De : Joachim Lafosse
Avec Daniel Auteuil, Emmanuelle Devos, Jeanne Cherhal, Louise Chevillotte
Année : 2024
Pays : Belgique, France
Genre : Drame
Résumé :
Silencieuse depuis 25 ans, Astrid la femme d’un célèbre avocat voit son équilibre familial s’effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice.
Avis :
Réalisateur belge établi depuis presque plus d’une vingtaine d’années, Joachim Lafosse s’est fait réalisateur de l’intime, s’intéressant à la sphère de l’intime et du privé de ses personnages. Très régulier dans son travail, depuis 2004, Joachim Lafosse a réalisé onze films parmi lesquels on peut citer « Nue propriété« , « À perdre la raison« , ou encore « Les Intranquilles« .
Pour son nouveau film, après les troubles bipolaires au sein d’un couple, le réalisateur belge s’intéresse aujourd’hui au secret de famille. Un secret sombre et répugnant. Puis un secret de génération, avec d’un côté une vieille génération qui se tait, et de l’autre une jeune génération qui a envie de parler et de s’exprimer.
« Le sujet qu’a choisi le cinéaste n’appelle clairement pas à la rigolade. »
Très sombre, « Un silence » est un film qui ne laisse absolument pas indifférent, notamment car en plus d’un très bon scénario et une façon de traiter son sujet, Joachim Lafosse a confié à Daniel Auteuil un rôle aussi difficile que courageux, et l’acteur est tout simplement parfait.
La famille Shaar est en apparence une belle famille qui a réussi dans la vie, et avec ça, même si la routine a quelque peu abîmé le couple, ce dernier est solide et aimant. Mais voilà, ça, ce sont les apparences, car depuis près de trente ans, il y a une sorte de secret, ou du moins quelque chose d’honteux qui s’est produit, et si Astrid a pu pardonner, il est de bon ton de ne jamais évoquer cet événement. Mais voilà, après trente de silence, Pierre, l’oncle de la famille, qui a été victime dans son adolescence de viol par François, voudrait porter plainte et ressortir cette vieille affaire du placard, ce qui fait l’effet d’une onde de choc dans la famille.
Parmi les films que Joachim Lafosse a réalisés, « Un silence » est le film qui s’impose comme son film le plus difficile et sombre. Il faut dire que le sujet qu’a choisi le cinéaste n’appelle clairement pas à la rigolade, et l’on sait que devant ce « … silence« , on ne va pas forcément passer un bon moment. Pourtant, ça n’empêchera pas cette séance de cinéma d’être prenante et terrible.
« Joachim Lafosse sait nous intéresser, nous tenir. »
Ici, c’est l’histoire d’une déflagration annoncée. S’inspirant d’un fait qui s’est produit, Joachim Lafosse s’aventure à décortiquer la honte, l’égoïsme, les mensonges, et tout ce qui s’en suit, au sein d’un scénario parfaitement écrit. Un scénario très riche, qui aborde le couple, le mensonge, l’amour dans un couple, mais aussi les choix impossibles, voire même incompréhensibles qu’on pourrait faire dans un couple, et plus loin encore, il y a le viol et la pédophilie… Oui, oui, quand je dis qu’on n’est pas là pour se marrer.
De manière très pudique, tout en ne mâchant pas ses scènes, Joachim Lafosse s’aventure de plus en plus profond dans l’intime de cette famille, qui se trouve comme pris en otage de ce qui va arriver. Le film explique dans son ouverture un événement tragique qui s’est passé, et une fois ceci exposé, il va revenir en arrière pour suivre le fil qui amènera à cet événement, et ainsi, il va naître comme une sorte de fatalité, et avec elle, un suspens, alors même qu’on connaît entre guillemets déjà la fin. Très bien écrit et très bien pensé, Joachim Lafosse sait nous intéresser, nous tenir et surtout, il pose de belles réflexions tout au long de cette terrible histoire.
Après, même si la séance est intense, et si ce « … silence » se pose comme le plus dur des films de son réalisateur, il y a quelque chose qui manque pour pleinement nous emporter. Il y a quelque chose qui fait que le film laisse la sensation qu’il va en offrir plus, qu’il va être plus fort encore, ce qui fait qu’il nous laissera presque sur notre faim, finalement. Après, comme je le disais, malgré ce sentiment, la séance est quand même intense et terrible.
« Daniel Auteuil est tout en mesure, pudeur et intelligence. »
L’autre atout majeur de ce « … silence« , c’est l’interprétation de Daniel Auteuil qui est incroyable dans la peau de cet homme ravagé par son mal. Le rôle est difficile, et il en a effrayé plus d’un, et ici Daniel Auteuil est tout en mesure, pudeur et intelligence, même s’il est très difficile de s’attacher, ou d’être touché, par ce qui va arriver à ce personnage. Non, pour l’émotion, là, on va la trouver du côté d’Emmanuelle Devos, qui elle aussi tient un rôle incroyable. Un rôle aussi courageux, et surtout un rôle complexe et étouffé, qui bouscule l’ordre et la morale, et qui en un sens, nous place dans la même condition qu’elle, posant des réflexions qui sont intéressantes.
Par contre, on a une fausse note, ou du moins une note étrange, avec le fils de la famille, qui au milieu d’acteurs et de rôles incroyables, le jeune Mathieu Galoux dénote. L’acteur ne dégage rien, il n’est absolument pas touchant, il en fait souvent pas assez, et on aurait presque l’impression que Joachim Lafosse a très vite su que ce n’était pas un bon choix pour son film, car l’acteur, qui tient un rôle important, a très souvent le visage dissimulé, caché par une ombre, filmé de côté… Le film va mettre un temps fou pour montrer le visage de l’acteur pleinement. C’est très perturbant.
Ainsi, si le film n’est pas aussi puissant que prévu, et s’il a de petits défauts de casting, il n’en reste pas moins que ce « … silence » est un bon cru pour son réalisateur. Un cru qui s’aventure dans un sujet on ne peut plus difficile, et avec ça, Joachim Lafosse, ainsi que Daniel Auteuil et Emmanuelle Devos, nous tiennent en haleine de bout en bout de film, imposant une histoire sombre, et une sorte de suspens, alors même que le final est annoncé.
Note : 14/20
Par Cinéted