
De : Yorgos Lanthimos
Avec Emma Stone, Jesse Plemons, Aidan Delbis, Alicia Silverstone
Année : 2025
Pays : Angleterre, Corée du Sud
Genre : Comédie, Science-Fiction, Thriller
Résumé :
Deux jeunes hommes obsédés par les théories du complot kidnappent la PDG d’une grande entreprise, convaincus qu’elle est une extraterrestre déterminée à détruire la planète Terre.
Avis :
Yorgos Lanthimos est un réalisateur grec qui n’en finit plus de faire parler de lui. Depuis une dizaine d’années, il s’est imposé comme l’un des metteurs en scène les plus intéressants à suivre. « Bugonia » est un film de commande pour Yorgos Lanthimos, mais malgré cela, le réalisateur tient à faire ce dont il a envie. Il a alors imposé un contrôle créatif total, le choix des personnes qu’il voulait pour les postes importants et surtout, il a supervisé le montage final. C’est le deuxième film de commande de Yorgos Lanthimos après « La Favorite« .

Un peu plus d’un an après le décevant « Kinds of Kindness« , Yorgos Lanthimos est de retour dans les salles obscures, accompagné de sa muse Emma Stone, pour un film surprenant. Remake du film coréen « Save the Green Planet ! » de Jang Joon-hwan, « Bugonia » se pose comme l’un des films qui m’aura le plus fasciné en cette fin d’année. Partant sur la base d’un enlèvement sur fond de complotisme, « Bugonia » est un film qui construit parfaitement son intrigue et qui se tient jusqu’à son final, aussi absurde que terrible, passionnant et inattendu. Encore une fois, Yorgos Lanthimos bouscule les choses, et ça fait un bien fou.
« »Bugonia » est un objet assez dingue »
Michelle Fuller est la PDG d’une société pharmaceutique de renom. La jeune femme s’est bâtie une sacrée réputation. Un jour, en rentrant chez elle, elle se fait enlever par deux hommes persuadés qu’elle est une extraterrestre. Aucune demande de rançon. Rien. Si ce n’est une requête des plus étranges : la reddition du peuple extraterrestre présent sur notre planète…
Film au pitch totalement absurde, « Bugonia » est un objet assez dingue que Yorgos Lanthimos rend passionnant d’un bout à l’autre. Satire délirante sur notre époque, « Bugonia » est un film à la construction finalement assez simple, puisque la plus grande partie du récit se déroule dans une maison, où s’installe un rapport de force constant entre la victime et ses deux ravisseurs. Le scénario est impeccable et se tient parfaitement du début à la fin. Ce qui est fascinant, c’est la manière dont « Bugonia » se transforme au fil de son déroulé. Le début, quelque peu bavard, peut faire peur. Le premier quart d’heure, voire les vingt premières minutes, sont un peu longuettes. Le réalisateur nous propose de suivre deux pauvres types noyés sous leurs théories, préparant leur coup. On reste assez dubitatif, presque dans l’attente que le film démarre vraiment.
Mais une fois que « Bugonia » se libère et que la victime est enchaînée, un tournant s’opère, et le film passe alors à une vitesse folle. Car au-delà de cette idée de complotisme et de cette croyance absurde selon laquelle la victime serait une extraterrestre aux desseins flous pour l’humanité, « Bugonia » est finalement très simple dans ses grandes lignes. C’est un pur rapport de force, et tout l’enjeu repose sur la manière dont la victime va pouvoir s’en sortir. Mensonges, manipulations, trahisons, tensions, retournements de situation sont au programme de ce scénario millimétré à la perfection.
« il faut aussi s’arrêter sur Jesse Plemons, impeccable une fois encore »
L’intrigue est racontée avec une maîtrise impressionnante, et plus on se rapproche du final, plus le film multiplie les surprises. Le moindre détail est pensé, placé, exploité, et alors que tout semble évident, « Bugonia » parvient à surprendre. Et quand on parle de surprise, il faut bien comprendre que le film prend une tournure totalement inattendue, presque jouissive dans son audace.
À cela s’ajoute la réalisation sublime de Yorgos Lanthimos, qui transforme ce quasi huis clos en un moment de tension permanente, ne cessant de s’intensifier au fil des échanges, des confrontations et des manipulations psychologiques. On notera également la photographie absolument magnifique de Robbie Ryan, chef opérateur fidèle du réalisateur depuis « La Favorite« . Et puis il y a cette BO écrasante de Jerskin Fendrix, lui aussi complice régulier du metteur en scène. Le compositeur livre des nappes sonores terribles, parfois angoissantes, qui donnent une couleur incroyable à l’ensemble.
Enfin, dernier atout, et pas des moindres, Emma Stone, muse de Yorgos Lanthimos. Le réalisateur lui offre une nouvelle fois un rôle extrêmement fort, qu’elle maîtrise à la perfection, avec une ambiguïté absolument fascinante à suivre. Plusieurs de ses face-à-face avec Jesse Plemons sont d’une puissance remarquable. Et justement, il faut aussi s’arrêter sur Jesse Plemons, impeccable une fois encore, dans un rôle difficile, flippant, poisseux, et totalement passionnant. Même si d’autres comédiens gravitent autour d’eux, ce sont clairement ces deux-là qui crèvent l’écran et font toute la richesse de « Bugonia« .

Ainsi, au moment de faire les comptes, « Bugonia » se pose comme l’une des œuvres les plus réjouissantes et folles de cette fin d’année, et plus encore comme l’un des films les plus passionnants de Yorgos Lanthimos. C’est un film aussi terrible que barré dans son genre. Le scénario s’aventure sur des terrains passionnants, joue avec les obsessions et les dérives de notre époque pour composer l’un des kidnappings les plus absurdes que l’on ait vus ces dernières années. Et ça, c’est purement génial. Et, encore une fois, totalement inattendu.
Note : 20/20
Par Cinéted
