
Avis :
Dans la vie d’un groupe de métal, les directions artistiques peuvent changer, au risque de déplaire à certaines fans, ou encore à certains membres du groupe, qui décident alors de quitter le navire. Cependant, certaines formations prennent un malin plaisir à brouiller les pistes à chaque nouvelle sortie, embrassant alors des styles différents. C’est le cas des australiens de Thornhill, qui aiment tromper leur auditoire à chaque nouvel album. Après deux EP, le groupe sort en 2019 son premier album, The Dark Pool, et on sent une vibe très Metalcore, avec de gros riffs et quelques élans mélancoliques. Le succès est au rendez-vous, et c’est en 2022 que sort Heroine, leur deuxième opus, qui va surprendre les fans de la première heure. En effet, le groupe s’adoucit, et sort un skeud aux alors de Rock un peu nerveux, comme si Muse rencontrait Royal Blood.
Forcément, après un tel changement de direction artistique, il était compliqué de savoir vers où allait se diriger Thornhill pour son troisième effort. Et c’est alors que Bodies change encore de style. En embrassant pleinement le Nu-Métal, ou tout du moins une partie de ce genre, les australiens vont un peu singer les américains de chez Deftones. Pour autant, cet album est loin, très loin, d’être mauvais, et il arrive à nous toucher comme à nous faire headbanger plus d’une fois, signe d’une bonne vitalité. Et tout commence avec Diesel. Le morceau est assez court (à peine deux minutes) mais il agite les cordes de la basse dans tous les sens pour offrir un démarrage lourd et puissant. La suite suit un tempo relevé, et le chant un peu éthéré, avec beaucoup de reverb évoque bien évidemment Chino Moreno. A noter aussi des moments plus criés qui fonctionnent à merveille.
Cet effet qui évoque clairement Deftones, on va le retrouver en filigrane sur tout l’album. Revolver en est un exemple solide. On a droit à des riffs assez puissants qui s’accordent à deux types de chant différents. Un très doux, éthéré et aérien, et un autre plus crié, plus violent et percutant. Le groupe trouve un bel équilibre dans ce titre, qui fournit en prime un excellent refrain entêtant. Silver Swarm va aller vers quelque chose de plus complexe, et de moins « sauvage ». On y retrouvera des éléments presque Shoegaze dans les couplets, et de façon plus globale, le titre offre une ambiance très particulière. Ici, on notera aussi une batterie plus claire, qui ressortira vraiment du lot. Puis Only Ever You sonnera comme un morceau à la fois nerveux et touchant, mais auquel il manquera une vraie force, contrairement aux trois premiers titres.

Fall into the Wind sera alors un interlude qui permettra aux deux morceaux suivants d’avoir une puissance accrue. Tongues va alors tout fracasser en moins de trois minutes. La vibe Deftones du début est plus forte que jamais, mais c’est fait avec une vraie personnalité. Et on a vraiment envie de se casser la nuque sur ce morceau. Tout comme avec Nerv qui accentue ses envies Nu-Métal sur un riff de départ qui vient nous percuter de plein fouet avec un chant quasi rappé. C’est à la fois régressif et jouissif, avec un vrai talent de composition pour nous accrocher. Alors oui, c’est très référencé, mais ça marche vraiment bien. Et que dire du refrain, qui reste un long, très long, moment en tête. Obsession vient alors terminer une sainte trilogie au sein de cet album. Là aussi, le morceau est envoûtant et puissant, jouant constamment avec la frontière deftonienne.
En même temps, on retrouve tout ce qui fait la musique des américains, aussi bien dans les sonorités que dans l’ambiance recherchée. Crush sera l’ovni de l’album, la ballade inattendue qui lorgne fort sur un délire musique urbaine. Le titre fait très trip-hop, avec de nombreux arrangements studio, mais ça s’insère plutôt bien au sein de l’effort. Quand démarre Under the Knife, on sent que la colère revient, et que le groupe veut nous frapper encore un petit coup derrière la nuque. Il est juste dommage que le titre n’ait pas la même vibe que les autres morceaux, peut-être plus intéressant. Enfin, For Now clôture l’album de façon assez insignifiante. Le morceau n’est pas inintéressant, mais il manque clairement d’identité, de force et d’envie de nous secouer, aussi bien physiquement qu’émotionnellement. Et c’est bien dommage de finir comme ça, sans venir nous remettre un petit taquet derrière les oreilles.
Au final, Bodies, le dernier album de Thornhill, est un skeud relativement intéressant dans sa démarche, et dans ses références. Si la comparaison avec Deftones semble inévitable, les australiens s’en sortent assez brillement, notamment grâce à une identité assez marquée et des titres plutôt courts qui fonctionnent à merveille. En moins de quarante minutes, le groupe fournit une galette très plaisante, qui peut parfois tomber dans un certain manque d’originalité, mais qui retombe toujours sur ses pattes, et donne envie d’y retourner une nouvelle fois.
- Diesel
- Revolver
- Silver Swarm
- Only Ever You
- Fall into the Wind
- Tongues
- Nerv
- Obsession
- Crush
- Under the Knife
- For Now
Note : 16/20
Par AqME
