septembre 26, 2025

Incubus – Le Démon est une Femme

De : Leslie Stevens

Avec William Shatner, Milos Milos, Allyson Ames, Robert Fortier

Année : 1966

Pays : Etats-Unis

Genre : Horreur

Résumé :

Les démons prennent l’apparence de jolies jeunes femmes pour tuer des hommes. Un jour, l’une d’entre elles tombe amoureuse d’un soldat. Sa sœur aînée, démon elle-aussi, voit cette relation d’un très mauvais œil…

Avis :

Dans le milieu cinématographique, la réputation de certains films les précède. Cela tient, entre autres, à une genèse et une production chaotiques, à des évènements impromptus qui surviennent en cours de tournage, au parcours de sa distribution ou à des décès et autres drames intrigants. Le fait qu’un métrage soit considéré comme perdu contribue à entretenir son caractère légendaire. On songe à de nombreuses productions de la période expressionniste, comme Londres après minuit. Bien que les circonstances soient différentes, notamment en termes de conditions de conservation, le cinéma parlant n’est pas en reste. Preuve en est avec Incubus, un projet singulier qui interpelle à bien des égards.

À commencer par le choix de l’espéranto pour tourner ledit film. D’un point de vue commercial, cela revient à se tirer une balle dans le pied, restreignant le public auquel il s’adresse. Cela sans compter sur la frilosité des distributeurs pour promouvoir un tel projet dans son pays d’origine, comme à l’étranger, a fortiori lorsque le réalisateur interdit tout doublage. Sous le prisme du choix artistique, cela renforce toutefois la dimension ésotérique de l’histoire. Impression qui ne pâtit guère des approximations de prononciation, n’en déplaise aux spécialistes qui avaient fustigé le film sur ce point, dès sa sortie. Sur ce seul postulat, Incubus préserve une part de mystères et de curiosité.

« l’intrigue s’inscrit dans le registre du folk horror »

Quant à l’intrigue, elle s’inscrit dans le registre du folk horror, faisant écho à la singularité même de l’atmosphère qui émane de ces contrées luxuriantes. Il est aisé de songer à un style semblable à The Wicker Man, où la luminosité éclatante vient contraster avec les intentions ténébreuses des antagonistes. Bien qu’ils arborent un visage humain, ces derniers se révèlent des envoyés du diable. Si l’on a l’impression de se confronter aux adeptes d’un culte païen, il s’agit bel et bien de démons. Toute la nuance dans la caractérisation réside dans le personnage de Kia, incarnée par Allyson Ames, dont les atermoiements entre ses ambitions initiales et ses sentiments interpellent.

Certes, il est aisé de distinguer une opposition évidente entre les forces du bien et du mal. Cependant, les frontières ont tendance à se flouer lorsqu’on appréhende la relation cahoteuse entre les deux protagonistes. Pour autant, cet aspect n’est pas sans écueil. L’attirance est presque immédiate au premier coup d’œil. Si l’on ne parle pas de coup de foudre, on prétexte un lien qui outrepasse toutes considérations pragmatiques. À l’aune de lignes de dialogues parfois maladroites ou alambiquées, le propos est un peu facile. Il constitue toutefois le point de mire d’une approche poétique qui fait peu de cas d’une progression classique. Cela peut s’expliquer par la brièveté du métrage, comme d’une propension à privilégier une prose allégorique à la cohérence narrative.

« On distingue néanmoins une tonalité faustienne évidente »

Ce constat s’illustre également par Arndis, dont la cécité soudaine ne semble guère l’inquiéter lorsqu’elle recouvre la vue, pas plus que la voix entêtante d’Amael, au cours de son errance. À plusieurs reprises, l’intrigue se perd en digressions, plus qu’elle ne progresse vers une direction précise. Dans le cas présent, cela rend l’ensemble d’autant plus insaisissable. Preuve en est avec les nombreuses interprétations qu’on peut lui prêter. On distingue néanmoins une tonalité faustienne évidente où la tentation s’immisce dans un cadre aux apparats idylliques. Le mysticisme ambiant renvoie à divers symboles religieux. En ce sens, il est aisé de déceler une réappropriation du mythe du jardin d’Eden. Qu’elles soient dissimulées ou explicites, de nombreuses allusions sont présentes.

Au final, Incubus constitue une curiosité cinématographique. Le film de Leslie Stevens interpelle par son atmosphère flamboyante, la clarté qui émane de cette fable lugubre. De prime abord, elle pourrait s’opposer à la mouvance sataniste que le récit insuffle, aux ténèbres du monde souterrain. Seulement, Lucifer n’est-il pas le porteur de lumière ? Toujours est-il que l’intrigue présente une tonalité onirique indéniable, sinon cauchemardesque. Son originalité réussit à occulter les errances narratives ou certaines facilités scénaristiques, promptes à atténuer la vraisemblance de certaines réactions ou de l’évolution de l’histoire. Il en ressort un métrage étrange qui s’impose au-delà même de son caractère maudit et des tragédies qu’ils traînent dans son sillage.

Note : 14/20

Par Dante

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