avril 20, 2024

Hostile

De : Mathieu Turi

Avec Brittany Ashworth, Grégory Fitoussi, Javier Botet, Mohamed Aroussi

Année : 2018

Pays : France, Belgique

Genre : Horreur

Résumé :

Dans un monde en ruine après une catastrophe inconnue, l’espèce humaine tente de se reconstruire. Les survivants ne sortent que la journée car la nuit venue d’étranges créatures sortent pour chasser. Juliette est la seule à oser s’aventurer près des villes. Un jour, sur le chemin du retour, elle perd le contrôle de sa voiture. Lorsqu’elle reprend connaissance, elle est blessée, coincée dans son véhicule, et… IL FAIT NUIT.

Avis :

Faire un premier film est toujours compliqué. Il faut trouver des producteurs qui ont confiance en vous, et pour cela, il faut un certain bagage dans le milieu. Et c’est d’autant plus vrai lorsque l’on veut faire un film d’horreur en France. C’est pourtant le choix qu’a fait Mathieu Turi avec Hostile, jouant sur la survie dans un monde post-apocalyptique. Le jeune homme commence sa carrière à la fin des années 2000 où il va être assistant-réalisateur pour Quentin Tarantino ou encore Clint Eastwood et Guy Ritchie. En parallèle de ça, il va commencer à faire des courts-métrages, avant d’attaquer son premier vrai long. Forcément, avec de tels noms dans sur son CV, il était presque évident que des producteurs filent un peu de thune à Mathieu Turi pour son premier film, et c’est ainsi qu’Hostile voit le jour, bénéficiant même d’une sortie en salle.

L’histoire se déroule donc dans un futur dystopique où l’on va suivre Juliette, une jeune femme qui part à la recherche de vivres pour sa communauté. A travers sa route, on apprend l’existence de créatures cannibales, mais aussi d’humains complètement tarés qui se nourrissent de tout ce qu’ils trouvent. Alors qu’elle trouve de quoi nourrir du monde au détour d’une caravane où elle explose une vilaine bête, elle a un accident et se retrouve piégée dans sa voiture retournée, avec une jambe cassée. Et comble de la joie, une créature rode autour du véhicule et semble bien décidée à la boulotter. Voilà le pitch relativement simpliste d’Hostile, qui joue vraiment à l’économie. Sorte de huis-clos étouffant au milieu de nulle part, l’histoire ne va pas chercher plus loin que le survival de base avec quelques infos sur le monde futuriste dans lequel vit Juliette.

« L’écriture peut paraître bateau, mais cette simplicité donne finalement du poids et de la crédibilité au personnage. »

Mathieu Turi le sait, il a un petit budget, et s’il veut se faire remarquer, il faut qu’il allie deux choses essentielles, une tension quasi-permanente et un personnage central fort qui possède un bon background. De ce fait, il va alterner son récit sur deux temporalités, le passé de la jeune femme et son présent où elle doit perpétuellement lutter pour survivre. Les phases dans le passé vont permettre alors d’étoffer ce personnage, de le rendre plus empathique, mais aussi plus fort. En effet, le réalisateur va peindre un portrait rude d’une jeune femme en perdition, camée jusqu’à la moelle, et qui va trouver l’amour avec un riche artiste, lui permettant de sortir d’un cercle autodestructeur. L’écriture peut paraître bateau, mais cette simplicité donne finalement du poids et de la crédibilité au personnage qui sait ce que c’est que de se battre pour vivre.

Si la narration est aussi très téléphonée, avec une alternance redondante entre passé et présent, elle est aussi intelligente dans le sens où il y a toujours une corrélation entre ce qui lui arrive dans cette carcasse de bagnole et lors de son passé, un peu pathos et fragile. Il y a constamment un écho, un thème identique, entre sa vie passée et ce qui lui arrive dans le présent, lui donnant alors de la ressource pour tenir et se débarrasser de la vilaine bêbête. C’est assez malin et plutôt bien écrit. Si l’on excepte une fin qui se veut romantique et tragique, mais qui demeure totalement improbable et manque de tact dans son accomplissement. C’est d’ailleurs dommage que le réalisateur ait eu envie de rajouter ce moment d’émotion qui fleure un peu trop le passage obligé, ou le côté mélo que le film n’avait pas besoin.

« Tout repose sur la prestation intéressante de Brittany Ashworth, qui donne de l’épaisseur à son personnage. »

Néanmoins, malgré cela, Mathieu Turi tient bien sa barque et n’ennuie jamais son spectateur. Cela est dû à plusieurs choses, dont la narration non linéaire, mais aussi et surtout à travers une réalisation maîtrisée et inspirée. Il y a un gros travail d’effectué sur la photographie, qui est sublime, rendant cette Terre aride. Les aplats de jaune permettent de ressentir la chaleur et l’aridité du monde. De plus, certaines phases sont bien fichues, à l’image de ce moment où l’héroïne bute une bestiole dans une caravane. Jouant à l’économie, le cinéaste tourne autour de la caravane afin de filmer l’action, nous laissant imaginer, en un plan-séquence, ce qui déroule à l’intérieur. C’est très bien fait, en plus d’être malin sans en faire des caisses. Si on tourne un peu en rond dans la voiture, il y a tout de même une volonté de créer de l’angoisse à chaque instant.

Bien évidemment, certains moments sont un peu grossiers et attendus, comme le fait de créer la surprise derrière le personnage principal, mais tout cela reste bien mis en scène, et le metteur en scène n’en fait pas des caisses. De plus, on aura droit à une paire d’effets gores qui sont placés avec parcimonie et qui fonctionne assez bien, montrant notamment la puissance de la créature. Quant aux acteurs, tout repose sur la prestation intéressante de Brittany Ashworth, qui donne de l’épaisseur à son personnage, la rendant de plus en plus forte au fur et à mesure des minutes. Grégory Fitoussi ne se force pas trop pour jouer le beau gosse sauveur de service, mais il assure aussi. Enfin, difficile de passer à côté de Javier Botet qui prête sa silhouette longiligne au monstre, offrant une créature vivace et assez dégueulasse dans son design.

Au final, Hostile est un bon film d’horreur, doublé d’un très bon premier film pour Mathieu Turi. Si on retrouve quelques scories propres à ce genre d’essai, il faut reconnaître le talent du jeune cinéaste qui délivre un film certes imparfait, notamment sur sa fin, mais qui maîtrise bien sa tension et offre une femme forte au background travaillé et intéressant. Bref, un premier film prometteur qui donne immédiatement envie de voir le futur travail de ce jeune réalisateur talentueux.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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