Auteur : Enrico Marini
Editeur : Dargaud
Genre : Super-Héros
Résumé :
Quel lien secret Batman et le Joker partagent-ils avec une jeune fille mystérieuse ? Kidnappée par le Joker, le Chevalier noir doit plonger dans les profondeurs de Gotham City et s’engager dans une course contre la montre pour la retrouver. Les enjeux sont importants, et pour Batman, c’est personnel !
Avis :
La BD franco-belge, le comics et le manga sont trois styles bien différents se référant à des lieux géographiques propres et pourtant, il s’agit profondément de la même chose, à savoir des histoires narrées avec des vignettes et des bulles. Sauf que la passion du dessin et la nécessité d’avoir des histoires toujours plus novatrices traversent les frontières et que bien souvent, on se retrouve avec des dessinateurs européens qui veulent faire du manga, ou encore des européens qui ont décidé de se lancer dans l’aventure du comics américain. Néanmoins, il y a une chose qui ne s’est jamais produite, c’est de mélanger les genres, au point d’avoir un objet hybride, comme par exemple avoir un super-héros de comics culte dans un format destiné à la BD dite franco-belge. Pour avoir cela, il faudra la combinaison de l’éditeur Dargaud et de DC pour avoir un Batman spécial, dont les rênes sont confiées à Enrico Marini, l’un des plus éminents auteurs de BD contemporains. Le résultat est-il à la hauteur de nos espérances ?
Il est très compliqué de s’affranchir des codes du comics pour l’inclure dans un format plus court, sauf qu’avec Batman, c’est un peu plus facile. En effet, la mythologie du héros est déjà posée depuis belle lurette, et nous n’avons pas besoin d’une présentation solide pour sentir de l’empathie envers le héros, mais aussi et surtout ses adversaires. Enrico Marini ne prend pas trop de risques au départ en présentant le Joker comme Némésis, s’évitant ainsi des présentations trop fastidieuses et qui auraient ralenti un rythme très soutenu. En effet, The Dark Prince Charming va être un tome complètement à part dans les deux formats qu’il regroupe. Très soutenu et presque taiseux pour un album franco-belge, il est aussi assez concis et plus ample qu’un comics. Ici, Enrico Marini va rapidement trouver le ton juste pour poser un Batman que l’on connait tous, avec ses démons intérieurs, mais aussi un Joker farfelu dont la folie remplie les cases où il apparait. Très clairement, dans son fond, du moins pour ce premier tome, l’ouvrage manque un peu de profondeur. C’est très simpliste à suivre, l’auteur ne s’embarrasse pas de schémas narratifs complexes et l’opposition entre les deux antagonistes demeurent classique. Sauf que comme c’est un premier tome, on reste sur des questionnements importants et il tarde déjà d’avoir la suite pour comprendre tous les enjeux, et notamment le plan machiavélique du Joker pour comprendre ce kidnapping.
Cependant, si le fond de l’histoire reste assez basique, ce ne sera pas forcément le cas de l’ambiance voulue par Enrico Marini. Encore une fois, Gotham prend une place importante dans un scénario de Batman. Sauf qu’ici, plutôt que de rendre la ville tentaculaire et complètement dépressive, l’auteur va la faire gothique, grandiloquente, avec de hautes tours qui transpercent les nuages. Bien évidemment, on aura aussi notre lot de lieux sordides, comme cet hôtel délabré dans lequel vit le Joker, ou encore ce bar miteux qui est le quartier général de Killer Croc, mais globalement, la ville de Gotham est sublimée, sans pour autant la magnifier. Marini crée une véritable distance entre ces hauts buildings, sorte de tour de Babel, et la Gotham d’en bas, plus dangereuse, habitée par les bandits, les prostituées et les maquereaux. On notera que ce découpage sied parfaitement à la double nature de Batman, dont le scénario va mettre en avant les deux côtés, la noirceur et la colère du Dark Knight, mais aussi la fragilité d’un Bruce Wayne malheureux et solitaire.
Enfin, ce premier tome est une véritable réussite sur le dessin et la couleur. Là aussi, on sent la patte d’Enrico Marini. L’auteur ne surprend pas forcément avec les traits de chaque personnage, mais on reconnait son style, sa marque de fabrique et ce mélange de dynamisme américain avec un trait européen est juste parfait. Les personnages sont beaux à en crever, aussi bien Batman que le Joker ou encore Harley Quinn et Catwoman, mais le plus impressionnant reste les scènes de fusillade ou encore les énormes planches que nous offre Marini. Ne cédant quasiment jamais aux petites vignettes, qui auraient pourtant pu rendre la lecture plus dynamique encore, l’auteur préfère se pencher sur des cases plus grandes, laissant plus d’espace à l’œil afin d’en mettre plein la vue. Le début est tonitruant, rappelant même quelque fois The Dark Knight de Christopher Nolan, mais ce sont surtout les couleurs qui vont marquer. Il y a une grande saturation de jaune orangé qui embellit l’ensemble et rend certaines grandes planches encore plus belles qu’elles ne le sont déjà. Il y a aussi quelques passages en bleu, notamment dans la Batcave, donnant un sentiment de froid. Cette dichotomie des couleurs permet de sentir soit le danger avec le jaune/orange, que l’on retrouve par exemple à chaque fois que le Joker est présent, soit la froideur d’un endroit lugubre, et c’est très bien pensé ainsi.
Au final, ce premier tome de Batman The Dark Prince Charming est une véritable réussite. Enrico Marini a trouvé tous les bons ingrédients pour parfaire un Batman qui reste très ancré dans sa propre mythologie, mais dans une histoire plus « européenne ». On reste pantois devant des graphismes d’une qualité incroyable, et on attend avec impatience la suite, qui va nous permettre de savoir les enjeux de ce kidnapping et les origines de cette jeune fille qui semble avoir un lien très fort avec Bruce Wayne. Bref, un tome immanquable et très original de Batman.
Note : 18/20
Par AqME