, et ça, ça voudrait dire qu’il y a un taureau qui serait plus dangereux que les autres…
« Animale« , c’est l’exact opposé du premier film d’Emma Benestan. Si avec « Fragile« , la réalisatrice offrait une comédie, avec « Animale« , c’est un drame pur et dur qu’elle nous confie. Passionnée elle-même par l’univers des courses camarguaises et par les taureaux, la jeune femme a déjà consacré deux courts-métrages documentaires sur le sujet, et cette fois-ci, c’est donc dans la fiction qu’elle s’aventure, avec un scénario qui joue avec les frontières. « Animale« , c’est à la fois un drame donc, ainsi qu’un film de genre, qui tournerait autour d’une mythologie. Puis derrière ça, le film prend aussi des allures de western, et même, pourquoi pas, de documentaire, nous présentant un univers que l’on ne connaît quasiment pas.
Si le scénario peut se laisser deviner assez vite dans son fil rouge et le pourquoi des événements, ça n’enlèvera rien au charme et à la puissance du film d’Emma Benestan. « Animale » est un film qui s’ouvre déjà avec une ambiance inquiétante qui est posée, Emma Benestan filmant sa région, et surtout ses taureaux, avec beauté et puissance. Puis elle nous présente ses personnages, et ce qui les anime. Comme toujours, Oulaya Amamra est incroyable dans la peau de son personnage, seule femme dans un milieu d’hommes. D’ailleurs, d’une certaine manière, « Animale » est un film très féministe, qui dénonce certaines choses, mais ne tombe jamais dans la leçon de morale, ou le féministe exacerbé, tout comme le film évite aussi les leçons et la caricature autour de la condition animale et la maltraitance.
« »Animale » est sombre, « Animale » est puissant »
Bien contraire, derrière son histoire, « Animale » se pose aussi comme une lettre d’amour, de la part de sa réalisatrice, à ces animaux, qu’elle filme de manière amoureuse, et derrière ça encore, la lettre d’amour se pose sur toute la région et ses traditions. Bref, avec ça, petit à petit, le film s’aventure de manière surprenante vers un autre genre de cinéma, posant une menace. Alors, c’est vrai que comme je le disais, le scénario n’arrive pas vraiment à cacher le pourquoi du comment, mais malgré ça, il arrive à se faire prenant d’un bout à l’autre, sachant même se faire de plus en plus surprenant au fil de son récit qui se fait ambitieux.
On appréciera aussi que tout le récit soit filmé sous l’angle de vue d’une femme forte, qui essaie de comprendre tant bien que mal ce qui est en train de se passer. On pourrait presque voir ce récit comme une sorte de labyrinthe du Minotaure, dont il va falloir au personnage trouver la sortie pour s’en sortir.
Avec ça, il faudra compter sur la mise en abîme étonnante d’Emma Benestan qui livre donc un film à l’opposé de « Fragile« . « Animale » est sombre, « Animale » est puissant, il est torturé, il y a beaucoup de douleur, et lorsque le film bascule, il en devient encore plus fascinant. Notons aussi l’idée de prendre que des acteurs non-professionnels qu’Emma Benestan filme dans leur milieu naturel, et chacun d’eux apporte une touche en plus à l’ensemble.
Après « Fragile« , Emma Benestan change de genre, elle fait un pari audacieux, et elle le remporte haut la main, proposant un film étonnant et surtout prenant d’un bout à l’autre. Mystique, mythologique, tout en sachant se faire aussi réaliste et politique, sans jamais tomber dans l’excès, on peut aisément dire que « Animale » se pose comme l’une des plus belles surprises françaises de ce mois de Novembre. En somme, « Animale« , c’est le coup de cœur, et pourquoi pas, le coup d’amour du mois !
Note : 16/20
Par Cinéted