avril 20, 2024

La Tour – Terreur au 34ème Etage

De : Guillaume Nicloux

Avec Angèle Mac, Hatik, Ahmed Abdel Laoui, Kylian Larmonie

Année : 2023

Pays : France

Genre : Drame, Fantastique, Horreur

Résumé :

Au cœur d’une cité, les habitants d’une tour se réveillent un matin et découvrent que leur immeuble est enveloppé d’un brouillard opaque, obstruant portes et fenêtres – une étrange matière noire qui dévore tout ce qui tente de la traverser. Pris au piège, les résidents tentent de s’organiser, mais pour assurer leur survie ils succombent peu à peu à leurs instincts les plus primitifs, jusqu’à sombrer dans l’horreur…

Avis :

Dans le cinéma français, Guillaume Nicloux fait bien souvent office d’ovni. Cela fait plus de trente ans maintenant que le metteur en scène français bouscule notre cinéma avec ses films qui bien souvent résonnent comme des expériences. Il faut dire que son cinéma est très souvent sombre, très souvent étrange, voire même mystique, et au-delà de ça, Guillaume Nicloux fait preuve d’audace, prenant des risques pour ne jamais proposer la même chose, même au sein de sa filmographie, où on retrouve pourtant des thèmes récurrents et des obsessions.

Ayant bouclé sa trilogie de la mort, et avant de boucler celle autour de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux s’engouffre dans le cinéma de genre avec « La tour« . Présenté au Festival de Deauville en avant-première mondiale, « La tour » est un film radical qui, d’ores et déjà, on le sait, va franchement diviser, tant l’expérience est sombre, étouffante, angoissante, et au-delà de ça, pessimiste. Partant d’une idée très intéressante, « La tour » se pose alors comme un reflet de l’humanité et sur la bêtise de l’homme qui ne sait qu’entrer en conflit au lieu de s’écouter et s’entraider. Bref, pour ma part, l’expérience fut intense !

« On comprend que le but ici ne sera pas de survivre à ce noir, mais bien de survivre à l’intérieur de cette tour. »

Un matin comme un autre, les habitants d’une tour en plein milieu d’une cité, découvre que le monde au-delà des murs de la tour n’existe plus. L’extérieur n’est que noir, et fait d’une étrange matière qui élimine tout ce qui pourrait la traverser. Très vite, les habitants vont s’organiser pour faire face à cette étrangeté, et très vite, des clans se forment et la survie devient alors l’unique but…

Quatre ans après s’être déjà incrusté dans la science-fiction avec sa série « Il était une seconde fois« , Guillaume Nicloux s’apprête à faire son retour au cinéma avec un film mystère. Un film conceptuel, qui veut que des habitants se retrouvent piégés dans une tour de neuf étages, sans pouvoir mettre ne serait-ce qu’un pied dehors.

Très surprenant, avec « La tour« , je pensais m’aventurer dans un film horrifique, où la peur du noir serait omniprésente. Forcément avec un manteau noir qui enveloppe cette tour et le monde, on pouvait aisément penser que le film irait explorer ça, un peu comme « The Mist » de Darabont, qui explore son brouillard, mais il n’en sera rien, car avec cette histoire, Guillaume Nicloux regarde ailleurs, à l’intérieur de cette tour, pour s’arrêter sur ses habitants et la façon qu’ils vont avoir de faire face à cet événement. Très vite, on comprend que le but ici ne sera pas de survivre à ce noir, mais bien de survivre à l’intérieur de cette tour, face aux différents clans qui se constituent.

« Le scénario est précis, et surtout horrible, dans ce qu’il imagine pour survivre au sein de ce huis clos. »

Avec ces clans, Guillaume Nicloux analyse alors l’être humain, et pour la symbolique, on pourrait même dire qu’il analyse l’humanité à travers les neufs étages de l’immeuble et toutes les familles qui y habitent. Difficile, sombre, acerbe, Guillaume Nicloux va petit à petit, au fil des mois, dresser un portrait très peu flatteur de l’être humain. Ici, l’homme n’apprend jamais de ses erreurs et il cherche toujours le conflit, trouvant refuge dans la violence et la religion. Le scénario est précis, et surtout horrible, dans ce qu’il imagine pour survivre au sein de ce huis clos à durée indéterminée pour les personnages. On pourrait presque dire que peu à peu, l’humanité s’en va de cette tour, pour ne laisser place qu’au bestial, comme si la civilisation, finalement, ne tenait à rien.

