De : Grand Corps Malade et Mehdi Idir
Avec Tahar Rahim, Bastien Bouillon, Marie-Julie Baup, Camille Moutawakil
Année : 2024
Pays : France
Genre : Biopic
Résumé :
Fils de réfugiés, petit, pauvre, à la voix voilée, on disait de lui qu’il n’avait rien pour réussir. À force de travail, de persévérance et d’une volonté hors norme, Charles Aznavour est devenu un monument de la chanson, et un symbole de la culture française. Avec près de 1200 titres interprétés dans le monde entier et dans toutes les langues, il a inspiré des générations entières. Découvrez le parcours exceptionnel et intemporel de MONSIEUR AZNAVOUR.
Avis :
Après « Patients« , Grand Corps Malade et Mehdi Idir devaient réaliser pour leur deuxième film « Monsieur Aznavour« . Alors qu’il y avait l’idée d’un projet, c’est Charles Aznavour lui-même, après avoir été impressionné par « Patients« , le premier film du duo, qui a choisi les deux cinéastes. Puis le premier jour de production fut aussi le moment où Charles Aznavour s’en est allé. Le projet fut donc mis en « stand-by », et les deux réalisateurs, sans oublier le projet, sont donc partis sur « La vie scolaire« . Après le succès de ce deuxième film, les deux réalisateurs ont pu revenir sur le projet qui avait été mis de côté.
Pour leur troisième film, Grand Corps Malade et Mehdi Idir ont vu plus grand avec un biopic qui s’aventure sur l’un des plus grands chanteurs de notre pays, l’immense Aznavour. Le projet est de taille, et avec la vie de Charles Aznavour, il y a franchement de la matière pour faire un film incroyable. Après « Patients » et « La vie scolaire« , l’idée que Grand Corps Malade et Mehdi Idir fassent un film sur Aznavour était de bon augure, d’autant plus que le duo a engagé Tahar Rahim pour incarner le chanteur. Mais voilà, si le film est somme toute intéressant et divertissant, il en ressort aussi un biopic assez scolaire finalement, et au-delà de ça, même si c’est joliment mis en scène, à force d’enchaîner les chansons connues et reconnues, il en résulte un côté catalogue obligatoire, qui dans un sens, appuie sur un manque d’originalité.
« »Monsieur Aznavour » ne brillera pas par sa mise en scène »
Paris, 1960, Charles Aznavourian rêve d’être chanteur. Petit, pas vraiment beau, avec une voix voilée, ce fils d’immigrés arméniens n’a pas les atouts d’un futur Sinatra et pourtant, à force de travail et de témérité, le petit Charles va devenir l’immense Aznavour, chanteur connu de tous, légende de la chanson française, ayant le fait le tour du monde, ayant chanté partout. Bref, le petit Charles deviendra Monsieur Aznavour.
Je déteste avoir le cul entre deux chaises, et c’est exactement le sentiment que j’ai à la sortie du film de Grand Corps Malade et Mehdi Idir, car si le film est loin, très loin, d’être mauvais, je ne peux pas dire non plus qu’il est incroyable.
Charles Aznavour, c’est un monument, et il est vrai que résumer l’immensité de sa vie sur deux heures et quart de film, ce n’est pas assez. En fait, à bien y réfléchir, pour les quatre-vingt-quatorze ans de la vie d’Aznavour, il faudrait une série qui aurait les plus grandes ambitions, mais bon, pour l’instant, on va se contenter d’un film, qui restera, somme toute divertissant, intéressant et sympathique.
Si « Monsieur Aznavour » ne brillera pas par sa mise en scène, malgré quelques idées intéressantes, notamment celle de chapitrer le film avec des titres de chansons célèbres qui vont faire écho à ce que traverse l’artiste à ces moments-là, pour le reste, le film de Grand Corps Malade et Mehdi Idir demeurera beau, mais sans l’étincelle qui fera s’enflammer les cœurs, ou du moins mon cœur et mes émotions. Après, comme je le disais, on aura le droit à un film qui offre de bons moments de cinéma, ainsi qu’une belle reconstitution de Paris et d’époque. Les décors sont superbes, le rythme est excellent, ne trouvant jamais de temps mort, et au-delà de ça, on appréciera beaucoup les moments où le grand Charles s’anime sur scène.
