Little Girl Blue – Tout sur ma Mère

De : Mona Achache

Avec Marion Cotillard, Marie Brunel, Marie-Christine Adam, Pierre Aussedat

Année : 2023

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

À la mort de sa mère, Mona Achache découvre des milliers de photos, de lettres et d’enregistrements, mais ces secrets enfouis résistent à l’énigme de sa disparition. Alors par la puissance du cinéma et la grâce de l’incarnation, elle décide de la ressusciter pour rejouer sa vie et la comprendre.

Avis :

Mona Achache est une réalisatrice qui a débuté sa carrière au début des années 2000 avec tout d’abord un documentaire qui parle des naissances. Après cela, on la retrouve sur des plateaux de tournages, où elle sera scripte, puis assistante de mise en scène. Puis en 2005, elle tourne un premier court, « Suzanne« , où elle y parlera de sa grand-mère. En 2008, elle tourne un deuxième court, qui sera primé, ce qui lui ouvrira les portes du cinéma, puisque l’année d’après, elle présente « Le hérisson« , son premier long.

Depuis, Mona Achache oscille entre le cinéma (« Les gazelles » et « Cœur Vaillant« ) et le petit écran (« Osmosis« , « Accusés » ou encore quelques épisodes de la série « HPI« ).

« Pour son quatrième long de cinéma, la réalisatrice se lance dans un film fou. »

Après l’échec au box-office que fut « Cœur vaillant« , Mona Achache est déjà de retour avec un nouveau film, « Little Girl Blue« , qui se pose comme son film le plus personnel, et c’est tout simplement magnifique. Pour son quatrième long de cinéma, la réalisatrice se lance dans un film fou, au pari très audacieux, plaçant sa caméra et son regard dans un docu-fiction, où elle part à la découverte de sa mère. Œuvre incroyable et bouleversante, œuvre singulière au concept fou, il va être très difficile de poser des mots sur le film de Mona Achache tant ce dernier ne ressemble à rien de connu, et derrière ça, il convoque des sentiments et des émotions fortes, car de cette histoire on ne peut plus personnelle, la réalisatrice arrive à parler de bien des histoires, et se faire universel, aussi bien dans ce qu’elle raconte que dans sa démarche.

À la mort de sa mère en 2016, Mona Achache a hérité de vingt-six caisses de photos et documents en tout genre. Les femmes de la famille, pour elle, sont maudites (sa grand-mère étant décédée dans des conditions étranges et sa mère s’est suicidée) et elle s’est mise en tête de ne jamais ouvrir ces caisses. Or, quelques années plus tard, la curiosité faisant son chemin, Mona Achache ouvre une première caisse et elle y découvre un véritable trésor, avec des photos de toutes époques, des documents, des enregistrements, des écrits, des carnets de confidences, et au fur et à mesure, elle découvre une femme qu’elle ne connaissait pas, et derrière ça, cette même femme a tout d’un personnage de cinéma. Alors comme sa mère et sa grand-mère l’avaient fait auparavant, en écrivant chacune un livre sur leur mère, Mona Achache, au fil de ses découvertes, écrit un scénario, et l’idée lui vient d’en faire un film, où elle raconterait l’histoire de sa mère, et par là même, l’espace de quelques instants, sous les traits d’une actrice, Marion Cotillard la fera revivre.

« Mona Achache livre un petit chef-d’œuvre aussi passionnant qu’il est imprévisible et hypnotique. »

Après deux comédies et un drame historique, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre avec ce nouveau Mona Achache, si ce n’est que la metteuse en scène française s’était lancée dans un film autour de sa mère qui serait quasi-expérimental. Et oui, expérimental, c’est bien le mot qui convient pour cet ofni fou et bouleversant.

Magnifique surprise de ce Cannes à Paris, claque incroyable qui me trotte en tête depuis trois jours maintenant, avec ce « Little Girl Blue« , Mona Achache livre un petit chef-d’œuvre aussi passionnant qu’il est imprévisible et hypnotique.

Comment parler d’un être cher qui a disparu ? Comment rendre un hommage à sa mère, tout en la découvrant ? Car oui, dans son idée de vrai/faux documentaire, au cours de son tournage de seize jours, Mona Achache s’est gardée des « surprises » et elle va découvrir sous nos yeux le contenu des caisses restantes qu’elle n’a pas ouvert, et avec ça, elle va aussi découvrir une grande partie de l’histoire de sa mère.

