avril 27, 2024

The Hunt

De : Craig Zobel

Avec Betty Gilpin, Hilary Swank, Wayne Duvall, Glenn Howerton

Année : 2020

Pays : Etats-Unis

Genre : Horreur, Thriller

Résumé :

Sur fond d’obscure théorie du complot sur internet, un groupe de dirigeants se rassemble pour la première fois dans un manoir retiré, afin de se divertir en chassant de simples citoyens américains. Mais leurs sombres desseins vont être mis en péril par Crystal, une de leurs proies, capable de les battre à leur propre jeu. La jeune femme renverse les règles, et abat un par un les chasseurs qui la séparent de la mystérieuse femme qui tire les ficelles de ce passe-temps macabre.

Avis :

Depuis que le cinéma existe, de nombreux films ont créé des polémiques pour leurs propos ou leur violence. Le film peut évoquer des thèmes racistes, ou bien valoriser une sorte de violence comme une catharsis nécessaire au bien-être de la société. Aujourd’hui encore, certains films dérangent, au point de se voir privés de salles. C’est un peu le sort qui fut réservé à The Hunt de Craig Zobel. Au départ prévu dans les cinémas américains, le film va être déprogrammé suite à deux fusillades qui feront des dizaines de morts. Par la suite, c’est Donald Trump lui-même qui fustige le film, puisqu’il présente de riches personnalités faire une chasse aux rednecks pour le plaisir. Enfin, le Covid aura eu raison d’une sortie écourtée en 2020. Et c’est bien dommage, puisque ce thriller horrifique avec une grosse dose de comédie est une franche réussite, bien acide.

Le film débute autour d’un échange de textos sur un groupe, où des gens se réjouissent d’aller faire une chasse à l’homme dans un manoir. Par la suite, on va rapidement assister à une scène dans un avion, où de riches hommes et femmes d’affaires discutent, puis doivent faire face à un type qui se réveille et semble désorienté. Rapidement, le film pose ses bases, on aura droit à des bourgeois qui vont faire une chasse à l’homme dans un lieu inconnu. Le pitch reprend alors tous les clichés du genre, avec des prisonniers qui se réveillent dans les bois, qui découvrent une grosse caisse avec des armes, puis qui vont se faire dézinguer à tours de bras. Rien de bien original donc, mais le film va savoir jouer sur son suspens et ménager sa surprise. Comment ? En n’ayant aucune pitié pour ses personnages.

« Craig Zobel va rapidement jouer au plus malin avec le spectateur. »

Craig Zobel va rapidement jouer au plus malin avec le spectateur. Il nous fait suivre une jeune femme, en la présence d’Emma Roberts, qui semble toute gentille, et qui va aider les autres pour s’en sortir. Sauf que très rapidement, elle va se prendre une balle dans la tête, et on va alors suivre un autre personnage qui, en faisant preuve d’altruisme, marche sur une mine et explose. En faisant ainsi, le réalisateur nous montre qu’il n’a aucune pitié pour ses personnages, et qu’il n’y pas forcément de personnage principal. Jusqu’à l’arrivée de « Boule de Neige », qui va mettre à mal tous ses adversaires, notamment grâce à ses connaissances en matière de combat. Le film devient alors plus classique, mais il n’oublie jamais de créer de la surprise et de jouer sur des thèmes qui seront ambigus.

En effet, le scénario, écrit par deux compères déjà aux commandes des séries Watchmen et The Leftovers, ne veut pas être binaire et présenter les riches comme les grands méchants, et les pauvres comme des victimes qui se défendent comme elles le peuvent. Ici, le film va se faire plus cynique et montre les deux facettes de chaque camp. Par exemple, les riches vont attention à tout ce qu’ils disent et ce qu’ils font pour soigner leur image. Ils croient alors au dérèglement climatique, évitent de faire des réflexions sexistes ou racistes. Cependant, malgré leurs efforts, leur naturel revient au galop, et ils ne peuvent s’empêcher de dire des saloperies. De plus, ils apparaissent comme très hautains, ils se sentent supérieurs, et ils le font bien comprendre. En agissant de la sorte, les deux scénaristes créent une relation ambiguë avec le spectateur, qui ne peut pas forcément les haïr.

