avril 19, 2024

Changing Ways

Auteur : Justin Randall

Editeur : Delcourt

Genre : Horreur

Résumé :

Après la mort tragique de son fils, David Barrot cherche à commencer une nouvelle vie avec sa femme Lucy et leur fille Jessie. Ils emménagent dans la petite ville tranquille de Grey Oaks, pleins d’espoir. Mais lorsque des rumeurs d’une contagion inconnue se propagent, les anciens démons de David se réveillent. Pire, Lucy, enceinte, découvre une lésion sur son ventre, et la peur refait surface…

Avis :

Se lancer dans un thriller à tendance horrifique sans un minimum d’originalité peut très vite se révéler délicat pour se distinguer de la masse. Cela vaut autant pour les romans que pour le neuvième art. Certes, les Anglo-saxons excellent dans le domaine et sont à même de proposer des récits ambitieux, mais combien d’éditeurs sont prêts à prendre le risque de publier des histoires conçues pour un public très ciblé ? Changing Ways peut s’inscrire dans cette catégorie, car il a la volonté de présenter une œuvre foncièrement déconcertante où le mystère reste (presque) entier. Après avoir officié sur les comics de Silent Hill et 30 jours de nuit, Justin Randall parvient-il à concrétiser ses prétentions ?

L’intrigue ne s’attarde pas sur l’habituelle introduction du contexte où les personnages tentent de prendre un nouveau départ après un drame familial. D’emblée, on se retrouve plongé au cœur d’événements qui dépassent l’entendement. La présence de marques ou de symboles qui apparaît subitement sur les corps, des comportements fous et violents, des attaques d’animaux sauvages… Bien qu’il y ait une origine commune, la disparité de ces manifestations proches du surnaturel est déstabilisante à bien des égards. La volonté de l’auteur est de supprimer les repères de son lectorat pour le laisser aussi démuni que ses personnages.

À l’instar de ces derniers, on subit les événements avant d’essayer de les comprendre. La survie reste au centre des enjeux, mais la tonalité ambiante tend à des considérations plus malsaines qu’escomptées. En ce sens, le traitement psychologique est suffisamment bien développé pour distiller une aura dérangeante. La peur d’une menace inconnue, conjuguée à l’obscurité de la nuit et de la tempête, est complémentaire à des séquences crues où la violence se révèle très explicite. On peut évoquer l’attaque des cochons sauvages (ou plutôt sa résultante), les automutilations ou ces cadavres finalement pas aussi morts qu’on voudrait nous le faire croire.

En cela, on distingue plusieurs occurrences avec les récits de contaminés. On songe davantage à une atmosphère proche de The Crazies de George Romero qu’à des films de morts-vivants plus classiques. Cela ne vaut pas pour l’ingérence d’organismes extérieurs aux faits, mais plutôt pour ces réactions contradictoires et imprévisibles dont sont victimes certains intervenants. Le cercle restreint de la famille renforce aussi cette impression survivaliste, même si la cohésion du groupe est assez décousue, voire éparpillée tant dans les priorités que dans la divergence des opinions. Le background et le caractère des personnages principaux s’éloignent sensiblement des stéréotypes du genre.

Afin de faire évoluer l’intrigue, le second tome, lui, s’avance plus comme une road-story sur fond d’ambiance post-apocalyptique. Le fait de placer l’histoire dix années après le premier volet marque également une scission. Un changement de ton, un traitement du « problème » global et non plus isolé à une paisible bourgade, une fuite désespérée… Seuls les caractères tourmentés des protagonistes subsistent, mais ils s’expriment dans des circonstances différentes. Par ailleurs, on nous donne des clefs de réponses et des explications pour trouver une signification aux événements. L’ensemble reste assez étonnant, surtout au vu de la portée métaphysique que suggèrent les principaux tenants.

Quant à l’aspect graphique, Changing Ways se distingue par le rendu qui se joue des ombres et des expressions faciales pour appuyer un style proche du photoréalisme. L’obscurité, les contrastes de lumière et les intempéries profitent également d’un travail soigné pour sublimer le visuel. On notera une multitude de petits détails qui viennent enrichir l’histoire. Cela passe par les textes disséminés sous la forme d’articles, d’affiches promotionnelles ou d’avis de recherche. En marge des marques sur les corps, plusieurs symboles se dissimulent à intervalles réguliers, comme pour mettre l’accent sur des vétilles pas si anodines que cela.

Au final, Changing Ways est un comics surprenant. Le travail artistique pose les bases d’une atmosphère tour à tour oppressante, troublante, puis nihiliste dans ce que suggère l’intrigue par la suite. Cette dernière présente une énigme centrale assez déconcertante qui permet de mieux éprouver le sentiment de perdition et la vulnérabilité des personnages. Plus complexe que ne laisse entendre une trame assez linéaire dans sa structure et son évolution, le récit de Justin Randall se veut singulier, violent et d’une grande maturité. Cela concerne notamment l’écriture et les thématiques brassées, comme le deuil d’un enfant et les relations sociales au sein de la famille.

Note : 17/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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