avril 27, 2024

L’Innocence – Maître Kore-Eda

Titre Original : Kaibutsu

De : Hirokazu Kore-Eda

Avec Sakura Andô, Eita Nagayama, Soya Kurokawa, Hinata Hiiragi

Année : 2023

Pays : Japon

Genre : Drame, Thriller

Résumé :

Le comportement du jeune Minato est de plus en plus préoccupant. Sa mère, qui l’élève seule depuis la mort de son époux, décide de confronter l’équipe éducative de l’école de son fils. Tout semble désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, du professeur et de l’enfant, la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ…

Avis :

Kore-eda Hirokazu est un maître du cinéma japonais. Cela fait une bonne trentaine d’années que le metteur en scène sublime le cinéma japonais moderne, en filmant la société japonaise au plus près. Muli-récompensé, Kore-eda s’est en plus trouvé un public, et chacun de ses films, dans une moindre mesure, se pose comme un succès lors de leur sortie en salle de cinéma. Avec une sacrée cadence, allant bien souvent jusqu’à un film par an, on pourrait croire que Kore-eda s’essoufflerait, mais absolument pas, enfin si ce n’est à un détail près, puisque pour la première fois, « L’innocence » n’a pas été écrit par son réalisateur. Alors qu’il commençait à avoir du mal à voir quelle histoire il allait bien pouvoir raconter pour son prochain film, c’est le scénariste Yuji Sakamoto qui est venu au réalisateur avec ce scénario qu’il avait écrit juste pour lui.

« L’innocence » est le seizième film de Kore-eda Hirokazu, et un pile un an après le magnifique « Les bonnes étoiles« , le metteur en scène japonais nous revient en grande forme avec un très joli drame qui tient en son sein un sujet tabou. Faisant briller le mot délicatesse, avec ce film, Kore-eda joue avec le temps en présentant trois tableaux pour raconter et creuser la même histoire. Peuplé de personnages ô combien sublimes, « L’innocence » nous tient pendant ces plus de deux heures de film, où le cinéaste prend le temps d’explorer au plus profond ses sujets, afin d’en tirer le plus beau et le plus fort. Bref, qu’est-ce qu’il est doué ce Kore-eda.

« Pour son nouveau film, Kore-eda change quelque peu de style. »

Minato est un jeune garçon qui jusqu’ici allait très bien. Mais petit à petit, sa mère remarque de petites choses qui changent, et très vite, elle comprend que quelque chose ne va pas à l’école. Après ce qui ressemble à une tentative de suicide, elle découvre que Minato est maltraité par l’un de ses professeurs. Au fil de l’histoire, au fil des événements, et surtout au fil des différents de points de vue sur ces problèmes, il se pourrait bien que la vérité soit tout autre…

Que j’aime le cinéma de Kore-eda, et son nouveau film, « L’innocence« , ne fait que confirmer encore ce que je savais déjà, c’est-à-dire l’importance du réalisateur dans le paysage du cinéma aujourd’hui, et son talent pour raconter des histoires humaines, en allant au plus profond sans jamais en faire de trop.

Pour son nouveau film, Kore-eda change quelque peu de style, notamment parce qu’il va jouer avec le temps, nous racontant la même histoire avec plusieurs points de vue différents, ici, celui de la mère de famille, puis celui du professeur, et finalement celui de l’enfant. Alors, c’est vrai que ce genre de narration, qui est là pour montrer des situations et des interprétations, et finalement dévoiler un secret dans son troisième acte, est loin d’être neuve. On peut même dire qu’elle a un côté déjà-vu, et pourtant, lorsqu’un cinéaste comme Kore-eda s’empare de ce style, et qu’il tient un sujet magnifique, ça donne un superbe film.

«  »L’innocence » creuse aussi ses personnages secondaires à chaque nouveau point de vue. »

« L’innocence« , c’est au départ une histoire qui s’aventure sur un sujet actuel, le harcèlement scolaire. Ici, tout indique cela, et d’ailleurs, il y a bien de ça dans ce récit, mais ce n’est pas ça le plus fort dans le film de Kore-eda. Tenu par un scénario en or, « L’innocence » déroule alors la même histoire encore et encore, et avec elle, le film approche tout un tas de sujets passionnants. Le rejet de l’autre, les jugements à l’emporte-pièce, la puissance des rumeurs, et au-delà de ça, l’idée de jugement. Ici, notamment dans les deux premiers actes, les personnages sont, tour à tour, juges et jugés, et c’est follement intéressant, d’autant que Kore-eda injecte ce qu’il faut d’humanisme, de douceur et de nuances pour raconter ces personnages.

Il est difficile de ne pas comprendre cette mère, tout comme il est difficile de ne pas comprendre ce professeur, tout comme il va être très difficile de ne pas être touché et bouleversé par ces gamins finalement, car une fois que le réalisateur aura raconté ces deux histoires, il va transformer son film et raconter tout autre chose. Et ce quelque chose, au sein de la société japonaise, une société conservatrice qui a tendance à se mettre des œillères, est on ne peut plus courageux. De plus, on sera encore plus surpris avec ce scénario, car en plus de creuser ses personnages principaux, « L’innocence » creuse aussi ses personnages secondaires à chaque nouveau point de vue. Ainsi, celui de la directrice de l’école prend beaucoup d’ampleur émotionnelle au fil des scènes où elle apparaît.

« Kore-eda Hirokazu nous offre beaucoup de sensibilité. »

Pour incarner ce récit, ou plutôt ces récits, Kore-eda Hirokazu nous offre beaucoup de sensibilité grâce à ce casting qu’il dirige avec une main d’or. Tous ses acteurs et ses personnages sont plus beaux les uns que les autres, et tous savent nous toucher au plus juste, même si face à Sakura Andô (la mère) et Eita Nagayama (le professeur), ce sont surtout l’impeccabilité et les émotions à fleur de peau que dégagent Soya Kurokawa et Hinata Hiiragi, les deux enfants, qui vont nous bousculer, tant Kore-eda a su tirer le plus beau d’eux.

Ainsi donc, ce retour de Kore-eda Hirokazu est magnifique. Superbe et grand film qui se pose au milieu d’une filmographie brillante, ces plus de deux heures passées en compagnie de ces personnages et de tous ces points de vue différents m’ont bouleversé et tenu avec autant d’intrigue que d’émotions. Alors qu’il a passé les trente ans de carrière, et qu’il a réalisé tant de films, Kore-eda démontre qu’il n’a rien, strictement rien, perdu de sa superbe. Alors si vous avez la chance que le film soit joué près de chez vous, il serait dommage de passer à côté.

Note : 18/20

Par Cinéted

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.