mars 19, 2024

Le Lycéen – Dans la Mémoire d’Honoré

De : Christophe Honoré

Avec Paul Kircher, Juliette Binoche, Vincent Lacoste, Erwan Kepoa Falé

Année : 2022

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

Lucas a 17 ans quand soudain son adolescence vole en éclats. Avec l’aide de son frère, monté à Paris, et de sa mère, avec qui il vit désormais seul, il va devoir lutter pour apprendre à espérer et aimer de nouveau.

Avis :

Parmi les cinéastes français dont j’aime beaucoup le cinéma, il y a Christophe Honoré. Découvert avec « Les chansons d’amour« , depuis, chacun de ses films s’est posé comme un petit événement. Il faut dire que le réalisateur a très souvent réussi à joliment frapper. Des films comme « Aimer, plaire et courir vite« , « Non ma fille, tu n’iras pas danser« , « Chambre 212 » ou « Les bien-aimées » ont su me conquérir. Dans un autre sens, Christophe Honoré est aussi un cinéaste qui arrive régulièrement à me décevoir, « Homme aux bains« , « Métamorphoses« , « Les malheurs de Sophie« , ou « Ma mère » font partie des films devant lesquels j’ai passé un mauvais et long moment de cinéma.

Quinzième film de Christophe Honoré, qui sort un peu plus d’un an après « Guermante« , « Le lycéen » est un film très particulier dans la filmographie de Christophe Honoré, puisque son sujet résonne comme très personnel. À bien des égards d’ailleurs, « Le lycéen » s’impose comme son film le plus personnel. Le réalisateur, au travers de son personnage principal, y évoque la mort de son père. La perte d’un proche est toujours un moment difficile, et peut-être encore plus lorsqu’on est adolescent. Christophe Honoré a perdu son père alors qu’il était adolescent, et aujourd’hui, avec ce « … lycéen« , le metteur en scène s’arrête sur l’état particulier que provoque le deuil.

« Beau dans son fond, dans son sujet, et de par son jeune acteur qui tient là un rôle difficile, « Le lycéen » se pose pourtant comme une déception. »

Beau dans son fond, dans son sujet, et de par son jeune acteur qui tient là un rôle difficile, « Le lycéen » se pose pourtant comme une déception, car entre ses qualités et ses défauts, le nouveau Christophe Honoré peine à vraiment toucher, puis certains pans de son intrigue sont trop lourds, et derrière ça, il traîne énormément en longueur. Deux heures cinq, c’est clairement trop long.

Lucas, dix-sept ans, viens de voir sa vie voler en éclat, lorsque son père meurt brutalement dans un accident de la route. Dès lors, c’est la fin de l’innocence, et au milieu de toute cette souffrance, le jeune homme doit « trouver sa voie ». Pour l’aider, et lui changer les idées, son grand-frère l’invite à passer la semaine chez lui, à Paris. Entre rencontre, bouleversement, espoir ou déception, Lucas va devoir composer avec toutes ses émotions qui s’opposent, pour espérer dépasser cette épreuve.

Après s’être aventuré au sein d’une troupe de théâtre à l’été 2020 avec « Guermante« , Christophe Honoré revient au drame avec « Le lycéen« . Pour ce film, le réalisateur nous entraîne dans un film lourd, qui bouscule les émotions de ses personnages, et notamment de son jeune homme, qui tout en restant un personnage, se pose comme le reflet de Christophe Honoré. Un reflet qui à travers ses mots, ses maux, ses gestes, et ses paroles, pose une véritable lettre d’amour à son père disparu trop tôt.

« Une échappée qui aura ses moments de grâce, comme par exemple la relation entre les deux frères. »

Il est difficile de juger un film si personnel, car la question du deuil, et surtout les réactions face à ce dernier, ne sont les mêmes pour personne. Ici, ce « … lycéen » est un film riche et intense. Un film dense et profond, où le réalisateur questionne ses sentiments, et plus profondément, il questionne cette disparition. Comment faire face ? Comment passer au-dessus ? « Le lycéen » est un film qui va se diviser en deux grandes parties, la première parlant des quelques jours qui ont suivi cette perte, et la deuxième ira plus loin, racontant les mois suivants. Assez inégal dans ce qu’il raconte dans sa première partie, même si parfois le trait est forcé au départ (une scène en particulier, faite de hurlements et de douleur dans une chambre, est très surlignée), le film de Christophe Honoré arrivera à nous emporter auprès de ses personnages.

