De : Pablo Larrain
Avec Kristen Stewart, Timothy Spall, Jack Nielen, Freddie Spry
Année : 2022
Pays : Angleterre, Etats-Unis, Allemagne, Chili
Genre : Biopic
Résumé :
Le mariage de la princesse Diana et du prince Charles s’est terni depuis longtemps. Bien que les rumeurs de liaisons et de divorce abondent, la paix est ordonnée pour les festivités de Noël au domaine de la reine à Sandringham. Il y a à manger et à boire, à tirer et à chasser. Diana connaît le jeu. Mais cette année, les choses seront bien différentes. Spencer est une illustration de ce qu’il aurait pu se passer pendant ces quelques jours fatidiques.
Avis :
Cinéaste chilien, Pablo Larrain s’est fait connaître au cours des années 2010 avec son quatrième film, « No« . Aimant le cinéma politique, Pablo Larrain aime aussi raconter des destins à des moments précis. Avec son cinéma, il mélange aisément politique et portrait et bien souvent le réalisateur atteint ses objectifs. Lorsqu’on pense au biopic que le réalisateur a mis en boite, d’emblée, « Neruda » et « Jackie » viennent en tête. Le premier étant consacré au sénateur Neruda et ce moment où il a dû fuir le pays. Quant au second, « Jackie« , il s’arrête sur Jackie Kennedy, au moment de l’assassinat de son mari et comment cette dernière a dû tenir la tête haute face à ce drame qui bouleversa l’Amérique et le monde.
Pour son nouveau biopic, ou plutôt pour son nouveau portrait, Pablo Larrain s’arrête cette fois-ci sur Lady Diana, un soir de Noël 1993, pour y peindre le portrait d’une Princesse perdue et absolument pas à sa place au sein de la famille royale.
Loin de l’image des biopics habituels, « Spencer » est un film intéressant, aussi bien dans ce qu’il raconte de Diana, mais aussi de la famille royale et ses traditions, que dans sa mise en scène où tout le talent de Pablo Larrain éclate, nous offrant des images et des séquences de toute beauté, et traduisent très bien les ressentis de Diana et le malaise quasi-permanent qui la traverse.
Noël 1993, la famille royale se réunit dans le domaine de Sandringham pour y passer les festivités en paix et loin des photographes. Le mariage de Diana et Charles n’est plus au beau fixe depuis un petit bout de temps, et si des rumeurs persistent en ce qui concernerait un divorce et des liaisons, la royauté a décidé que ces fêtes se passeraient dans la paix et la bonne humeur. Alors que Lady Di connaît les règles du jeu, cette année-là, elle a bien du mal à les accepter.
C’est entre la fiction et la réalité que Pablo Larrain pose sa caméra dans l’Angleterre des années 90, le temps d’un dîner de Noël très protocolaire. Avec ce nouveau film, le réalisateur chilien a décidé de s’intéresser à la Princesse des cœurs, et d’explorer son malaise au sein de la famille royale dont elle a bien du mal à accepter les codes.
Écrit par le talentueux scénariste (et réalisateur à ses heures perdues) Steven Knight, « Spencer » est comme je le disais plus haut, un film très intéressant dans ce qu’il va raconter de Diana, mais aussi de la famille royale et plus largement de la royauté. Enfermé dans des décors vieillots, enfermé dans des traditions qu’on peine à croire amusantes, un peu comme les ressentis de la Princesse, Pablo Larrain avait envie de parler de l’hypocrisie qui règne au sein de la famille et des domestiques. Dans ces grands couloirs froids, dans tous les sens du terme, ici, même le plus infime des chuchotements est entendu et colporté. Ici, tout se sait, et tout ou presque est déformé, et au milieu de tout cela, la Princesse Diana est presque arrivée à un point de rupture.
Alors que le mode de vie de la famille royale s’inscrit bien souvent dans le passé, pour le conjuguer au présent, Diana, dans ce tableau, se pose en rebelle, et ce qui la met mal à l’aise, et au-delà de ça, met mal à l’aise domestiques et parents de mariage, dont finalement personne ne sait quoi penser et quoi faire face à cette jeune femme qui n’entre pas dans les cases. Pire encore, qui les rejette. À travers ces rejets, à travers les difficultés que la Princesse peut avoir à se plier aux règles, le réalisateur filme le désir de liberté et de normalité dont a envie la jeune femme. Ici, il la peint comme une prisonnière qui essaie par tous les moyens de s’extirper de là où elle se trouve.
