Auteur : Kevin Tondin
Editeur : Editions Libre 2 Lire
Genre : Drame, Fantastique, Thriller
Résumé :
À la suite d’un accident de voiture qui l’a rendu partiellement amnésique, Sia, tourmentée par des cauchemars, décide d’entreprendre un road trip à travers les États-Unis en compagnie de ses amis pour se changer les idées.
Durant leur périple, leur van tombe en panne en plein milieu du désert. Par chance, ils tombent rapidement sur un ancien motel dont le gérant, bien qu’accueillant, semble cacher quelque chose. Sia s’apercevra rapidement que cet étrange motel n’est pas celui qu’il semble être et qu’il agit sur les sentiments et les envies de ses occupants, notamment ses amis qui ne veulent plus partir. Sia elle-même se sent attirée par cet endroit et par son propriétaire qui paraît en connaître beaucoup sur elle et sur la raison de ses cauchemars.
Parviendra-t-elle à percer les mystères entourant ce motel ou bien finira-t-elle par ne jamais en ressortir ?
Avis :
Quand on est écrivain, on a toujours une bibliothèque mentale qui nous dicte un peu nos envies, nos histoires et nos références. Kevin Tondin est un jeune auteur suisse qui est passionné par les jeux de rôle et les films d’horreur. Cela s’est bien fait ressentir lors de ses précédents ouvrages, comme peuvent en attester Massacre en Engandine, grosse référence à tous les slashers du septième art (de Massacre à la Tronçonneuse à Vendredi 13), ou encore Arena qui est une sorte d’Hunger Games ultra violent. Ne voulant pas forcément s’enfermer dans un seul style, Kevin Tondin va essayer de bousculer les codes du genre, et de sortir de sa zone de confort, pour proposer Motel 66, un roman hybride entre drame, fantastique et thriller. Un cocktail intéressant duquel on peut encore ressentir les références, comme Reeker pour les aficionados du cinéma d’horreur.
Sia est une jeune femme qui part en voyage dans l’Arizona avec ses amis, afin d’honorer la mémoire de sa défunte meilleure amie, décédée dans un accident de voiture. Accident dont Sia fut aussi victime, lui créant une perte de mémoire. Avec ses amis, elle va tomber en panne et se retrouver dans un motel un peu particulier, qui semble réaliser tous les désirs des occupants. Des occupants qui ne semblent jamais vieillir, étranges, mais qui ne représentent aucun danger pour Sia et ses camarades. Mieux, Sia va en profiter pour en découvrir un peu plus sur ce lieu, ses amis, mais aussi elle-même, découvrant alors des désirs qu’elle semblait refouler depuis quelques temps. Ainsi donc, Motel 66 s’éloigne de l’horreur pour plonger dans le fantastique, tout en tissant des liens avec le thriller. Un choix osé mais qui s’avère relativement original au final.
Car oui, si l’on connait un peu l’auteur, on sait que l’on peut tomber rapidement sur du meurtrier, du monstre et du sanguinolent, mais ce ne sera pas le cas ici. Tout d’abord parce que la bande de copains est là pour soutenir Sia dans son envie de recouvrer la mémoire, mais aussi parce que le motel ne dégage pas forcément une âme noire. D’entrée de jeu, on se doute qu’il va se passer des choses étranges, notamment le fait que le motel se « restaure » durant la nuit, mais globalement, il n’y a pas de dangers immédiats envers les protagonistes. Le but ici est de montrer des personnages qui ont des secrets, des envies cachées, et ce motel va alors réaliser tout cela. On passera par le fan de culturisme qui rêve d’une belle salle de sport, à la fan de télé-réalité qui va trouver toutes ses émissions.
Motel 66 est avant tout un roman de personnages. Des personnages qui se divisent en deux catégories, les amis de Sia et les résidents de l’endroit. Parmi ses camarades, on notera des stéréotypes qui font de suite écho au cinéma de genre américain. On a le musclé bougon, la bimbo pimbêche, le beau gosse ténébreux et son petit frère jovial, ainsi que Sia, plutôt discrète, et sa meilleure amie maladroite. Tout ce petit monde rentre dans des stéréotypes calibrés, mais cela n’est pas un reproche, puisqu’ils sont bien utilisés et s’éloignent d’ailleurs de la chair à canon pour lesquels on les destinait. Du côté du motel, on aura là aussi droit à des personnages qui cochent des cases, comme le groupe de rock, le couple de grimpeurs, l’allumeuse de service, ou encore le vieux mystérieux qui semble connaître beaucoup de chose sur cet endroit.
Les interactions entre les personnages sont plutôt bien vues. Certains révèleront leur vraie nature, à l’image de la principale intéressée, Sia, qui va se découvrir et ouvrir pleinement ses sentiments. On aura aussi droit à quelques révélations, ou encore à des affirmations, notamment en ce qui concerne l’un des deux frères, qui noie son chagrin dans l’alcool. L’auteur arrive à faire vivre tout ce petit monde dans un microcosme pas si évident que ça à tenir sur près de trois cents pages. Alors oui, parfois, on rentre dans des clichés un peu hasardeux, comme ce pauvre Dario qui fait étalage de ses muscles à deux belles blondes, ou encore Alex qui picole sans arrêt parce qu’il vient de perdre sa fiancée, mais cela n’a pas vraiment d’impact sur le plaisir de lecture ressenti.
L’une des seules choses qui peut rebuter sur ce roman, c’est peut-être le style d’écriture. Ou tout du moins la présentation des chapitres. En effet, ici, on fait face à un chapitrage très simple, numéroté. Chaque chapitre est relativement court, ce qui permet aussi une lecture dynamique, ce qui est très malin. Mais le problème, c’est que c’est Sia qui raconte son expérience, c’est écrit à la première personne, et de ce fait, il aurait été plus judicieux de chapitrer tout cela sous la forme d’un journal intime, avec des dates ou des horaires en lieu et place des chapitres. Et cela aurait donné plus de poids au style, qui est parfois un peu naïf, un peu enfantin, comme le running gag autour du chien. Alors ce n’est rien de bien méchant, mais cela aurait eu plus d’impact sur la lecture.
Au final, Motel 66 de Kevin Tondin est un roman assez intéressant, qui brasse de nombreux thèmes, comme les sentiments que l’on refoule, l’amour ou encore les choix que l’on fait et qui ont une incidence sur notre vie. Si le style peut paraître un peu naïf, il n’en demeure pas moins que le plaisir de lecture est là, et que l’auteur se risque à un autre style, ce qui n’est jamais évident.
Note : 14/20
Par AqME