«  »Little Girl Blue » se pose comme un portrait fascinant de liberté. »

« Little Girl Blue » est un film d’une richesse folle, où se mêle au fil des découvertes, une histoire de famille, un portrait de femmes, et la grande histoire au travers des années 60 et 70 qui sont la jeunesse de Carole Achache. Femme forte, femme pleine d’envie et de vie, femme qui a ses opinons, qui mène ses combats, et qui ose aller au bout de ses envies. Femme anticonformiste, qui navigue dans un milieu aisé et qui va s’en détacher, le temps d’un voyage aux Etats-Unis, avec ce que Mona Achache trouve, débusque et découvre au gré des photos, des écrits et des enregistrements, « Little Girl Blue » se pose comme un portrait fascinant de liberté.

Une liberté de ton et d’opinion qui sont merveilleusement retranscrits et filmés par Mona Achache. Puis au-delà de ça, de pièce en pièce, le portrait qui prend forme raconte aussi le caractère et la solitude de cette femme, tout comme en extrapolant, « Little Girl Blue » décrira les mêmes choses du côté de la grand-mère de la réalisatrice, puis de la réalisatrice elle-même.

Dans son idée, sa mise en scène et son montage, « Little Girl Blue » se pose comme un voyage intime au cœur d’une famille. Bourré d’images d’archives, peuplé de son d’archives, d’interviews ou simplement d’enregistrements sauvages, parcouru de photos anciennes à la beauté saisissante, Mona Achache livre un film hybride fascinant qui sort radicalement des sentiers battus. De plus, comme je le disais plus haut, la réalisatrice avait l’envie un peu folle de faire revivre sa mère, et mettre en scène certaines des conversations qu’elle entend sur les enregistrements, et pour cela, elle a fait appel à Marion Cotillard pour incarner sa mère. L’actrice s’embarque alors dans un immense défi, car Mona Achache va lui faire jouer en playback la plupart des scènes qu’elle a en tête. Ainsi, Marion Cotillard va devoir se caler sur les enregistrements et c’est incroyable ce qu’elle va arriver à faire, disparaissant totalement à l’écran.

« Marion Cotillard est tout simplement bluffante. »

C’est assez dingue de voir l’actrice au travail. D’autant plus que la première scène où elle apparaît, elle est Marion Cotillard, et c’est autour d’un vieux bureau, face à Mona Achache, qu’elle découvre le personnage de Carole. Mona Achache lui tend les affaires de sa mère et Marion Cotillard se transforme petit à petit, pour s’effacer totalement. Elle est tout simplement bluffante d’entrée de jeu et elle ne va cesser de l’être au fil du film et des découvertes. On sera même étonné de la façon dont elle va transformer sa voix, lorsque Mona Achache lui fait jouer des passages sortis de carnets intimes de sa mère.

Ce voyage familial, ce voyage intérieur, ce voyage dans le passé d’une mère, au fil des scènes, au fil des idées de Mona Achache, et l’interprétation de Marion Cotillard, est tout simplement bouleversant. Et mieux encore, alors même qu’elle ne fait que parler de sa famille et d’elle-même face au manque de sa mère, Mona Achache nous parle à nous, convoquant presque des souvenirs, surtout à la sortie de la séance, où elle nous donne l’envie avec sa démarche de partir en voyage au sein du passé des nôtres.

Bref, entre vrai/faux documentaire, avec des archives personnelles peuplées de photos, s’aventurant dans la reconstruction visuelle de certaines conversations que sa mère ait pu avoir, jouissant d’un montage dingue, là encore plein d’idées (toutes les parties collages sur l’image sont tellement pertinentes dans ce qu’elle raconte), osant aller au bout de sa démarche, même si ce qu’elle va découvrir sera parfois très dur… Avec ce film, Mona Achache signe son chef-d’œuvre et l’on en ressort bouleversé et abasourdi. Assurément, « Little Girl Blue » est l’un des grands films de 2023. Bref, c’est incroyable !

Note : 18/20

Par Cinéted