Puis a contrario, de par le mari que la jeune femme a épousé une dizaine d’années plutôt, il y a aussi cette envie de laisser une belle trace dans l’histoire de l’Angleterre. Une trace qui là encore se pose aussi comme un poids sur ses épaules. Dans l’intrigue, le film évoque souvent le destin d’Anne Boleyn que Diana admire. Bref, si le film de Pablo Larrain, dans ces grandes lignes, ne nous apprend finalement pas grand-chose sur Diana, Charles, William, Harry ou la Reine, c’est dans ses petits détails qu’il se rend parfaitement intéressant, voire même passionnant.
Pour traduire l’idée d’enfermement de la Princesse de Galles, Pablo Larrain n’a pas lésiné sur les moyens, livrant un film austère, à l’image vieillotte, comme enfermé dans le passé. L’ambiance qui aurait dû être festive est ici rendue oppressante et étouffante, au point qu’on reste dans l’attente, voire la crainte, d’une explosion à tout instant, chose qui évidemment, protocole oblige, n’arrivera pas. Pour les mauvais côtés, il est vrai que le film tient des longueurs, et a tendance à traîner de la patte et se faire long, mais dans un sens, ces longueurs peuvent traduire l’ennui et le sentiment « interminable » de ce dîner qui n’a rien de spontané et enjoué. Après, si beaucoup lui reprochent ces longueurs, je dois dire que malgré cela, à aucun moment je me suis ennuyé devant, car Pablo Larrain offre toujours quelque chose d’intéressant, que ce soit dans ce qu’il raconte, que dans ce qu’il filme et la façon qu’il peut avoir de filmer. Le film a parfois des séquences qui sont de toute beauté et parfois même dans de petits détails, comme un travelling dans un champ, où un petit travelling qui suit une boule de billard. Puis il y a ce montage, qui certes crée une lenteur au film, mais derrière ça, tout est précis, fluide et beau. Enfin, le film est parcouru par une BO aussi étrange que décalée, et là encore, ce choix apporte beaucoup d’intérêt à l’ensemble.
Évidemment, avec « Spencer« , on ne pas passer à côté de ce choix étonnant et audacieux qu’a fait Pablo Larrain en confiant le rôle de Diana Spencer, Princesse des cœurs, à Kristen Stewart. On ne l’aurait jamais imaginé dans la peau de Lady Di, et pourtant, le choix est payant, l’actrice étant saisissante dans ce rôle difficile. Alors certes, le maquillage et les costumes, la coiffure sont un véhicule pour « y croire », mais derrière ça, Stewart livre une très belle performance, tout en retenue, en justesse, souffrant en silence, tout en se permettant des moments de rébellion faits de trois fois rien, mais qui lui font du bien et les rendent encore plus touchants. L’actrice est entourée par un casting de choix, avec un Timothy Spall qui en impose, une Sally Hawkins complice, une Lore Stefanek en Reine-mère curieuse et imposante elle aussi, et enfin un Sean Harris très bon en cuisinier compréhensif. Seul Jack Farting dans la peau du Prince Charles peine à pleinement convaincre.
Ce nouveau portrait de Pablo Larrain qui s’arrête sur un moment donné, sur une tranche de vie, est une jolie réussite, même s’il faut bien dire aussi que « Spencer » est loin d’être un film facile. Lent, très lent, imagé et derrière ça, étouffant, enfermé dans des protocoles et dans une vie qui ne lui correspond pas, « Spencer » est un film d’atmosphère et de détails, loin du glamour que son affiche laisse transparaître. Pour ma part, j’ai beaucoup aimé (tout comme « Jackie« ), mais la proposition est si particulière, qu’elle ne pourrait plaire à tout le monde et il est sûr que ce Larrain, peut-être plus qu’un autre, va diviser. À vous de voir.
Note : 14,5/20
Par Cinéted