Hunt – Korean Infernal Affaires

Titre Original : Heon-Teu

De : Jung-Jae Lee

Avec Jung-Jae Lee, Woo-Sung Jung, Hye-Jin Jeon, Sung-Tae Heo

Année : 2023

Pays : Corée du Sud

Genre : Thriller, Espionnage

Résumé :

1980, Corée du Sud. Après l’assassinat du président Park par la CIA coréenne, l’armée prend à nouveau le pouvoir. La Corée du Nord y voit l’opportunité d’une future invasion, et y envoie un de ses espions. Park Pyeong-Ho et Kim Jung-Do, deux hauts responsables de la sécurité sud-coréenne, sont missionnés pour traquer l’infiltré. S’engage alors une terrible course contre la montre. La situation des deux Corée est au bord de l’implosion et les deux agents, au cours de leur enquête, vont déterrer de lourds secrets qui menacent de faire basculer l’Histoire du pays …

Avis :

Effectuer une rétrospective d’une période (ancienne ou contemporaine) sous le prisme du thriller politique s’avère délicat à bien des égards. Au-delà de la nécessité d’avoir une parfaite connaissance du contexte, il est essentiel d’en maîtriser les ficelles narratives et les enjeux qui en découlent. Cela sans oublier l’importance d’équilibrer la part de réel et de fiction au fil des évènements présentés. En fonction de l’approche privilégiée, le genre peut aussi emprunter quelques occurrences au film d’espionnage. C’est le cas de Hunt, première réalisation de l’acteur Lee Jung-jae qui ambitionne de décrire une page historique particulièrement houleuse de la Corée, sous l’angle de ses services secrets.

Avec une intrigue qui prend place au début des années 1980, le présent métrage n’est pas sans rappeler les faits exposés dans L’Homme du président de Woo Min-ho. Certes, les deux productions n’ont pas de rapports spécifiques, mais leurs scénarios se suivent. Ils constituent un fil directeur des évènements politiques majeurs qui ont marqué la Corée du Sud pendant cette période, ainsi que les tensions avec leurs voisins du Nord. Cette confrontation s’avère d’ailleurs le point de mire de Hunt, et ce, à plusieurs niveaux. On songe aux tentatives d’assassinat, aux actes de terrorisme, ainsi qu’à l’exfiltration de transfuges. Ces derniers étant responsables du transit d’informations sensibles entre les deux nations.

« Si la teneur du récit présente une densité évidente, il reste intelligible »

Si la teneur du récit présente une densité évidente, il reste intelligible, y compris dans l’exposition et l’intégration d’intrigues secondaires. Là où certains films se perdent dans des discours abscons ou minés d’obscures considérations, Hunt demeure accessible, sans pour autant simplifier ou vulgariser son propos. Certes, la narration a parfois tendance à emprunter quelques détours dispensables pour révéler les attentes et les ambitions des camps ennemis, jeu de faux-semblants oblige. Néanmoins, ce que l’on appréhende sous un angle manichéen se montre plus nuancé avec un renversement des valeurs et un bouleversement des convictions ; qu’elles présentent un caractère politique, économique ou social.

Dans une certaine mesure, le fait de voir s’affronter les deux protagonistes n’est pas sans rappeler Infernal Affairs. On y retrouve cette volonté de dépeindre leurs actions, tout en flouant les perspectives entre leurs responsabilités et l’éthique censée régir leurs fonctions. Cela vaut pour les tentatives de manipulation, comme pour les séances de torture où tous les moyens sont bons pour mettre en porte à faux son rival. En l’occurrence, les notions de bien et de mal présentent des considérations intéressantes lorsqu’on découvre des pans de leur passé, leur personnalité respective aux antipodes ou leur façon d’aborder la situation au regard de son évolution. D’ailleurs, Hunt s’éloigne quelque peu de son registre initial pour emprunter une approche plus noire, inhérente au polar.

« une incursion percutante dans le domaine du thriller politique. »

La référence la plus évidente tient à la fusillade en pleine rue, véritable hommage à Heat dans la manière de gérer l’action, les perspectives de la scène, son intensité et sa violence. La séquence ne constitue pas une exception, car le film se ponctue de ces instants nerveux où les pertes s’accumulent avec des échanges brutaux, sans concession. Dans un cadre extérieur ou restreint, la mise en scène tire parti de l’environnement. On songe à cette descente nocturne qui ravage un bâtiment ou à l’arrivée du président coréen en Thaïlande qui lorgne vers une bataille rangée. Quelle que soit leur ampleur, les explosions s’avèrent spectaculaires. On reste le plus souvent sur un registre classique avec un recours minimal aux images de synthèse.

Au final, Hunt s’avance comme une incursion percutante dans le domaine du thriller politique. Lee Jung-jae fournit une première réalisation convaincante et efficace. À la manière d’un roman d’espionnage, le scénario se montre méticuleux pour développer les enjeux et les différents intervenants, sans oublier une mise en contexte âpre. Au-delà d’une rivalité entre les services secrets coréens, on entrevoit des éléments qui apportent un éclairage nouveau sur les évènements et leurs conséquences ; à l’échelle individuelle et collective. Pour ne rien gâcher, l’ensemble ne manque pas de rythme et tient en haleine, même si les révélations ou l’évolution de l’intrigue se cantonnent à des considérations familières. Il en ressort un métrage généreux et ambitieux qui remplit son office.

Note : 15/20

Par Dante