avril 24, 2024

Plus que Jamais

De : Emily Atef

Avec Vicky Krieps, Gaspard Ulliel, Bjorn Floberg, Sophie Langevin

Année : 2022

Pays : France, Allemagne, Luxembourg, Norvège

Genre : Drame

Résumé :

Hélène et Mathieu sont heureux ensemble depuis de nombreuses années. Le lien qui les unit est profond. Confrontée à une décision existentielle, Hélène part seule en Norvège pour chercher la paix et éprouver la force de leur amour.

Avis :

Réalisatrice franco-allemande-iranienne, Emily Atef est une cinéaste très prolifique. Débutant comme comédienne à Londres, très vite, elle se rend compte que c’est la réalisation qui l’intéresse le plus, alors pour cela, elle retourne à Berlin où elle va étudier à l’Académie allemande du film et de la télévision. Sortie diplômée au début des années 2000, elle tourne son premier long-métrage de cinéma en 2005, « Molly’s Way« . Par la suite, elle va enchaîner les tournages, passant aussi bien du grand au petit écran. Que ce soit pour ses métrages de cinéma ou ses téléfilms, la réalisatrice se construit une bien belle réputation, et derrière les succès critiques et publics, plusieurs de ses œuvres vont recevoir des prix à travers le monde.

Après « Le fils perdu » en 2019, film qui aborde un fils qui rejoint l’état islamique, Emily Atef nous revient cette année avec « Plus que jamais« , un drame plein lumière et tout en réflexion autour de la maladie, de la mort, de l’égoïsme, ou encore du couple. Magnifiquement tenu par Vicky Krieps et Gaspard Ulliel, dont c’est l’ultime rôle, « Plus que jamais » est un film vibrant et plein de vie, alors même qu’il ne fait que parler du départ d’une femme beaucoup trop jeune pour mourir. On en ressort ému, avec même un petit quelque chose en plus, car avec ce très beau rôle, le film d’Emily Atef, en plus de beaucoup nous toucher, nous permet aussi, à nous, public, de faire un superbe au revoir à Gaspard Ulliel.

« Avec « Plus que jamais« , Emily Atef parle de ce moment terrible et ô combien difficile qui est de renoncer à se soigner. »

Hélène n’a pas encore quarante ans et elle est mourante, atteinte d’une maladie rare qui touche ses poumons. La maladie dont souffre la jeune femme ne se soigne pas, ou du moins, elle peut se soigner avec une greffe de deux nouveaux poumons. Hélène, qui est mariée à Mathieu, ne sait pas vraiment si elle se sent capable d’être opérée et d’espérer un avenir, et ça malgré tout l’amour que lui porte son mari. En tout cas, dans cette période si particulière de sa vie, Hélène sait une chose, c’est qu’elle a envie de se retrouver seule, pour faire le point avec elle-même. Alors pour cela, elle s’organise un voyage en Norvège dans une ville perdue loin de tout, en bordure de fjords.

Et d’un sixième film pour Emily Atef, qui revient avec un film sur le deuil. Un deuil, mais pas forcément celui qu’on croit, ou du moins celui dont on a l’habitude de voir. Avec « Plus que jamais« , Emily Atef parle de ce moment terrible et ô combien difficile qui est de renoncer à se soigner. La maladie est là, et elle laisse très peu de chance et d’espoir, alors que faire du temps qui reste ? Il faut faire des choix infaisables tant qu’on n’y est pas confronté. Comment gérer toute la charge émotionnelle que cela implique ? Puis derrière ça, la réalisatrice parle beaucoup de l’égoïsme. L’égoïsme de rester en vie, ou de choisir de partir, l’égoïsme de soi, mais aussi des autres, le fait de vouloir se soigner ou de renoncer à se soigner. Des choix importants, difficiles, bouleversants, et surtout qui n’appartiennent qu’à soi-même.

