avril 27, 2024

Coraline

Auteurs : Neil Gaiman et P. Craig Russell

Editeur : Au Diable Vauvert/Delcourt

Genre : Fantastique

Résumé :

Derrière une porte de sa nouvelle maison, Coraline découvre une autre maison qui ressemble étrangement à la sienne (mais en mieux). Au premier abord, tout semble merveilleux. La nourriture est meilleure que celle de ses parents et le coffre à jouets est rempli d’anges mécaniques qui agitent leurs ailes et de dinosaures squelettes qui marchent et qui claquent des dents. Mais il y a aussi une autre mère et un autre père dans la maison, et ils veulent qu’elle reste pour devenir leur petite fille chérie. Ils ont l’intention de la changer et ne jamais la laisser partir. Coraline va devoir lutter de toutes ses forces et avec tous les objets qu’elle pourra trouver pour se sauver et retrouver sa vie normale.

Avis :

Neil Gaiman fait irrémédiablement partie de ces auteurs contemporains qui possèdent un véritable univers à part. On peut aller jusqu’à dire que Neil Gaiman est l’un des meilleurs conteurs de notre génération, et il est à parier que dans quelques décennies, il sera considéré comme un Charles Perrault, ou un frère Grimm, des temps « modernes ». Ses œuvres sont là pour en attester, avec des chefs-d’œuvre comme American Gods, ou encore Anansi Boys et Neverwhere. Dans toute sa bibliographie, on y trouve des romans pour un public adulte, mais aussi des romans jeunesses, et même des albums. Bref, un auteur complet qui plonge à bras raccourcis dans le fantastique, pour à chaque fois raconter des choses qui ont un impact sur notre vie, notre société. En ce sens, Coraline est un petit monument du genre, arpentant le fantastique enfantin pour parler d’ennui et d’absence parentale, mais pas que.

Remportant le prix Locus en 2003, il n’aura pas fallu longtemps à Coraline pour être adapté au cinéma (par Henry Selick), mais aussi en comic book, via le trait de P. Craig Russell, dessinateur ayant travaillé un temps chez Marvel (notamment pour Ant-Man). Reprenant fidèlement le roman, on peut se demander ce qu’apporte réellement cette adaptation, si ce n’est d’apporter une image plus forte du cauchemar vécu par la jeune fille. Et force est de constater que ça fonctionne plutôt bien, le talent du dessinateur s’alliant parfaitement à l’écriture de Neil Gaiman. On retrouve donc une jeune Coraline qui aménage avec ses parents dans une grande bâtisse où vivent déjà un vieux fou qui fait des tours avec des souris, et deux anciennes actrices un peu égocentriques. C’est l’été, Coraline s’ennuie, et découvre un passage entre deux mondes dans sa nouvelle maison.

Cependant, quand elle s’aventure dans l’autre monde, elle découvre que son père et sa mère ont des boutons à la place des yeux, et des griffes à la place des doigts. Malgré sa frayeur, elle va devoir confronter sa peur pour sauver son vrai père et sa vraie mère, capturés par ses faux parents. Elle va donc faire équipe avec un chat noir doué de paroles pour combattre ces deux monstres, retrouver ses parents, et retourner dans son vrai monde. Rien de neuf là-dedans, c’est exactement ce que nous raconte le roman, ou bien le film d’animation. A l’exception qu’ici, le trait est plus réaliste, et encre bien le récit dans un quotidien presque normale d’une jeune fille qui s’ennuie pendant ses vacances. Et ce qui est intéressant, c’est que l’on reste toujours sur la tangente entre rêve et réalité, ne sachant pas si Coraline rêve, ou vit vraiment une aventure dangereuse.

En ce sens, Coraline maintient un fort suspens, mais arpente aussi les peurs enfantines, comme l’abandon, la perte de ses parents, ou encore la perte de tous ses repères. On sent que Neil Gaiman y travaille aussi l’adolescence, et le changement qui s’opère chez les ados, avec des parents que l’on ne reconnait plus, ou qui ne s’occupe plus d’eux, puisqu’ils sont grands et peuvent se débrouiller tout seul. Cette histoire a tous les atours d’un conte initiatique, où pour grandir, il faut combattre ses peurs et ses démons. Des démons qui prennent la forme de parents de substitution, mais méchants et monstrueux. Là encore, le talent d’écriture est très fin, mais il est encore plus sublimé par le dessin de P. Craig Russell, qui arrive à rendre cela tangible et effrayant. Difficile de ne pas frissonner lorsque Coraline se confronte à son père argileux au fin fond d’une cave.

Bien évidemment, l’avantage d’une adaptation graphique est de trouver des éléments visuels nouveaux. Et en ce sens, P. Craig Russell fait la part belle à un imaginaire réaliste, mais relativement dérangeant. On pense à tous ces rats qui peuplent le monde imaginaire, ou encore au spectacle que donnent les deux anciennes actrices, face à un public de chiens amateurs de chocolat. C’est délirant, mais le dessinateur a bien saisi toute l’essence de Neil Gaiman, et le transpose idéalement dans ses planches. Non seulement c’est beau, mais ça a aussi l’audace de coller à l’imagination de l’auteur. On pourrait presque dire que cette association correspond à celle entre Stephen King et Frank Darabont, si l’on devait faire une comparaison avec des adaptations cinématographiques.

Au final, si cette adaptation en comic book n’apporte pas grand-chose au fond de l’histoire de Coraline, on y retrouve tout de même toute son essence. Conte moderne et macabre, ode à l’ennui et à l’adolescence, Coraline gagne ses galons avec la mise en images de P. Craig Russell et son trait réaliste. Jouant avec les mots, offrant une vision horrifique très prégnante, tout en proposant des idées délirantes (ce spectacle de l’enfer avec un public de chiens), les amoureux de Gaiman seront en terrain conquis, et ce comic propose une bonne alternative au roman, qui est un chef-d’œuvre, rappelons-le.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.