De : Terrie Samundra
Avec Riva Arora, Shabana Azmi, Sanjeeda Skeikh, Satyadeep Misra
Année : 2020
Pays : Inde
Genre : Horreur, Thriller, Drame
Résumé :
Lorsqu’un esprit tourmenté maudit un village au lourd passé d’infanticide féminin, le sort du lieu repose entre les mains d’une fillette de dix ans.
Avis :
Pour le grand public, le cinéma indien est bien souvent assimilé au faste de Bollywood, ainsi qu’à ses comédies musicales au long cours. S’il s’agit d’une part non négligeable de la production actuelle, les films indiens profitent d’une richesse créative indéniable, du moins si l’on s’écarte de réalisations exubérantes ou destinées à une distribution internationale. On songe à l’œuvre intemporelle de Satyajit Ray ou, dans un style beaucoup plus sombre et aux antipodes, aux films d’Anurag Kashyap tels que The Mumbai Murders. Avec Kaali Khuhi, on officie dans un registre à la lisière du drame social, du thriller psychologique et de l’horreur. Un mélange des genres qui détonne, a fortiori pour une première réalisation et son statut de coproduction Netflix.
L’intrigue s’amorce sur un problème familial où les personnages principaux sont amenés à délaisser le confort et l’aisance de leur propriété en ville pour se confronter à la rudesse rurale. D’emblée, le présent métrage développe une aura de mystère particulièrement oppressante pour mettre en condition le spectateur. On songe à cette brève incursion sur la route où, au fur et à mesure que l’on progresse, l’environnement gagne en hostilité. Outre la nuit tombée, cela tient à un cadre naturel isolé et primal, sans compter sur une brume omniprésente, impénétrable. Par cette volonté à soigner son introduction, l’effort surprend dans le bon sens du terme.
« Le cœur du film se focalise sur le secret familial et une approche de l’horreur beaucoup plus tangible. »
Il est vrai que le film de Terrie Samundra peut rebuter par son traitement lancinant où l’intrigue se déroule essentiellement en vase clos. En ce sens, les amateurs d’une horreur explicite et sans fioritures peuvent nourrir une déception manifeste. Au regard de ce que suggère la promotion du métrage, on évolue dans un récit intimiste et non une production sensationnaliste où le surnaturel s’immisce dans le quotidien. Il y a bien quelques phénomènes épars, mais ils ne visent pas à effrayer. Ils s’avèrent une mécanique supplémentaire, voire subsidiaire, pour instaurer un climat malaisant. En effet, le cœur du film se focalise sur le secret familial et une approche de l’horreur beaucoup plus tangible.
Dès lors, Kaali Khuhi s’oriente vers le drame social lorsqu’il évoque la place de la gent féminine au sein de la société indienne. Sans sombrer dans le féminisme, la réalisatrice dénonce et interpelle sur le mépris à l’encontre de la femme et son statut de fardeau, dès le plus jeune âge. En ce sens, l’intrigue retranscrit parfaitement ce problème intergénérationnel à travers un héritage corrompu. De malédiction, il est question dans le déroulement des évènements. On songe à cette curieuse maladie qui, à l’image d’une épidémie virale, semble se propager aux seuls membres de la maisonnée. Au-delà du caractère létal, on ne s’attarde néanmoins guère sur cette particularité, somme toute anecdotique au regard d’autres manifestations.
« Une furtive référence à Chromosome 3. »
À ce titre, on peut évoquer ces confrontations plus ou moins violentes où la réalité tend à s’effacer progressivement. Cela vaut pour les apparitions dans certains lieux noyés dans les ténèbres. En revanche, les possessions restent standardisées. Ces dernières constituent une sorte de prélude à un dénouement qui perd en subtilité. Les rares trucages numériques sont grossiers, tandis que les incrustations demeurent aléatoires. De même, l’allégorie propre à la grossesse, à l’enfantement, s’arroge les atours charnels d’un style « cronenbergien » ; sans doute une furtive référence à Chromosome 3. Au regard de ce qui a été avancé auparavant, celle-ci s’avère hors contexte dans son exposition.
Au final, Kaali Khuhi se révèle un film intrigant et engagé, surtout pour une coproduction Netflix. Si l’on appréhende le projet de Terrie Samundra sous le prisme d’une horreur paranormale, il est vrai que le traitement présente un cachet en demi-teinte. Il s’agit néanmoins d’un aspect secondaire qui ne prévaut guère face à des considérations plus réalistes. Il paraît donc plus pertinent de l’aborder sous l’angle du drame, voire du thriller psychologique. L’ensemble ne bénéficie pas forcément d’une caractérisation poussée, mais les interactions aboutissent à des conséquences plausibles, voire inéluctables. Il est juste dommage que la conclusion marque un trop grand contraste avec le reste de l’histoire.
Note : 14/20
Par Dante