De : Caroline Poggi et Jonathan Vinel
Avec Théo Cholbi, Erwan Kepoa Falé, Lila Gueneau, Mathieu Perotto
Année : 2024
Pays : France
Genre : Drame
Résumé :
Pablo et sa sœur Apolline s’évadent de leur quotidien en jouant à Darknoon, un jeu vidéo qui les a vus grandir. Un jour, Pablo rencontre Night, qu’il initie à ses petits trafics, et s’éloigne d’Apolline. Alors que la fin du jeu s’annonce, les deux garçons provoquent la colère d’une bande rivale…
Avis :
Caroline Poggi est corse et elle a étudié le cinéma à Paris IV. Quant à Jonathan Vinel, il est de Toulouse et il a étudié à la Fémis. Avant de se rencontrer, chacun d’eux a réalisé de leur côté des films, principalement des courts-métrages. Puis est arrivé ladite rencontre au début des années 2010, et le coup de foudre artistique. De cette rencontre va d’abord naître un court, puis un autre, avant « Jessica Forever » en 2018. Si le film avait divisé, il fut aussi salué pour ses envies de cinéma et son audace. Après avoir testé plusieurs choses, notamment dans le court-métrage, voici que les deux cinéastes nous reviennent cette année avec leur deuxième long-métrage, « Eat The Night« .
Le cinéma offre tous les ans de bonnes surprises, et de vous à moi, « Eat The Night » ne faisait pas forcément partie des films que j’avais envie de voir, mais voilà, j’avais un trou dans mon emploi du temps, et il était le seul film que j’arrivais à placer, alors je me suis dit pourquoi pas… Et qu’est-ce que j’ai bien fait, car « Eat The Night« , et son histoire hybride qui vire au drame le plus sombre, se pose comme un très joli coup de cœur. Expérience de cinéma décousue et folle à la fois, si Caroline Poggi et Jonathan Vinel m’ont quelque peu perdu au départ, c’était pour mieux me rattraper au fur et à mesure qu’ils déroulent cette triste histoire. Comme quoi, parfois, c’est avec des films que l’on attend le moins, ou pas du tout, que naissent les plus belles émotions.
« »Eat The Night« , c’est donc une excellente surprise. »
Pablo et Appoline sont frère et sœur, et ils sont très soudés. Bien souvent, ils s’évadent en tuant leur quotidien avec Darknoon, un jeu en ligne qui, entre guillemets, les a vu grandir. Alors que les concepteurs du jeu annoncent, à la surprise générale, la fin de Darknoon pour le solstice d’hiver, Pablo fait la rencontre de Night. Entre les deux garçons, le courant passe instantanément et Pablo initie Night à ses petits trafics d’ecstasy. Mais bientôt, des éléments se mettent en place et une spirale infernale commence, et cette dernière semble inarrêtable.
« Eat The Night« , c’est donc une excellente surprise qui est en train de se faire toute discrète dans les salles obscures. Très original, alors même qu’il y a un soupçon de prévisibilité, ce qui va être terrible avec le film de Caroline Poggi et Jonathan Vinel, c’est la balade entre les genres qu’offre leur film. « Eat The Night » est un film qui commence comme un film de geek, avec cette présentation du fameux jeu vidéo qui lie si bien frère et sœur. Puis, alors qu’on commençait à se faire à l’idée, le film change d’angle et il a tout l’air de se poser comme un drame autour d’un dealer. On pourrait croire alors à un drame social autour des trafics, mais là encore, il va y avoir de ça, mais aussi d’autres choses, car le film ne va cesser de muter, pour s’aventurer dans la romance.
« »Eat The Night » finit par se poser comme un drame parfaitement construit. »
Une romance avec beaucoup d’amour et de sensualité, avant de tourner encore à autre chose… Puis encore une autre… et encore une autre et ça, pour aller vers ce final ô combien prenant et superbe. Avec tant de changements de genres, où les deux réalisateurs les conjuguent pour mieux passer d’un genre à l’autre, il est vrai qu’on a tendance à se sentir perdu. Parfois, même le film peut résonner comme confus, et l’on peut même se demander où est-ce qu’ils veulent aller ces deux-là, avec ces personnages, plus que cette histoire.
Heureusement, toutes les pièces, parsemées ici et là, finissent par se réunir pour tisser une toile, qui amènera ses personnages vers la même direction. Il y a quelque chose qui sonne comme de l’engrenage, dont nous, spectateur, on reste impuissant face à ce qui risque fort bien d’arriver, et comme je le disais, finalement, la belle romance sous fond de deal, ou encore la superbe relation frère/sœur, avec un jeu vidéo au milieu, va laisser place à un drame d’une noirceur assez terrible et ça, dans tous les sens du terme. Spirale infernale touchante, pour ne pas dire bouleversante, « Eat The Night » finit par se poser comme un drame parfaitement construit et je suis ressorti de la salle les émotions bousculées, sachant que cette histoire, et ces personnages, tout comme les idées de mise en scène et les images réalisées, vont me rester en tête un sacré bout de temps.
« Très original, très joliment filmé, plein d’audace, décalé et prenant. »
Avec son histoire qui, lorsqu’on la survole, peut apparaître comme simpliste, « Eat The Night » réussit, grâce à la mise en scène pleine d’envie de cinéma, à nous scotcher à notre fauteuil. Très original, très joliment filmé, plein d’audace, décalé et prenant, osé même lorsque le film nous entraîne dans ses envies de jeux vidéo, d’autant plus que ces séquences ajoutent énormément d’émotions à l’ensemble, franchement, les dernières minutes du jeu sont aussi impressionnantes que bouleversantes. Bref, si l’on ajoute à cela une bonne BO signée François Boulanger, une direction artistique qui a du cachet, et au-delà de ça, un trio d’acteurs ô combien terrible, notamment Théo Cholbi et Erwan Kepoa Falé, l’une des révélations du « … lycéen » de Christophe Honoré, qui confirme ici l’excellent acteur qu’il est, comme je le disais, ce sont bien souvent avec des films que l’on attend le moins que naissent les plus belles choses.
Surprise inattendue, doublée d’un très beau coup de cœur tout en émotion, cette balade à travers les genres, pour cette histoire qui paraissait simple et déjà vu, « Eat The Night » se pose comme un excellent film qui aura réussi à me tenir d’un bout à l’autre, alors même que parfois, il a pu aussi me donner de quoi me sentir perdu. Proposition de cinéma couillue et folle, je ne cesse de le répéter, mais notre cinéma est capable de très belles choses et ce film en est encore une excellente preuve, alors un grand merci à toute l’équipe !
Note : 15/20
Par Cinéted