avril 26, 2024

669 – Eric Giacometti et Jacques Ravenne – Une Déception de Plus

Auteurs : Eric Giacometti et Jacques Ravenne

Editeur : J.C. Lattès

Genre : Thriller

Résumé :

« Il y a des nombres sacrés, il en existe aussi de diaboliques. »

À l’approche du débarquement, dans le Paris sombre de l’occupation, des meurtres étranges portent la signature 669.
Le signe de l’apocalypse ?
Face à un cercle de satanistes, les héros vont devoir plonger dans les ténèbres…

Avis :

Entre deux tomes du cycle du Soleil Noir, Giacometti et Ravenne ont retrouvé une période contemporaine pour une nouvelle enquête d’Antoine Marcas, répondant à la sobriété du patronyme de leur personnage fétiche. Un tel retour s’était accompagné d’une déconvenue à la hauteur de nos attentes. Cela s’expliquait par une histoire basique, minée par un contexte pesant et chaotique dans l’évocation de certains évènements réels. Au sortir de ces considérations, le duo d’auteurs entame une cinquième incursion en pleine Seconde Guerre mondiale, renouant avec une trame historique immersive, à l’approche du débarquement de Normandie. Du moins est-ce là les intentions initiales…

On a beau apprécier le retour de Tristan Marcas et un panel de personnages plus ou moins familiers, le prétexte pour initier une nouvelle aventure semble poussif. La justification est relativement facile pour inciter le principal intéressé à reprendre du service. Certes, on note une évolution sensible de l’intrigue qui délaisse les affaires d’espionnage au profit d’investigations policières. Même si l’idée n’est pas inédite, elle a le mérite de renouveler un tant soit peu la formule initiale. Pour autant, l’enchaînement des faits laisse perplexe. L’ensemble a beau être rythmé, il n’en demeure pas moins que l’élément perturbateur amène un mystère qui s’égare en cours de route. Et il ne faut surtout pas se fier à la quatrième de couverture, aussi racoleuse que trompeuse.

Toujours est-il que la simple allusion ésotérique est alors prétexte pour s’épancher sur un peu tout et n’importe quoi. On évoque tour à tour la sorcellerie germanique, l’astrologie sur fond de croyances hébraïques, le mysticisme, l’occultisme et le satanisme. Au gré des chapitres, tout s’amalgame sans véritable but. On songe à de fausses pistes, des intrigues secondaires ou des raccourcis (narratifs et historiques) qui tranchent radicalement avec l’habituelle rigueur des deux auteurs pour distinguer le fantasme de la réalité. Auparavant, l’on pouvait apprécier l’intégration de personnages historiques avec un rôle pertinent au sein des récits. Pour le présent ouvrage, l’approche est beaucoup moins subtile.

Cela vaut pour l’intervention dispensable de Violette Morris, espionne de son état, ou encore le portrait caricatural de Marcel Petiot. L’idée est intéressante à appréhender. Cependant, le résultat est nettement moins probant qu’escompté. Cela tient à une caractérisation sommaire et des réactions aléatoires, voire contradictoires. Malheureusement, le contexte emprunte également la même pente déclinante. Il faut se contenter d’éléments symboliques ou d’images ancrées dans l’imaginaire collectif. Encore une fois, cela reste correct, mais avec des plumes aussi expérimentées que celles des deux auteurs, on est droit d’attendre une atmosphère davantage travaillée, une dichotomie moins marquée dans la société parisienne de l’époque.

Comme pour confirmer ce constat, l’aspect ésotérique n’est qu’un subterfuge afin d’aboutir à une explication d’une simplicité confondante. La révélation finale n’est guère surprenante et délaisse toute considération énigmatique au profit d’un mobile beaucoup plus prosaïque et banal qu’attendu. Dès lors, le camouflet dissimule avec les plus grandes difficultés la vacuité des propos tenus jusqu’alors ; de ces interprétations à l’emporte-pièce aux piètres motivations des antagonistes. Quant au lien pour ancrer l’intrigue au sein de son contexte, il s’intègre tout aussi maladroitement. L’irruption dans le quotidien d’un lebensborn et l’intervention tardive des Alliés outre-Manche sous-tend davantage un traitement de série B qu’un roman historique distrayant et immersif.

Au final, 669 est une cinquième itération dispensable dans le cycle du Soleil Noir, même pour les inconditionnels de Giacometti et Ravenne. Après une bibliographie à la qualité constante, voire excellente à de nombreuses occurrences, les auteurs fournissent un récit non déplaisant, mais qui perd progressivement de son intérêt. Cela vaut pour l’intrigue en elle-même, cette connotation ésotérique négligée et des justifications fallacieuses pour amorcer et résoudre l’affaire criminelle. Sur fond de meurtres en série, faussement ritualisés, ce thriller historico-ésotérique n’en porte plus que le nom. Il en ressort un traitement laborieux, sans fulgurance et miné par de nombreuses approximations en matière de narration et de reconstitution historique. Une seconde déception… en l’espace de deux ouvrages.

Note : 09/20

Par Dante

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