avril 25, 2024

American Elsewhere – Robert Jackson Bennett

Auteur : Robert Jackson Bennett

Editeur : Le Livre de Poche

Genre : Fantastique, Thriller

Résumé :

Veillée par une lune rose, Wink, au Nouveau-Mexique, est une petite ville idéale. À un détail près : elle ne figure sur aucune carte. Après deux ans d’errance, Mona Bright, ex-flic, vient d’y hériter de la maison de sa mère, qui s’est suicidée trente ans plus tôt. Très vite, Mona s’attache au calme des rues, aux jolis petits pavillons, aux habitants qui semblent encore vivre dans l’utopique douceur des années cinquante. Pourtant, au fil de ses rencontres et de son enquête sur le passé de sa mère et les circonstances de sa mort (fuyez le naturel…), Mona doit se rendre à l’évidence : une menace plane sur Wink et ses étranges habitants.
Sera-t-elle vraiment de taille à affronter les forces occultes à l’œuvre dans ce lieu hors d’Amérique ?

Avis :

Pour un écrivain, ancrer une intrigue dans une communauté reculée est l’occasion d’explorer des lieux empreints de mystères qui possèdent leurs propres règles. Il ne s’agit pas de zone de non-droit, mais d’endroits qui suggèrent fantasmes et fascinations dans la manière de s’isoler de la société, voire de la civilisation. De nombreux auteurs et artistes s’y sont essayés. David Lynch avec Twin Peaks, Blake Crouch avec Wayward Pines, Stephen King avec Chester’s Mill… Il faut dorénavant compter avec Robert Jackson Bennett et la communauté de Wink. Cependant, American Elsewhere ne se contente pas de s’inscrire dans le sillage de ses prédécesseurs. Ce roman s’avance comme une singularité, tant littéraire que temporelle…

D’emblée, l’entame joue de mystères, ne serait-ce que pour atteindre la petite ville de Wink, dont l’existence semble uniquement connue des seuls habitants. Cela sans compter les aléas géographiques et les détours pour y parvenir. L’auteur enveloppe la communauté et les évènements qui l’entourent d’une aura énigmatique où l’irrationalité des faits s’insinue dans une réalité d’une rare banalité. Du moins est-ce là ce que l’on veut nous faire entendre. L’arrivée de Mona en ville, la découverte de l’hôtel, puis de la maison de famille, les bizarreries qui surviennent à la nuit tombée… Chaque élément concourt à déstabiliser le lecteur, à effacer progressivement ses repères.

De par leurs comportements, les différents intervenants sont insaisissables. Il n’est pas forcément question d’y trouver une résonnance maléfique ou même bienveillante. Si l’on distingue une tonalité manichéenne, elle reste de façade, dissimulant des motivations et des enjeux bien plus complexes qu’escomptés. Sur ce point, Robert Jackson Bennett parvient à dépeindre des portraits crédibles, originaux et dissemblables les uns des autres. Chaque personnage possède une importance notable et continue à évoluer jusqu’au terme du récit. La caractérisation constitue une véritable force. Par extension, elle permet d’appréhender Wink en tant que personnage à part entière.

La première partie d’American Elsewhere s’avance donc comme une forme de présentation de la ville et des mystères qui l’entourent. Le climat se veut pesant, parfois oppressant dans certains échanges ou passages. La suite donne lieu à de nombreuses révélations quant à la teneur des évènements. On y évoque des considérations métaphysiques plus que physiques. On peut s’attarder sur le concept de pandimensionnalité ou de l’altération de la réalité. En vérité, il s’agit davantage d’un amalgame entre deux plans différents ; le tout auréolé de divergences temporelles et d’un espace d’une rare malléabilité. Dit comme cela, le propos peut paraître complexe, voire abscons.

Pour autant, l’auteur s’étend, parfois plus que de rigueur, sur des explications fouillées et très didactiques. Si ces justifications demeurent nécessaires, elles ralentissent néanmoins le rythme et rendent la lecture plus passive qu’immersive. En soi, ce n’est pas un mal. Il est toutefois bon d’en avoir conscience, tout comme l’orientation de l’intrigue vers un traitement grandiloquent, fait de fantasmagories en tous sens. L’ensemble des notions avancées donne alors lieu à une dernière partie délirante. Celle-ci s’arroge des atours antéchristiques. Sans transition ni contraste, surgissent des affrontements entre géants et des confrontations sous forme de projections astrales ou de techniques mentales équivalentes.

Au final, American Elsewhere est un roman original qui n’hésite pas à multiplier les prises de risque pour mieux décontenancer son lectorat. Robert Jackson Bennett parvient à créer une communauté crédible dans un environnement des plus déstabilisant. Mystérieux, inquiétant, fascinant… Le récit se montre patient et méticuleux dans sa force de description et sa caractérisation, et ce, en dépit de quelques longueurs et errances en fin de parcours. Un thriller horrifique qui prend des libertés avec d’autres genres pour fournir une histoire singulière, elle-même soutenue par une imagination débridée quand il s’agit d’explorer des considérations métaphysiques, voire multiverselles.

Note : 15/20

Par Dante

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