De : Jordan Galland
Avec Louisa Krause, Whitney Able, Zachary Booth, Lou Taylor Pucci
Année : 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Après avoir subi un exorcisme, Ava Dopkins essaie de vivre une vie normale. Ayant tout oublié du mois précédent, elle est obligée d’intégrer un groupe anonyme pour les personnes possédées. Elle tente de se rapprocher de ses amis, de retrouver un boulot mais surtout de savoir d’où viennent toutes ces tâches dans son appartement. La vie d’Ava a été volée par un démon. Maintenant, il est temps de la récupérer.
Avis :
Depuis les années 70 et l’avènement de L’Exorciste de William Friedkin, les films de possession ont toujours tendance à tourner en rond et à ne pas raconter grand-chose de neuf. Forcément, cinquante ans plus tard, quand arrive un nouveau film d’horreur s’appuyant sur la possession d’une jeune femme, on a tendance à serrer la mâchoire. Pour autant, Ava’s Possessions a bien des atouts pour lui pour contrebalancer cet état de fait. Outre un jeune réalisateur qui n’a rien à perdre, l’histoire en elle-même est intéressante puisqu’elle s’intéresse surtout à ce qui se passe après la possession, et comment une jeune femme peut reprendre sa vie en main, alors qu’elle a fait vivre un enfer à diverses personnes. Décalé, voire même très décalé, le film de Jordan Galland ne peut laisser indifférent, et il fait partie de ces films que l’on aime, ou que l’on rejette en bloc.
Le film débute de but en blanc avec un prêtre qui réalise un exorcise sur Ava. Devant sa sœur et ses parents, Ava retrouve ses esprits et se rend compte de l’état de son appartement. Accusée de plusieurs plaintes, elle rend visite à l’avocat de sa famille qui lui impose plus ou moins de suivre une thérapie pour anciens possédés afin d’éviter la prison. Là, elle va se rendre compte que de nombreuses personnes sont possédées, et que certaines d’entre elles s’en accommodent très bien. Dès le démarrage, Ava’s Possessions va nous demander de faire un effort pour laisser de côté un certain classicisme. Et sur toute sa longueur, il va falloir y voir un subtil mélange d’horreur, de comédie et une pointe de néo-noir qui arrivera sur la fin.
Il faut dire que le début du film est très étrange. Si on assiste à un exorcisme tout ce qu’il y a de plus simple, le portrait de la famille a tous les contours d’un dysfonctionnement caché. Entre la mère qui porte un cache-œil, le père qui a des griffures au cou où la sœur qui a une relation très bizarre avec son futur mari, le réalisateur brouille les pistes en mettant en avant des protagonistes bigarrés et sans autre forme de présentation. Pourquoi sont-ils comme ça ? On aura les réponses à la toute fin. Il faudra donc accepter cet état de fait pour avancer dans l’histoire. Une histoire qui va présenter des personnages hauts en couleurs, aussi bien chez les victimes d’Ava que chez ses partenaires des possédés anonymes. Là encore, le film ne fait pas dans la demi-mesure.
Entre le type qui organise les sessions pour soigner les anciens possédés qui ressemble à un biker de l’enfer, la nana nymphomane qui ne rêve que d’une chose, se faire re-posséder par son ancien démon, ou encore l’avocat et ami de la famille qui se branle un peu de tout, on a un patchwork de personnages qui ne rentrent pas forcément dans des cases, et qui peuvent nous faire sortir du film. Pour autant, ce petit monde va servir à deux choses : faire avancer l’enquête d’Ava pour savoir tout le mal qu’elle a pu faire en étant possédée, et montrer toutes les difficultés que peut rencontrer une femme, lorsqu’elle veut se reprendre en main. Et très clairement, c’est là que le film gagne à être connu, car il va tenir en son sein un message féministe important, et qui sort des sentiers battus du film de possession.
En effet, outre le fait de se plonger dans le quotidien d’une femme qui a fait d’énormes bêtises à son insu, on va surtout pouvoir y voir une vision très malsaine de notre société envers les femmes. On va vite se rendre compte qu’Ava, après son exorcisme, va se faire prendre pour une imbécile. A son boulot, on utilise son histoire pour faire un clip bankable. Dans la rue, on la rejette et on la frappe pour ce qu’elle a fait. Dans sa famille, elle est vue comme une brebis galeuse qui doit surtout vivre dans un hôpital. Et alors qu’Ava veut juste reprendre une vie normale, elle va se buter à des aléas injustes et pénibles. Sa vie devient alors un chemin de croix, qui semblait plus simple sous l’emprise de son démon.
Lorsqu’elle était « chienne », lorsqu’elle était violente, lorsqu’elle laissait sa timidité de côté, elle plaisait à plus de monde. Et on sent qu’Ava est sur un chemin tortueux, essayant de faire fi de son démon qui souhaite la reprendre, mais voyant aussi tous les possibles qui s’ouvrent à elle si elle se laisse posséder. Ce point de vue est intéressant et jette un regard glaçant sur la position de la femme dans notre société qui se veut moderne, mais qui baigne dans un patriarcat crapoteux. Le personnage d’Ezel, l’une des amies qu’Ava se fait dans le groupe, est symptomatique de ce point de vue, voulant à prix retrouver son démon pour vivre pleinement.
Le problème avec ce film, c’est qu’il possède un message important, nécessaire, mais que l’aspect un peu comique/burlesque ne lui sert pas vraiment. Si Jordan Galland veut sortir des chemins balisés, il le fait avec trop d’ardeur et délivre un film qui peut laisser sur le carreau. De par son esthétisme parfois tape à l’œil. De par sa réalisation qui parfois est à la peine. Mais aussi de par son enquête qui flirte bien souvent avec le nanar. Ava va enchainer les rencontres pour avancer dans les origines de sa possession, mais aussi pour comprendre qui est le propriétaire d’une montre qu’elle a retrouvée chez elle, avec notamment une grosse tache de sang. Et là, ça va battre un peu de l’aile, offrant même un climax un peu pourri, qui est cohérent pour critiquer la domination des hommes, mais qui reste facile dans son dénouement.
Au final, Ava’s Possessions n’est pas un mauvais film, et il ne mérite clairement pas toutes les critiques négatives que l’on peut trouver à son sujet. Certes, il est imparfait, et il frôle le nanar par moment lorsqu’il veut entrer dans un comique burlesque, ou dans son final cheap. Mais il a aussi d’excellents atouts, dont un scénario original (comment vivre après avoir subi un exorcisme) et un message crédible et important sur la condition de la femme dans notre société dite « moderne ». Et à ce sens, le film apporte un vrai vent de fraîcheur sur le sous-genre de la possession, ce qui n’est pas rien.
Note : 13/20
Par AqME