avril 26, 2024

Forgotten Blade – Comic Novateur

Auteurs : Tze Chun et Toni Fejzula

Editeur : Ankama

Genre : Science-Fiction, Action

Résumé :

Au royaume des Cinq Rivières, Ruza « Le Crasseux », le plus célèbre des guerriers et maître de la « lame oubliée », rêve de trouver un adversaire à sa mesure – en vain. Jusqu’au jour où Noa, une chamane en quête de vengeance, vient lui proposer un défi hors du commun : vaincre le Patriarche, le dieu tout puissant de leur monde. Pour cela, ils devront infiltrer la Citadelle, affronter l’Inquisition et découvrir la source des Cinq Rivières, quitte à remettre en question toutes leurs croyances…

Avis :

En France, on réduit souvent l’industrie du comics aux super-héros et à Marvel ou DC. Pourtant, il existe une palanquée d’autres maisons d’édition plus discrètes, et qui ont un catalogue très intéressant. Tout d’abord scénariste pour la série Gotham et Once Upon a Time, Tze Chun va, en 2017, créer sa propre maison d’édition avec TKO Studios, afin de donner une alternative aux autres grandes boîtes qui produisent du super-héros à la pelle. Avec une envie de moderniser l’univers du comics, il décide de faire appel au dessinateur catalan Toni Fejzula pour mettre en image Forgotten Blade. Mélange étonnant de science-fiction, d’action et d’Heroïc-Fantasy, l’histoire nous propose de suivre Ruza le Crasseux et Noa dans une quête inespérée, tuer le patriarche, le fondateur de toute chose. Baignant dans un univers inédit, Forgotten Blade est plutôt une bonne surprise, une jolie alternative aux super-héros.

La première chose qui frappe quand on commence cette histoire, c’est le style graphique du dessinateur. Toni Fejzula possède un trait très particulier qui donne énormément de mouvement à l’ensemble. On a souvent l’impression qu’il donne des coups de crayon comme des coups de cutter, ce qui donne des planches particulières, mais au style inégalable. C’est parfois difficilement lisible, notamment sur de larges plans et décors, mais c’est souvent dynamique et cela sied parfaitement à l’univers présenté, qui peut faire penser à Tron, avec de nombreux traits rectilignes et une architecture en hauteur. Forgotten Blade est très anguleux dans son esthétique, aussi bien dans les bâtiments que chez les personnages, et cela fonctionne bien avec l’histoire et cet aspect un peu dystopique.

Un aspect qui gagne aussi en mystère avec cet univers travaillé inédit et très particulier. Tze Chun propose quelque chose de jamais vu, même si on peut parfois voir des affiliations à La Caste des Méta-Barons dans le design des prêtres et autres personnages d’église. Mais d’un point de vue global, on est dans un univers, dans une histoire, qui n’a jamais été vu auparavant. Ici, un Dieu nommé Le Patriarche a créé le monde à partir de cinq rivières qui ont des fonctions bien particulières. Il y a une rivière qui permet d’oublier, une qui noie les âmes pour l’éternité, etc… Bref, on navigue dans un monde nouveau et très plaisant à découvrir. D’autant plus que la présentation assez sommaire de l’ensemble suffit à la compréhension de l’histoire et des enjeux qui en découlent.

Ici, une mère veut venger la mort de ses enfants, qui ont été tué par l’Eglise car elle (leur mère) est considérée comme une chamane, une sorcière, dangereuse pour le pouvoir. Dès lors, elle fait appel à Ruza, le plus grand guerrier de la planète, pour l’aider dans sa quête vengeresse, qui vise à tuer le patriarche. Cette vengeance va mener le duo sur des plaines inconnues, où l’on va apprendre certaines choses (comme la formation d’un monstre protéiforme fait de corps enchevêtrés aux abords d’une des cinq rivières) et découvrir des personnages qui véhiculeront des thématiques plus ou moins importantes. Le chemin sera parcouru d’embûches, mais il y a un tel entrain et tellement de nouveautés que l’on se réjouira d’une intrigue simple pour profiter pleinement des dessins et de l’univers présenté.

De plus, l’histoire va tirer à boulets rouges sur plusieurs choses importantes, dont les croyances et la religion. Ici, les méchants sont bien caractérisés par le corps ecclésiastique qui ne veut pas que les gens découvrent qui est le patriarche, et qui ne supporte pas voir son pouvoir remis en cause. Ici, la moindre personne susceptible de faire de la magie autrement que via l’église est considérée comme un hérétique à abattre. Cette velléité, on la retrouve aussi chez un prêtre, qui va aider notre duo par la contrainte, mais qui va vite retourner sa veste pour rejoindre une jeune fille qu’il avait déjà agressée auparavant, et pour laquelle il n’a aucun scrupule. Un petit message détourné pour évoquer la pédophilie au sein d’une église qui protège sans arrêt les siens, sans une once de remord. En cela, on voit bien que l’histoire est intéressante.

Tze Chun va encore plus loin dans son message qui va à l’encontre des idées religieuses en présentant un patriarche qui va faire grincer des dents les plus fervents croyants de Dieu. Car ici, ce fameux personnage, père de toute chose, est en fait un singe extraterrestre qui avoue avoir échoué en créant une race incapable de se raisonner. Alors qu’on lui incombe tous les maux de la planète, il fait prendre conscience que l’homme est responsable lui-seul de tous les malheurs qui l’accablent. Il y a donc une forte réflexion qui va naître, et une nouvelle rivalité entre un Dieu qui n’en est pas un, et une haute devineresse qui ne veut que le pouvoir et étouffer dans l’œuf cette révélation pour garder le peuple sous joug.

Encore une fois, c’est malin, bien écrit, et au-delà du simple divertissement de base, il y a une arrière-pensée qui amène à une réflexion sur les croyances et la religion. Le tout est porté par des personnages empathiques, qui savent se remettre en cause, notamment du côté des gentils, leur octroyant alors toute notre sympathie. Ruza est une grande gueule qui n’a peur de rien, et Noa est une mère blessée qui ne souhaite qu’une chose, retrouver ses enfants, injustement tués. On pourrait juste reprocher au comic de ne pas aller assez loin dans la caractérisation des méchants, et notamment du champion, qui aurait pu être un adversaire de taille face à Ruza.

Au final, Forgotten Blade est un comic fort recommandable, qui sort des sentiers battus et a le mérite de proposer un univers inédit et fort plaisant. Mélange intéressant entre dystopie, science-fiction et fantasy, Tze Chun et Toni Fejzula offrent un bel objet qui critique ouvertement les religions et les croyances, montrant que bien souvent, le pouvoir manipule les gens pour garder… le pouvoir. Bref, une aventure épique, rondement menée et qui peut même s’ouvrir sur d’autres histoires dans le même univers.

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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