Le chemin obligatoire est là, avec l’annonce de la mort, les préparatifs pour l’enterrement, la souffrance, mais aussi la joie. Puis arrive cette échappée parisienne. Une échappée qui aura ses moments de grâce, comme par exemple la relation entre les deux frères, la rencontre avec le personnage de Lilio, puis il y aura les questions, et la fuite, recherchant des expériences pour vivre, vivre pleinement (bon, là, on sera plus dubitatif). Enfin, au bout de cette première partie, il y aura ce retour auprès d’une mère aussi forte pour ses enfants, que détruite une fois les portes closes, et c’est là que le film commencera à vraiment s’abîmer. Si les événements qui s’y déroulent sont intéressants et touchants, Christophe Honoré, pour montrer la difficulté de passer cette étape, commence à enchaîner les longueurs.

« Christophe Honoré est un cinéaste qui a de la constance et qui cherche toujours de nouvelles façons de raconter des histoires, et ce « … lycéen » ne changera pas cette règle. »

Certains des éléments sont utiles pour cette intrigue et son personnage, mais beaucoup des silences et du quotidien finissent par avoir raison de nous, et le temps se fait long, très long, trop long. Oui, trop long, car le film ne cesse de rebondir et l’on finit par se demander si on en verra le bout. Un sentiment qui est dommage, voire même agaçant, car ce que nous raconte Christophe Honoré est touchant, et derrière ça, Paul Kircher est très bon dans la peau de ce jeune garçon totalement perdu. Mais rien n’y fait, on finit par s’y ennuyer. Restera alors la dernière scène qui conclura très bien ce film, cette histoire et surtout son personnage.

Christophe Honoré est un cinéaste qui a de la constance et qui cherche toujours de nouvelles façons de raconter des histoires, et ce « … lycéen » ne changera pas cette règle. Très original dans sa forme, et ça, dès son générique d’ouverture, « Le lycéen » est pourtant un film qui nous laisse partagé, car outre le fait qu’il soit trop long, dans ce qui l’abime, il y a une voix off, qui pour un bout de temps, est quasi-omniprésente, et si dans le texte, c’est magnifique et très touchant, ça a tendance à étouffer justement les émotions, car cette voix nous dirait presque ce que l’on devrait ressentir, et malheureusement, c’est l’effet inverse qui se produit. Si le film demeure touchant, il n’est pas aussi bouleversant qu’il aurait dû être avec cette terrible histoire.

Après, derrière ça, le réalisateur réussit très bien à mettre en scène et filmer l’intimité du deuil, et la façon de composer avec les émotions qui vont et viennent. Si le film manque d’émotion, Christophe Honoré évite le piège du pathos, instaurant une pudeur à l’ensemble, notamment avec ces personnages, qui ont beaucoup de mal à dire que ça ne va pas, gardant très souvent leurs émotions pour eux.

« Le jeune comédien tient là un rôle intense, dense et difficile, à la fois sombre et lumineux. »

Du côté de ses comédiens, on retrouve un habitué du cinéma de Christophe Honoré, puisqu’il fait appel pour la troisième fois à Vincent Lacoste, et il lui offre un rôle plus dur que les autres, et le jeune comédien est encore une fois extraordinaire. Nouvelle venue dans l’univers du réalisateur, Juliette Binoche trouve un joli rôle dans la peau d’Isabelle, une maman forte, et une femme fragile, voire détruite. On pourra aussi citer, çà et là, Erwan Kepoa Falé, ou Adrien Casse, ou même Christophe Honoré, qui tient pour la première fois un rôle, et pas n’importe lequel, puisqu’il joue entre guillemets son père, mais il est vrai qu’avant tout, ce « … lycéen« , c’est le jeune Paul Kircher, à peine vingt-ans. Le jeune comédien tient là un rôle intense, dense et difficile, à la fois sombre et lumineux, et même si le film, comme je le disais, manque d’émotion, le jeune homme y est extraordinaire.

Le nouveau film de Christophe Honoré se pose donc comme un film qui me laisse partagé. Beau dans ce qu’il raconte, il se fait aussi moins fort que son drame, et bien trop long. Original comme toujours chez le réalisateur, même si certaines de ses idées abîment l’ensemble, « Le lycéen » même si l’on peut s’y ennuyer sur la fin, arrive à nous offrir toutefois de très beaux moments de cinéma, et derrière ça, il est tenu par un jeune acteur, Paul Kircher, qui est somme toute incroyable. Ce n’est donc pas le meilleur film de son réalisateur, mais à bien des arguments, il mérite qu’on s’y arrête.

Note : 10/20

Par Cinéted

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