Titre Original : Mou Gaan Dou
De : Alan Mak et Andrew Lau
Avec Andy Lau, Tony Leung, Eric Tsang, Anthony Wong
Année : 2002
Pays : Hong-Kong, Chine
Genre : Thriller
Résumé :
A Hong Kong, la police locale et une triade se livrent à une lutte impitoyable. Pour défendre ses intérêts, Sam, le parrain de la mafia, décide d’infiltrer Lau dans la police où il gravit rapidement les échelons. Dans le même temps, le commissaire Wong envoie son meilleur élément, Chan, comme taupe dans la mafia. Le jour où police et mafia se rendent compte qu’une taupe est infiltrée dans chacun des camps, une course contre la montre s’engage. Les démasquer se réduit peu à peu à un duel entre Chan et Lau, deux hommes qui, chacun à leur façon, ne supportent plus leur double identité…
Avis :
C’est en 2006 que Martin Scorsese va frapper un grand coup avec son nouveau film, Les Infiltrés. Thriller policier dans lequel deux infiltrés vont s’affronter, le film avait un casting de zinzin porté par Matt Damon, Leonardo DiCaprio, Jack Nicholson, Mark Wahlberg et j’en passe. Ce que l’on sait moins, c’est que ce film a quelque peu occulté son original, à savoir le premier volet de la trilogie Infernal Affairs par Alan Mak et Andrew Lau. Car oui, quatre ans plus tôt sortait ce film hongkongais et chinois, remportant quelques festivals au passage, et c’est en le voyant que Martin Scorsese a eu l’idée d’en faire un remake à la sauce américaine. Plus court (on est sur un peu plus d’une heure et demie et pas sur plus de deux heures), plus concis, mais tout autant efficace, aujourd’hui encore, Infernal Affairs constitue un thriller policier majeur du septième art.
Le scénario est assez complexe, mais il est limpide. Le film commence par nous montrer un mafieux qui fait un laïus à de jeunes gens qui font infiltrer la police pour son compte. A contrario, on va avoir un jeune policier qui se fait remarquer, puis virer, avant d’infiltrer la famille du mafieux vu au début. Le film va alors suivre le cheminement de ces deux infiltrés, l’un donnant des indices de deal à la police, l’autre en prévenant les mafieux des interventions de la police. Commence alors pour le chef de la mafia et la chef de la police un petit jeu qui consistera à trouver en premier la taupe qui se trouve dans son camp. Ludique, rondement mené et sans aucun temps mort, on peut facilement dire que l’écriture d’Infernal Affairs est d’une grande fluidité. On ne se perd jamais dans cette histoire et on comprend tout.
Pourtant, tous les codes du récit tortueux étaient là, mais ils sont évités avec brio, grâce à une mise en scène efficace, et à un déroulement qui ne joue jamais avec la temporalité ou quelques esbroufes que ce soit. Les deux réalisateurs ont à cœur de rendre leur histoire limpide et de faire monter crescendo une concurrence qui va prendre de plus en plus d’ampleur. Histoire d’apporter du fond à l’ensemble, on va voir que les deux taupes se connaissent déjà, mais malgré des parcours parallèles, elles vont avoir des envies différentes. Car si le policier infiltré souhaite retrouver sa vie d’avant, ce n’est pas forcément le cas de la taupe chez la police, qui se plait bien dans ce rôle, s’inventant même une vie avec une femme. Le final fait montre d’une grande maîtrise de la tension, où l’on ne sait pas vraiment commence cela va finir.
En dehors de cette écriture parfaite, le film jouit aussi d’une mise en scène de dingue. Tout comme pour son scénario, il y a une sensation de fluidité qui est très impressionnante. Les travellings sont nombreux et d’une grande beauté. Il y a un énorme travail autour de la lumière et de l’éclairage, puis il y a plein d’idées à chaque plan, comme par exemple la fin, si déroulant sur un toit, avec les vitres de l’immeuble d’en face qui reflète tout le panorama. Non seulement c’est beau, mais ça a une utilité et démontre une certaine symbolique. Le film a beau avoir plus de vingt ans aujourd’hui, il possède un aspect extrêmement moderne qui met à l’amende de nombreux films plus récents. Il jouit d’une vitalité qui force le respect, et on comprend aisément pourquoi Scorsese a voulu en faire un remake.
Enfin, si histoire et mise en scène forment un tout important, le film tient aussi la route grâce à ses acteurs, qui sont tous, absolument tous, impressionnants de justesse. Tony Leung, en flic infiltré, montre bien son désarroi et son envie de retourner dans une vie normale. Il est à la fois touchant et empathique, ce qui fait que l’on ressent beaucoup de choses pour lui. Andy Lau, quant à lui, est plus décomplexé, plus détendu, mais derrière cette mine sympathique et souriante, il y a aussi un homme torturé et déchiré. S’il le cache mieux, il n’en demeure pas moins victime d’un système qui le dépasse. Pour jouer les deux chefs, Eric Tsang et Anthony Wong sont eux-aussi impériaux, l’un étant plus exubérant que l’autre, formant les deux côtés d’une pièce. Et tous ces personnages suffisent au film, évitant ainsi tout superflu.
Au final, le premier volet de la trilogie Infernal Affairs est un pur petit bijou. Thriller policier d’une fluidité extrême, jamais on ne se perd dans ce dédale de flic et ripoux infiltrés, grâce à un scénario en béton armé, des acteurs impressionnants et une mise en scène inspirée qui fourmille d’idées. Film culte, il démontre qu’il n’y a pas besoin de durer trois plombes pour marquer le spectateur et être considéré comme un grand film. Et plus de vingt ans plus tard, le film fonctionne toujours autant, signe incontestable des chefs-d’œuvre.
Note : 19/20
Par AqME