Avis :
Formé à la fin des années 70, il n’y a pas de groupe français de Hard plus emblématique que Trust. Connaissant la gloire en 1980 grâce à son morceau Antisocial, les parisiens ne vont quasiment jamais lâcher la scène, si ce n’est pour trois ruptures qui reviendront vite à des reformations avec d’autres membres entourant Bernie Bonvoisin et Norbert Krief, les deux indéboulonnables de la bande. Fils de Lutte est le onzième album studio du groupe, et il possède deux particularités quant au précédent effort sorti un an auparavant. Déjà, c’est le premier album de Trust où tous les membres sont les mêmes que sur l’effort précédent. Mais c’est aussi un skeud qui a été enregistré dans les conditions du live et qui a ensuite été mixé en studio. Une belle intention qui permet de ne pas mentir sur les qualités techniques du groupe. Mais est-ce suffisant ?
Car c’est bien la question que l’on peut se poser après plusieurs écoutes de cet album qui tient de grosses promesses en son sein, notamment avec ce titre. Car d’un côté, il laisse espérer des paroles virulentes, comme à chaque fois avec le groupe, mais aussi une sorte d’énergie libératrice, comme si Trust allait sortir les chars d’assaut pour mieux nous percuter. Et on était en droit d’en attendre beaucoup d’une formation qui a fait des scènes avec Anthrax, AC/DC ou encore Iron Maiden. Malheureusement pour nous, si l’album n’est pas mauvais (loin de là), il reste terriblement lisse et sans réel moment d’éclat. Cela commence directement avec Portez vos Croix, qui est un morceau sympathique, mais qui manque cruellement de verve et d’énergie. Les relents bluesy sont présents, mais globalement, on ne va pas hocher la tête de suite. Et ce constat, on va le faire sur tout l’album.
En fait, si les paroles sont souvent intéressantes et balancent pas mal sur notre société et la façon de voir le monde, Trust n’arrive pas vraiment à nous prendre aux tripes, comme il a pu le faire avec son titre phare des années 80. Ici, Amer Saheb (Massoud l’Afghan) tient un discours grave et important sur un homme, mais pour autant, on ne saura ni révolter ni touché par le parcours de ce personnage. J’ai Cessé de Compter n’arrive pas non plus à nous faire bouger alors qu’il aurait pu nous faire vibrer. Quant à Tendances, on a l’impression de tomber dans un mauvais Johnny Hallyday, avec son riff de gratte si peu percutant et ses paroles d’un ennui profond. D’ailleurs, c’est l’un des rares titres portés par des rimes pauvres qui peuvent faire bondir tant elles sont nulles. Mais ce n’est pas le seul problème.
En effet, les conditions du live sont parfaites pour mettre en avant les qualités techniques de Norbert Krief qui assure comme un roi à la guitare. Le skeud contient de nombreux solos plaisants et des moments qui démontrent tout le talent du musicien. On peut noter le très AC/DC Les Murs Finiront par Tomber, ou encore Y’a pas le Feu mais Faut Brûler, qui démarre de façon pénible, mais qui va très vite aller vers quelque chose de plus nerveux et agréable. Mais ces conditions d’enregistrement vont avoir aussi un mauvais effet, notamment sur la voix de Bernie Bonvoisin, où parfois, on ne comprend pas ce qu’il chante. Et pourtant, c’est en français dans le texte ! Il faut donc faire appel aux paroles pour mieux comprendre certains refrains. En soi, ce n’est pas si grave, mais on aurait aimé un peu plus de clarté pour le sens.
On peut aussi noter quelques titres un peu en deçà du reste, à l’image de C’n’est pas ma Faute qui baigne dans un mid-tempo insupportable, et qui ne va jamais aller vers quelque chose de plus piquant, de plus puissant. En plus, le morceau est long… Fort heureusement, d’autres pistes viendront sauver cet album, comme Delenda, qui vient clôturer l’effort de la plus belle des façons. On retrouve dans la mélodie un aspect très Rock/Blues américain qui permet de mettre en avant de jolies paroles et donc de mieux nous toucher. C’est dommage que tout l’album ne soit pas de cet acabit. On peut aussi citer On va Prendre Cher qui s’avère plutôt plaisant avec un refrain qui reste bien en tête. Ou encore Miss Univers, qui lorgne vers la petite farce où Macron en prend pour son grade, et c’est assez jouissif.
Au final, Fils de Lutte, le onzième album de Trust, est assez plaisant dans son ensemble, même s’il manque un peu de nervosité et d’originalité. Certains morceaux suivent la même structure avec des chœurs féminins pour appuyer certains refrains, et on a tendance à vite en faire le tour, mais globalement, on prend du plaisir à l’écoute et entre la voix de Bernie, toujours aussi nasillarde, et le talent de Norbert, on reste dans une zone de confort qui, de temps en temps, fait du bien.
- Portez vos Croix
- Les Murs Finiront par Tomber
- Amer Saheb (Massoud l’Afghan)
- J’ai Cessé de Compter
- Miss Univers
- Tendances
- Le Soleil Brille Pour Tous
- Y’a pas le Feu mais Faut Brûler
- On va Prendre Cher
- C’n’est pas ma Faute
- Ce n’est pas la Corée du Nord
- Delenda
Note : 14/20
Par AqME