Puis comme souvent chez Nicloux, le réalisateur ne nous livre pas toutes les solutions. Il y a donc dans cette « … tour« , une part de mystère qui réside, ce qui amène à des réflexions, des déductions et plus largement le film nous invite à jouer avec notre imaginaire, ce qui n’est pas plus mal. Guillaume Nicloux n’aime pas donner toutes ses clefs, et ce film-là en est encore un bel exemple, d’où aussi le fait qu’il va franchement diviser. Toujours dans ce scénario, « La tour » tient aussi, au travers de décisions, de confrontations et de conséquences, des idées et des scènes très fortes, pour ne pas dire intenses, et il est certain qu’on ressort avec des scènes en tête, et ça, qu’on ait aimé ou non.

« Guillaume Nicloux filme très souvent en plan-séquence, ce qui accentue le sentiment d’étouffement. »

Cette intensité est aussi amenée par la réalisation de Guillaume Nicloux, qui livre là son film le plus sombre, le plus violent et le plus radical. Il est même parfois difficile à regarder, tant certaines scènes, pour survivre, débordent d’horreur. « La tour » est un film étouffant, dont l’asphyxie ne va faire que croître au fur et à mesure. Huis clos sur étages, Guillaume Nicloux filme très souvent en plan-séquence, ce qui accentue le sentiment d’étouffement, et derrière ça, ça apporte une forte tension, comme si à n’importe quel moment, l’intrigue pourrait déraper et n’importe quel personnage pourrait y passer (et bien souvent, c’est ce qu’il se passe).

Cette « … tour » tient aussi ses fulgurances, avec ces instants qui vont marquer pour un sacré bout de temps. Puis pour accentuer encore un peu plus le malaise qui se créé, le film est accompagné par un travail sur le son assez extraordinaire, avec toujours quelque chose à écouter (des cris dans les étages, des gens qui frappent aux portes, un silence bien trop présent…). Et que dire de la BO qui complète parfaitement le son… Bref, ce Nicloux là fera date dans sa filmographie, comme si le réalisateur passait un cap, et après ce film, je suis encore plus curieux de voir où Guillaume Nicloux va aller.

« Ce quatorzième film pour Guillaume Nicloux est une expérience aussi originale que déroutante. »

Enfin cette « … tour » est peuplée au départ de cent-cinquante habitants et Guillaume Nicloux, pour faire vivre et surtout faire s’affronter ses habitants, a dû réunir un large casting, et lui, qui d’ordinaire est habitué aux acteurs connus, fait le choix ici de comédiens bien moins connus, pour ne pas dire anonymes pour beaucoup d’entre eux. Avec cette idée, on découvre pas mal de nouveaux visages, ce qui est très bien, et derrière ça, tous sont excellents et ensemble, ils fonctionnent très bien. Même les plus horribles des personnages sont intéressants et presque (j’ai bien dit presque) attachants.

Ce quatorzième film pour Guillaume Nicloux est une expérience aussi originale que déroutante, mystérieuse, puissante et pour ma part passionnante. Film sombre et pessimiste. Film d’horreur où l’homme n’apprend jamais rien. Film à l’imagerie puissante, qui installe une pression et un malaise qui ne vont faire que croître. Franchement, Guillaume Nicloux frappe fort avec ce huis clos très étonnant qui ose s’aventurer là où on ne pouvait l’imager. La proposition est radicale, et comme je le disais, le film va trancher, tant on y adhère ou pas, (et je pense qu’il n’y a pas de juste-milieu possible) mais au-delà de ça, voir un film pareil, avec de telles idées et une telle ambiance, au sein du cinéma français, on ne peut que soutenir !

Note : 16/20

Par Cinéted

4 réflexions sur « La Tour – Terreur au 34ème Etage »

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