« Le portrait est tout en nuances »
Du côté du scénario, plus que les piliers sur lesquels le film est obligé de passer, les périodes de vache maigre, le passé sans le sou de la famille, les racines arméniennes, la rencontre déterminante avec Pierre Roche, puis Edith Piaf, le physique ingrat et le timbre de voix qui lui est reproché, puis derrière ça, les débuts compliqués et audacieux, puis le succès évidemment, avec toutes ses chansons que l’on connaît et que l’on adore, ou encore la starisation, avec un tour du monde et une adulation dans tous les pays, plus que ça, c’est le portrait de cet homme qui n’a pas grand-chose pour réussir, mais qui s’est accroché, qui est devenu un bourreau de travail, et plus loin, qui restera un éternel insatisfait. Le portrait est tout en nuances, et montre un homme déterminé, qui est principalement intéressé par sa propre réussite.
À travers le film, les deux réalisateurs approchent la question du rêve, de la réussite et à quel moment celle-ci finit par combler quelqu’un. Que faire lorsque l’on est au sommet de sa gloire ? C’est d’ailleurs là-dessus, presque sur une énigme finalement, que le film s’arrête, car une fois que l’ascension aura bien été racontée, sur l’intégralité du film, Grand Corps Malade et Mehdi Idir abrègent le reste de la vie d’Aznavour, en quelques scènes, qui sont des images d’archives, et ça, ça laisse un sentiment d’inachevé.
« on voit Tahar Rahim jouer à être Aznavour. »
Par contre, si l’on revient dans les bons côtés, le film montre bien le talent de l’homme, la force d’écriture, le parolier extraordinaire qu’il était, et bien sûr, la façon unique de voir la scène. À un moment, il est dit qu’un chanteur, c’est un comédien de la chanson. Edith Piaf en était une, et Grand Corps Malade et Mehdi Idir ont très bien mis en scène les moments où Charles incarne Aznavour sur scène. Des scènes qui sont d’ailleurs sublimées par l’interprétation incroyable de Tahar Rahim, même si je dois dire que là aussi, j’ai le cul entre deux chaises. Si Tahar Rahim compose un Aznavour assez dément, d’autant plus bluffant quand on sait que c’est lui qui chante et non pas un playback sur du Aznavour (c’en est même troublant), il y a malheureusement aussi un côté où bien souvent, on voit Tahar Rahim jouer à être Aznavour.
Je n’ai jamais été sur l’idée qu’un comédien doit impérativement ressembler trait pour trait à celui qu’il incarne, le meilleur exemple que je puisse trouver, c’est le « I’m Not There » de Todd Haynes où Bob Dylan est incarné par six acteurs différents, mais là où ça fonctionne totalement chez Haynes, ici, bien souvent, lorsque Charles est dans sa vie de tous les jours, on ressent plus le côté Tahar Rahim qui incarne un personnage qui pourrait très bien ne pas être Aznavour, et ça, ça n’a pas arrêté de me sortir du film. Alors qu’à contrepartie, je n’ai pas eu cette sensation avec Marie-Julie Baup qui incarne extraordinairement Edith Piaf. Pour revenir sur Tahar Rahim, malgré tout, le comédien livre une belle interprétation, et il arrive à nous toucher à plus d’une reprise.
Au bout du compte, « Monsieur Aznavour » est un bon film qui raconte bien les quarante premières années de la vie de Charles Aznavour. Certes, le film est très scolaire et lorsque l’on s’arrête sur les chansons, il se pose comme un best of, n’en oubliant aucune, et si de ce côté-là, le film se pose comme une déception, il reste néanmoins très intéressant, pour le portrait de l’homme qu’il peint. Un homme qui a une confiance en lui inébranlable, une envie foudroyante de réussir, et ça, qu’importe s’il doit négliger tout autour de lui. Bref, ce n’est pas le grand film que méritait l’immense Aznavour, et malgré l’ambition, ce n’est pas non plus le meilleur film du duo, mais il demeure cependant un film intéressant, divertissant, et même touchant.
Note : 14/20
Par Cinéted