avril 26, 2024

Quand tu Seras Grand – Ehpadtant

De : Andréa Bescond et Eric Métayer

Avec Vincent Macaigne, Aïssa Maïga, Evelyne Istria, Christian Sinniger

Année : 2023

Pays : France

Genre : Comédie, Drame

Résumé :

Yannick est aide-soignant dans une maison de retraite. Entre pression permanente et restrictions budgétaires, il fait face aux manques de moyens avec une bonne humeur contagieuse. Mais lorsqu’on lui impose de partager le réfectoire avec une classe d’enfants, la situation se complique. Leur arrivée ainsi que celle de son animatrice, Aude, va bousculer le quotidien de tous et surtout des résidents…

Avis :

En 2018, on prenait une claque monumentale devant le premier film d’Andréa Bescond et Eric Métayer. Adapté de leur propre pièce de théâtre, ce premier film, « Les chatouilles« , était un bouleversement, y abordant avec humour et tragique à la fois, son histoire, l’inceste dont elle a été victime, et tout ce qui en a découlé. Par la suite, les deux de metteurs en scène ont fait un tour sur le petit écran, pour aborder les relations toxiques avec « A la folie« , film qui mettait en scène Marie Gillain et Alexis Michalik.

Après cinq ans d’absence dans les salles, Bescond et Métayer sont de retour avec cette fois-ci un film qui aborde les EHPAD, sujet ô combien difficile et important. Mélangeant toujours l’humour et le tragique, « Quand tu seras grand » se pose encore une fois comme un bouleversement. Important dans ce qu’il raconte, extrêmement riche, conjuguant les générations, abordant tous les sujets possibles sans jamais tirer la carte du misérabilisme, « Quand tu seras grand » est un très beau film qui tient ses sujets, et qui avec ces derniers livre un cinéma ambitieux, plein d’idées, de personnages et de moments de grâce.

« Le cinéma français a tendance à se faire social. »

Yannick est chef soignant dans une maison de retraite. Avec son équipe, il compose avec le manque de budget et une pression qui est quasi permanente, car l’équipe est en sous-effectif, ayant trop peu de soignants pour s’occuper de tous les résidents. Alors un matin, quand le directeur de l’EHPAD apprend à son équipe qu’ils vont accueillir au réfectoire les enfants d’une école primaire dont la cantine est victime d’un dégât des eaux, pour Yannick, c’en est trop. Enfin ça, c’est jusqu’à ce qu’il se rende compte que ces deux générations qui cohabitent l’espace d’un temps peut apporter beaucoup de bien à tout le monde…

Les EHPAD, nos aînés et la différence des générations, en voilà un beau sujet, qui de surcroît a tendance à titiller la curiosité lorsqu’on sait que ce sont Andréa Bescond et Eric Métayer, les faiseurs des « … chatouilles« , qui sont derrière (et accessoirement aussi devant) la caméra.

Le cinéma français a tendance à se faire social. Il aime explorer des sujets de société et bien souvent, il se dit qu’un sujet fait un film, et malheureusement, ce n’est pas vrai, et bien des films qui sont sortis par le passé n’ont pas été à la hauteur, et ils ont même fini par agacer une grande partie du public français qui part du principe que si c’est français, ce n’est pas intéressant. Ça a été comme ça pendant un petit bout de temps, mais depuis le milieu des années 2010, on voit arriver toute une génération de cinéastes qui ont une sacrée envie de cinéma et qui ont aussi l’envie de s’emparer de sujets sociaux autrement, et clairement, Andréa Bescond et Eric Métayer font partie de ces auteurs.

«  »Quand tu seras grand » se pose comme une magnifique radiographie d’un lieu que l’on connaît tous, mais que l’on connaît mal. »

Pour « Quand tu seras grand« , les deux cinéastes ont posé leur caméra dans une maison de retraite pour y filmer ce lieu et les gens qui le peuplent au plus près. Film forcément engagé, qui aborde tout un tas de sujets importants, comme l’équipe médicale, le bien-être des patients, les problèmes de sous-effectif, le manque moyen, la solitude de certaines personnages âgés qui reçoivent peu de visite, la sexualité chez les personnages âgées, ou encore l’implication émotionnelle que ce métier apporte, « Quand tu seras grand » se pose comme une magnifique radiographie d’un lieu que l’on connaît tous, mais que l’on connaît mal finalement.