« Il y a quelque chose de très respectueux dans ce que raconte la réalisatrice. »

Jusqu’où va l’égoïsme ? Et quand est-on égoïste ? Est-ce que l’égoïsme des uns s’arrête quand commence celui des autres ? Bref, autant de questions et de thèmes qu’Emily Atef sonde avec respect, beauté, et un savoureux touché de claire/obscur et de luminosité que j’aurais presque envie de qualifier de crépusculaire. En un tout petit peu plus de deux ans, la réalisatrice nous offre un film qui bouscule, qui se fait universel, et dans lequel on peut se retrouver dans chacun des rôles, car face à la maladie, comment peut-on réagir ? Qu’on soit malade ou pas, jusqu’où vont tenir nos certitudes ? Bref, autant de questions (et plus encore) qui sont posées et rendent le film superbe.

Et cette beauté, ainsi que cette luminosité toute en nuances, on la retrouve aussi dans la mise en scène d’Emily Atef. Il y a quelque chose de très respectueux dans ce que raconte la réalisatrice. La cinéaste est au plus près, au plus intime, des remises en question et des choix de son personnage, et en même temps, elle arrive à garder une certaine distance, qui fait que jamais son film ne va tomber dans le piège du pathos, du tire larmes ou de l’émotion facile. Non, ici, plus le film se fait touchant, plus l’émotion naît sans y être forcée. Parfois, on sera même surpris d’être aussi touché par un plan silencieux, ou encore des larmes retenues, et une silhouette qui s’en va et disparaît au loin. Parfois, des sourires et des moments compliqués vont être aussi touchants que beaucoup des remises en question des personnages. Bref, Emily Atef arrive à capturer des émotions rares, et derrière ça, une discrète humanité qui finit par se faire bouleversante.

À noter aussi que le film est d’un dépaysement et d’une évasion grandiose, lorsqu’Emily Atef pose sa caméra en Norvège, dans les fjords, pour cette magnifique et triste retraite, ce dernier voyage qui fait beaucoup de bien, alors même qu’on se trouve au crépuscule d’une vie.

« L’acteur est renversant dans un rôle complexe, difficile, plein d’abnégation et d’espoirs déchirés. »

Si le film est aussi touchant et réussi, c’est grâce à ses trois acteurs principaux. Trois acteurs pleins de lumière, tout en retenu et qui dégagent énormément d’émotions. Vicky Krieps en jeune femme bien trop jeune pour mourir est superbe de bout en bout de film. L’actrice transmet beaucoup de ses doutes, ses peurs, ses remises en question, ou encore la difficulté des choix qui s’offrent tragiquement à elle. En face d’elle, et pour l’accompagner, il y a Gaspard Ulliel qui incarne son mari. L’acteur est renversant dans un rôle complexe, difficile, plein d’abnégation et d’espoirs déchirés. La maladie et les choix de son épouse l’affectent et ces choix à lui sont tout aussi bouleversants que ceux qui s’imposent au personnage d’Hélène. Ce rôle, ce regard, cette justesse, ces thématiques, ce soutien, et cette beauté (il a rarement été aussi beau et filmé comme cela) concluent magnifiquement la carrière de Gaspard Ulliel.

Puis il ne faudrait pas oublier le troisième visage de ce film, le norvégien Bjorn Floberg, qui tient un rôle d’écoute et de confidence, et qui se trouve être d’une grande justesse. Ne prenant jamais parti, il pose un regard magnifique, et dans une certaine mesure, le personnage se fait aussi très touchant.

Ainsi, le nouveau film d’Emily Atef est sublime. « Plus que jamais » est une profonde et bouleversante réflexion sur la fin de vie, sur les choix, les doutes, les peurs et on y revient, sur l’égoïsme. Bercé dans de superbes paysages, et tenu par des acteurs renversants, « Plus que jamais » m’a énormément touché, et je suis ressorti de la salle de cinéma avec ces personnages en tête, ces doutes, ces choix et plus largement toute cette vie qui habite les personnages, et qui se fait communicative. Bref, ce fut beau, très, très beau.

Note : 16/20

Par Cinéted

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