mars 28, 2024

Rage

Titre Original : Rabid

De : David Cronenberg

Avec Marilyn Chambers, Joe Silver, Howard Rishpan, Patricia Gage

Année : 1977

Pays : Canada

Genre : Horreur

Résumé :

Après un accident de moto qui l’a complètement défigurée, une jeune femme est soignée par un chirurgien esthétique. Il en profite pour faire une expérience aux conséquences inconnues.

Avis :

Au tout début de sa carrière, David Cronenberg était hanté par les corps et leur transformation. Rapidement devenu le maître du Body Horror (ou ce qu’il appelle plutôt le Body Beauty), David Cronenberg commence à se faire connaître avec Frissons, un film d’horreur dans lequel une entité prend possession des corps et cherche à se reproduire sans cesse. Se déroulant uniquement dans une sorte d’hôtel futuriste, le metteur en scène va voir plus loin, et il enchaine alors avec Rage, qui aura bien plus de succès. Sorte de transposition du film de zombies où l’on remplace le mort-vivant par des infectés d’une sorte de rage, le film de Cronenberg va s’amuser à aller vraiment dans le gore et à critiquer un petit peu la bourgeoisie qui ne jure que par le paraître. Il en résulte un film réussi, souvent sale, mais qui a des choses à dire.

Le film débute avec un couple qui roule en moto sur une petite route, et qui vont avoir un dramatique accident. Si lui en ressort avec simplement la main cassée et une épaule démise, ce n’est pas la même chose pour sa compagne, qui est restée bloquée sous la moto et a subi de graves lésions. L’accident ayant eu lieu à côté d’un hôpital de chirurgie esthétique, un médecin va prendre en charge la femme et faire une greffe expérimentale. Lorsqu’elle se réveille, elle commence à attaquer des patients, qui vont devenir agressifs et violents. Alors qu’elle réussit à sortir de l’hôpital, l’infection va se propager dans tout le Canada. Il est très évident de faire un parallèle avec le zombie flick et les infections qui se propagent, mais le réalisateur veut aller plus loin en égratignant un petit peu certains milieux.

Ainsi, le début du film met en avant quelques patients de cet hôpital, qui ne sont finalement que de sinistres bourgeois qui sont là pour faire disparaître quelques rides. Certains acceptent mal l’arrivée de deux accidentés de la route, et on va vite se retrouve avec un microcosme pédant assez désagréable. De ce fait, lorsque Marilyn Chambers va s’en prendre à certains, on éprouvera une sorte de plaisir malsain à voir tout ce petit monde paniquer. Mais la critique ne s’arrête pas là et va aussi vers la médecine et les expérimentations hasardeuses de celle-ci. Cronenberg raconte l’histoire d’une opération qui se déroule bien, mais dont le médecin ne sait pas les conséquences. Conséquences qui seront désastreuses pour tout le pays. Les médecins qui jouent les apprentis-sorciers sont donc l’une des raisons de l’épidémie, et cela a beaucoup de résonance avec ce qui se passe aujourd’hui.

Si le film a ses restrictions budgétaires (et ses limites de l’époque pour les effets spéciaux), David Cronenberg s’en sort avec les honneurs dans sa mise en scène. On sent qu’il a bien appris avec Frissons, et il souhaite étendre cette histoire à l’échelle de tout un pays. La mise en scène, relativement sobre, ne manque de moments percutants, avec des attaques soudaines et dans des lieux bondés. Certes, on est loin de la nervosité d’aujourd’hui, mais on reste dans quelque chose d’efficace et qui reste en mémoire. Cela est aussi dû à la performance sans faille de Marilyn Chambers qui joue sur deux fronts, l’animalité lorsque l’hôte prend le dessus, et la sensualité fragile lorsqu’elle redevient une « femme ». L’actrice est redoutable et tient réellement tout le film sur ses épaules.

D’ailleurs, si on reste dans une horreur simple, on aura tout de même droit à une romance qui tourne mal. En effet, son compagnon va vite se rendre compte que sa femme n’est pas tout à fait la même, et il va tenter de la sauver, mais trop tard. Le film délivre alors un final déchirant, où l’on voit que l’amour ne peut pas tout guérir. On y découvre aussi une femme forte, qui découvre sa maladie, et qui va alors se sacrifier pour sauver son pays, et accessoirement le monde. Reste alors les quelques éléments changeant du corps humain qui restent tout de même assez discrets pour du Cronenberg. Si l’on excepte un gros plan sur un prélèvement de peau et le truc qui sort de sous le bras du personnage principal, on a peu de chose à se mettre sous la dent, visuellement parlant.

On aurait pu s’attendre à aller plus loin que Frissons, mais ce n’est pas le cas. De plus, le film est loin d’être parfait car il possède des scories qui sont propres à la jeunesse de Cronenberg. Le rythme n’est pas toujours juste, et le film, malgré sa faible durée, peut avoir des passages un peu lancinants. On sent que le réalisateur tâtonne, hésite, expérimente et n’ose pas parfois aller trop loin. On aurait pu avoir une grande scène dans une grande surface, mais on reste sur un unique cas de rage. Il en va de même dans l’hôpital qui cède à la panique, mais pour une seule attaque. On aurait aimé que tout cela aille un peu plus loin dans le côté invasif. Mais d’un autre côté, cet aspect intimiste permet d’être plus précis dans les thèmes évoqués plus haut.

Au final, Rage est un bon film de la part de David Cronenberg et il s’agit peut-être de celui qui va lui permettre d’avoir une reconnaissance mondiale. Pur film d’horreur qui utilise le parasite et la maladie comme vecteur d’un trouble qui entraine violence et cannibalisme, Rage peut se targuer d’avoir été en avance sur son temps et de brasser des thèmes qui sont toujours d’actualité de nos jours. Bref, un excellent Cronenberg, qui lui permettra d’aller encore plus loin dans le Body Horror par la suite.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.