Auteur : Ghyld V. Holmes
Editeur : Anima Studio Productions
Genre : Science-Fiction, Policier
Résumé :
En ce début du 22e siècle, Europa est la première puissance mondiale, un phare dans un monde en déliquescence où les repères disparaissent au fur et à mesure que la misère, les possibilités technologiques et la violence augmentent. Tout part d’un meurtre. Mais le cadavre retrouvé dans cette ruelle sordide de Berlin n’est autre que celui de Massimo Haartmenger, le fils du ministre de la Sécurité Nationale. L’affaire, déjà sensible, prend les proportions d’une affaire d’État dès que les fouineurs mettent en évidence qu’il ne reste plus que la moindre trace de sang dans le corps de la victime ! L’enquête est officiellement confiée à Anasthasia Kovarowski, l’inspectrice la plus médiatique d’Europa depuis l’affaire X Wrong. Kovarowski et ses deux coéquipiers, Mattew Herzmann et Heinke Goerst, vont dès lors se retrouver projetés au sein d’intrigues où leurs vies pèsent bien peu face aux enjeux. Confrontés à une guerre des services et à des forces dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence, Kovarowki, Goerst et Herzmann résisteront-ils aux énormes pressions auxquelles ils seront soumis ?
Avis :
L’affaire Haartmenger nous plonge dans un univers futuriste sombre, avec des héros tout aussi cyniques et hauts en couleur. Rapidement, le lecteur s’y attache, même s’il ne les connaît pas vraiment. L’histoire des personnages tarde en effet à venir, mais cela ne gâche en rien leur franc parlé, attitudes vibrantes de vérité et l’image puissante qu’ils renvoient. Alors qu’ils sont entourés de personnalités malhonnêtes, superficielles et manipulables, nos héros montrent une véritable force de caractère. Une dose de fraîcheur qui distribue espoir et force, dans une atmosphère glauque malaisante.
L’affaire Haartmenger recrée une ambiance réaliste captivante, en parfait équilibre entre violence et émotions, figures détestables et personnalités complexes. D’emblée, le lecteur est pris au piège par une enquête savoureuse, une affaire alambiquée aux rebondissements toujours plus étonnants.
L’univers s’avère complet et détaillé. En plus des descriptions multiples présentes dans le texte, le roman se compose également de nombreuses annotations qui décrivent les mécanismes inventés, les nouvelles lois du futur ou les groupes politiques et de défense qui maintiennent l’ordre et la cohésion. Le narrateur ne s’attarde pas à tout nous expliquer pour ne pas alourdir la lecture. Les notes s’en chargent à sa place.
Il est dommage de ne pouvoir assimiler les créations uniques de l’auteur directement via le texte, comme cela est fait habituellement. Cependant, les notes sont si complètes et fines, que l’on comprend la direction choisie. Le système politique, les créations robotisés, les nouveaux modes de vie, les avancées de la médecine… L’affaire Haartmenger met en place un monde magique, incroyablement travaillé et réfléchi, qui a tout l’air d’un futur probable. L’avant-propos présent dans l’édition intégrale ajoute à cela, grâce à une description politique crédible de Europa, une nouvelle puissance associant l’ancienne Union Européenne et le continent asiatique.
L’écriture est plaisante, malgré quelques phrases longues. La poésie qui se dégage de certains passages et dialogues titille agréablement nos sens. Les basculements entre les différents points de vue se lisent avec facilité, notamment grâce à des chapitres courts et efficaces. Par endroit, des phrases en italique nous dévoilent les pensées cachées des personnages. L’auteur en profite pour utiliser des mots crus, un vocabulaire moins soutenu et plus vivace. Les héros nous touchent plus profondément encore.
Anasthasia, la superflic, joue un double-jeu douloureux. Dure et impénétrable lorsqu’elle enquête, sa carapace se délie une fois rentrée chez elle, dans son intimité. Femme de caractère, à la fois forte et sensible, Anasthasia porte ses coéquipiers, représente l’image de la véritable héroïne aux yeux du peuple, et reste combattante quelles que soient les circonstances. Machine puissante, humaine dévouée et féroce, le lecteur l’apprécie rapidement pour sa force de vivre indéniable.
Au contraire de la jeune femme, son partenaire Herzmann représente le geek dépressif qui se cherche, associé à un soldat de pointe qui ne rate presque jamais ses cibles. Lorsque l’on commence à fouiller dans son passé, l’on comprend pourquoi le personnage porte une vision pleine de noirceur sur le monde. Herzmann sombre dans des jeux virtuels, un quotidien misérable, une vie sans saveur. En pleine enquête, il se bat et ne lâche rien. Il revit, des étincelles plein les yeux.
Leur dernier partenaire, Gœrst, présente une autre face de la société. Grâce à lui et son parcours, le lecteur plonge dans le quotidien d’une personne de la classe moyenne basse, qui ne parvient pas à joindre les deux bouts et qui ne peut pas acheter pour faute de dossier solide. Gœrst nous rappelle notre propre vie, nos propres soucis. Les évolutions technologiques ne changeront malheureusement pas tout, surtout pas les problèmes liés à l’argent. De lourds secrets lui gâchent sa vie de famille et l’empêchent de se satisfaire de son quotidien simple. Gœrst tente de survivre dans un monde qui le rejette, il essaie de trouver sa place, de gravir des échelons, d’aller au-dessus de sa condition.
Le trio fonctionne à merveille, entre sarcasmes affolants et piques venimeuses, amitiés sincères et affrontements passifs. Plus on avance dans le roman, plus les trois personnages prennent de l’ampleur et gagnent en profondeur, tout comme leur relation. Ils portent le roman. Leurs histoires sont toutes intéressantes.
De nombreux autres personnages secondaires les accompagnent. Utiles à l’histoire, ils ne prennent cependant pas toute la place, tout comme les criminels de l’enquête qui apparaissent régulièrement. Les chapitres se focalisant sur ces derniers ne dévoilent rien des mystères ou des plans de l’opposition, de telle sorte que le lecteur apprécie ces passages qui ne gâchent en rien le suspens inhérent de l’ouvrage. De la première à la dernière ligne, l’auteur nous tient en haleine. L’affaire avance lentement mais avance suffisamment pour nous donner envie de poursuivre. Quelques indices tombent, nous mettant la puce à l’oreille, sans pour autant nous mener sur la piste de la résolution. A la fin du premier tome, l’affaire reste des plus floues. Ce qui annonce un second et dernier tome palpitant !
Le roman constitue une enquête de qualité, qui sait se jouer de ses lecteurs comme de ses personnages. Le futur ne changera pas la donne : les politiciens, les médias et l’armée restent des forces omniprésentes qui n’hésitent pas à mettre des bâtons dans les roues de nos héros. Les scènes d’action, nombreuses, sont plaisantes à suivre, bien construites et jamais lassantes.
L’affaire Haartmenger est un roman de science-fiction policier intelligent, qui nous offre une aventure endiablée, des personnages attachants, tout en disséminant des critiques sur notre société. Une ambiance noire et blanche, entre espoir et drames humains.
Note : 19/20
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Par Lildrille