« C’est très intelligemment écrit, car finalement, le film ne prend pas parti . »

Et il en va de même avec les victimes, ceux que l’on pourrait identifier comme les pécores de la société. Ici, il y a des personnages disparates, allant du plus jeune au plus vieux, avec des métiers différents, mais une chose les relie, ils sont adeptes de la théorie du complot. Si on peut les voir comme des innocents qui vont à prendre plein la tronche, le scénario les présente aussi comme des protagonistes avec une part sombre. Certains sont ouvertement racistes, d’autres sont climato-sceptiques, sans oublier les complotistes, perdus dans leur quête de vérité improbable. Le film joue sur tous ces codes, et se permet alors de dresser un portrait très cynique de la société américaine, où rien ne va nulle part. C’est très intelligemment écrit, car finalement, le film ne prend pas parti et montre que tout un chacun est responsable de la situation dans laquelle nous sommes.

En plus d’être malin dans son écriture, et dans l’introduction qui fait monter la pression autour de n’importe quel personnage, The Hunt est un long-métrage qui est diaboliquement fun dans son rythme et sa réalisation. Le démarrage est tonitruant, avec cette fusillade qui va faire un paquet de morts, puis par la suite, on va assister à une scène très drôle dans une petite station-essence. Le film ne s’arrête pas une seule seconde, et rebondit sur chaque situation, ajoutant par la même de nouvelles thématiques. Même les dialogues sont très intéressants, puisqu’ils sont à la fois drôles et parfois ubuesques. Le coup de la nana blessée qu’il ne faut pas tuer sous prétexte que c’est une femme est assez tordant, et montre bien le côté faux-cul de certaines personnes. C’est tout le temps corrosif et colle parfaitement à la dynamique du film.

« Une violence qui trouvera une explication en fin de film, démontrant que la bêtise est universelle. »

Mais en plus d’être malin et drôle, The Hunt est aussi un film qui n’hésite pas une seule seconde à être gore. Quitte à aller jusqu’au bout de son délire, Craig Zobel va se lâcher sur l’hémoglobine et les séquences qui font mal. Outre la pauvre Emma Roberts qui se fait éclater la tête face caméra, on aura droit à une femme coupée en deux, de gros gunfights et une baston finale qui fait très mal. Complètement décomplexé, le film s’amuse avec tous les codes de l’horreur et fonce tête baissée sur des mises en mort originale et sans aucun frein. De plus, cela n’est jamais vraiment gratuit et montre toute la violence déployée pour tuer ses hères qui se demandent où ils sont. Une violence qui trouvera une explication en fin de film, démontrant que la bêtise est universelle.

Enfin, difficile de passer outre la prestation de Betty Gilpin qui est tout bonnement excellente dans son rôle. Survivaliste qui ne semble avoir peur de rien et qui arrive à déjouer tous les pièges, montrant un côté un peu frappadingue qui est succulent, jouant constamment à un jeu dangereux avec les chasseurs, l’actrice est totalement investie dans son personnage et délivre une prestation impressionnante. Quant à Hilary Swank, elle semble prendre un plaisir monstre dans ce film, arrivant à se faire détestable du début à la fin, n’hésitant plus à montrer sa réelle personne et à tout faire pour rabaisser les autres. Les deux femmes composent un duel vraiment excellent, qui trouvera son apothéose dans une scène finale explosive.

Au final, The Hunt est une excellente réussite qui est passée un peu sous les radars lors de sa sortie en salle. Thriller horrifique qui tire à boulets rouges sur la société américaine, démontrant que riches ou pauvres, le problème provient simplement de l’humanité, The Hunt se permet le luxe d’être gore, drôle, critique et très cynique. Un cocktail détonant qui fait plaisir à voir, et qui a déchaîné les rumeurs avant sa sortie pour finalement pas grand-chose, si ce n’est de pointer du doigt les complotistes qui votent Trump, et les démocrates bourgeois et leur humilité au rabais pour faire bonne presse.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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