Ainsi, avec leur caméra, Bescond et Métayer passent d’un personnage à l’autre, mettent en exergue tel ou tel sujet et manipulent les émotions pour que jamais leur film ne tombe dans le misérabilisme ou le tire larme. Car oui, à chaque fois que cela pourrait arriver, les deux metteurs en scène rebondissent sur quelque chose de plus léger et de plus drôle. Ils avaient déjà employé cette méthode sur « Les chatouilles« , et force est de constater qu’en recommençant ici, ils confirment superbement le fait que c’est la bonne recette. Avec ce mélange de genre, ils composent un cinéma aussi humain que vrai et spontané à la fois, et nous font passer du rire aux larmes en permanence, et parfois même au sein d’une même séquence.

« Bescond et Métayer proposent beaucoup d’idées de mise en scène. »

Toujours dans leur scénario, Bescond et Métayer ont aussi l’idée de faire s’entrechoquer, ou plutôt de faire s’entraider, les générations, avec l’histoire de cette école en manque de cantine. Ainsi, avec cette tribu de gamins qui arrivent en EHPAD, les deux réalisateurs peuvent aborder d’autres sujets, comme la transmission, le bonheur d’une visite face à la solitude et le retour d’une certaine joie de vivre, le bruit des enfants, ou encore l’intelligence et la transparence des enfants qui comprennent bien des choses. Et si cela n’est pas le cas pour tous les personnages, cet aparté fait du bien, et redonne de la vie au sein d’un établissement qui est bien souvent géré, bon gré mal gré, dans son administration par les coupes et les budgets.

« Quand tu seras grand« , dans sa mise en scène, est un film choral, où l’on trouve donc énormément de personnages et ce qui est terrible, c’est l’assurance des deux metteurs en scène qui passent d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’aisance. Parfois, au sein de plans-séquence magnifiques et immersifs, on débute avec un personnage, puis d’un coup, on passe à un autre, puis un autre et encore un autre, c’est assez fou, d’autant plus que dans la façon de faire, c’est pertinent, et ça raconte toujours quelque chose d’intéressant. Comme pour leur précédent film, Bescond et Métayer proposent beaucoup d’idées de mise en scène, de montage, et choix dans les musiques qui accompagnent l’intrigue, puis bien sûr, on retrouve aussi cet amour pour la danse.

«  »Quand tu seras grand » nous offre un casting plein d’humanité, qui résonne plus vrai que nature. »

Enfin, mélange des acteurs de cinéma avec des acteurs de théâtre, « Quand tu seras grand » nous offre un casting plein d’humanité, qui résonne plus vrai que nature. On pourrait citer un grand Vincent Macaigne, ainsi qu’une excellente Aïssa Maïga, ou encore Marie Gillain (qui décidément commence très bien son année de cinéma), mais ce film, c’est surtout des rôles en second plan qui bouleversent et bousculent, comme les magnifiques Évelyne Istria et Christian Sinniger qui forment un couple de résidents et les deux acteurs nous collent des larmes dès qu’on les voit. Puis le film explore une belle relation entre un vieil homme au crépuscule de sa vie, et un jeune garçon qui lui est à l’aube de la sienne. Jeune garçon interprété avec brio par Kristen Billon.

En 2018, « Les chatouilles » se posait comme une grande claque, et le film présentait deux cinéastes qui avaient envie de cinéma et des choses à dire, cinq ans après, ils récidivent avec « Quand tu seras grand » en s’emparant du thème des EHPAD et ils livrent des moments de cinéma prenants, passionnants, riches et encore une fois bouleversants. On attend le suivant avec une grande impatience !

Note : 16,5/20

Par Cinéted

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